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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce livre nous conte une fable politique où l'on sent bien que la fiction pourrait malheureusement être réalité : imaginez qu'un jour de révolte, plus de 70% des électeurs de la capitale votent blanc. Que fait le gouvernement en place ? Dire que l'électeur s'est trompé, qu'il faut recommencer. Oui mais 83% des votes reviennent blanc à ce second tour. Alors c'est un complot, il faut trouver des coupables, fussent-ils innocents qu'importe, et on ne tient évidemment aucunement compte de ce scrutin. La capitale devient l'équivalente de Sodome ou de Gomorrhe dans le nouveau langage politique et le gouvernement installe la capitale ailleurs dans le pays.

Une histoire hautement dérangeante qui repose la question de savoir si nous sommes toujours bien en démocratie. Le tout servi par une superbe écriture, enfin pour ceux qui aiment, comme moi, un long phrasé, des mots qui s'enchaînent quasiment sans ponctuation comme un long halètement, et c'est vrai qu'on a du mal à reprendre son souffle après une telle lecture.

Un grand prix Nobel.
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La lucidité, ou une fable politico-philosophique des temps modernes.
Difficile de décrire ce texte : corrosif peut-être, subversif assurément, c'est en tous cas une réflexion très habile sur la crise de la représentation dans les démocraties occidentales.

Le récit commence de façon assez cocasse, presque humoristique : à l'issue d'une scrutin, les résultats donnent la majorité au vote blanc, à hauteur de 83% ! C'est la panique dans les plus hauts cercles de pouvoir. On crie au complot, on rappelle aux citoyens leurs devoirs, mais jamais, au grand jamais, on ne pose la question de la légitimité des représentants ni de leur possible démission. C'est le traditionnel « moi ou le chaos », le dernier ressort du pouvoir lorsqu'il a tout perdu.

La lecture de cet essai à haute teneur politique n'est pas facile au début, il faut s'habituer aux phrases longues et aux paragraphes denses, presque sans respiration, où le récit et les dialogues s'entremêlent. Mais on finit par se prendre au jeu, notamment dans la dernière partie du livre, construite comme un roman d'espionnage. C'est d'ailleurs, on s'en rend compte à la fin, un stratagème littéraire très puissant puisque tout est objectivé. le pays n'est jamais nommé, la capitale n'a pas de nom, pas plus que les partis ou responsables politiques, ni même les personnages centraux de l'intrigue policière.

Le roman est construit comme un entonnoir : le peuple qui a voté blanc est d'abord présenté comme une masse informe puis, à mesure que le récit avance, des individualités émergent, parfois malgré elles, dans la recherche d'un bouc émissaire. Pour autant, les personnages n'ont pas d'identité. Les responsables politiques ou administratifs sont présentés par leurs fonctions, les autres personnages par leurs professions ou un trait caractéristique de leur physique. La force de cet anonymat est incroyable car c'est elle qui donne sa dimension universelle au récit qui, d'une analyse sans concession de la crise de la représentation actuelle des démocraties occidentales, devient une critique intemporelle des mécanismes de perpétuation du pouvoir politique.

Grâce à des situations et réflexions absurdes, José Saramago ne fait pas l'apologie du vote blanc mais celle de l'auto-organisation des sociétés. Il moque le pouvoir politique dans les règles de l'art, en offre une critique acerbe et efficace. Mais son récit est finalement profondément pessimiste quant à la possibilité de sortir du système représentatif qui est le nôtre. En un sens, La lucidité est le récit de la mise en place d'un pouvoir autoritaire par les responsables politiques (tout changer pour que rien ne change, en somme) alors que le peuple appelle, sans concertation préalable, à un changement pacifique.
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Le livre de Saramago n'est pas facile à lire, comme l'ont remarqué d'autres Babélionautes, compte tenu du style des phrases sans respiration et de la densité du texte.
Mais elles sont toutes savoureuses. Elles nous font réfléchir au fonctionnement de nos démocraties, au sens du vote, au rôle des politiques et à leur goût du pouvoir, à la censure possible de la presse.
Le roman démarre au moment d'une élection dans la capitale d'un pays qui n'est jamais nommé. 83 % des électeurs ont voté blanc. Pour le gouvernement, c'est le signe d'une révolte inadmissible qui fragilise grandement le fonctionnement de la démocratie, et doit donc être sévèrement punie. Pourtant comme l'affirme une habitante de la capitale qui est questionnée pour savoir pour qui elle a voté (p. 58) "voter blanc, monsieur le questionneur, est un droit qui ne souffre pas de restrictions et que la loi n'a pu que reconnaître aux électeurs, il est écrit en toutes lettres que personne ne pourra être poursuivi pour avoir voté blanc, en tout cas pour vous rassurer je répète que je ne suis pas de ceux qui ont voté blanc, j'ai évoqué cette hypothèse à des fins purement théoriques".

Les politiques, dans ce roman, prennent souvent des décisions loufoques, ne serait-ce que pour affirmer leur pouvoir. Pour ne donner qu'un exemple, lorsque le Ministre de l'Intérieur ordonne au maire de la capitale d'obliger les éboueurs à se remettre en grève. Réponse du maire : "je ne dispose d'aucun moyen pour faire respecter votre ordre, sauf si vous souhaitez que je fasse appel à la police et si tel est bien le cas je vous rappellerai que la police est partie, elle a quitté la ville en même temps que l'armée, toutes deux ayant été emmenées d'ici par le gouvernement, et reconnaissons de surcroît qu'il serait hautement anormal de recourir à la police pour convaincre les travailleurs de se mettre en grève de gré ou de force et plutôt de force que de gré alors que depuis toujours elle a été utilisée pour faire avorter les grèves au moyen d'infiltrations et d'autres procédés bien moins subtils".
Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres du ton du livre.
On retrouve des personnages de livres précédents de l'auteur, dont la femme qui n'est pas devenue aveugle dans L'aveuglement.

La fin est triste mais était prévisible, dans le contexte de la politique mise en place par les autorités du pays pour ramener les habitants de la capitale à la raison et conserver leur pouvoir.
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Avec ce roman, Saramago hisse la fable politique vers d'autres dimensions. Son ironie grinçante vis-à-vis des démocraties modernes est exquise. Son style est toujours le même: dense, sarcastique, plein de digressions et des descriptions et des dialogues qui se suivent sans ponctuation.

De quoi s'agit-il? L'intrigue du roman est la suivante. Lors d'une élection, 83% des habitants d'une ville choisissent de voter blanc. Les dirigeants des partis politiques, surtout celui de droite qui est au pouvoir, sont affolés. Qu'a le peuple pour réagir ainsi? Comment le pouvoir devrait-il réagir? Quoi faire pour appeler les électeurs à la raison? On peut voir La lucidité comme une continuation de L'aveuglement dans la mesure où la ville frappée par la lucidité est la même dont les habitants ont été atteint par l'aveuglement des années auparavant.

Cette parodie de la démocratique moderne est très juste. Et si je suis vraiment obligée de lui trouver un bémol, ce serait le fait que certains personnages très développés au début sont complètement abandonnés par la suite. Mais même cela peut être justifié aussi bien par une volonté de créer un suspens et dérouter le lecteur que par le style chaotique de l'auteur.
Lien : http://www.litteratureworld...
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Roman de l'absurde, de la dérision, du pastiche : on pense effectivement à Kafka, Ionesco.

Vous ne supportez pas les longues phrases ni les digressions: passez votre chemin! Dans le cas inverse: savourez (ce fut mon cas) . Certes la quasi absence de ponctuation , l'absence de renvoi à la ligne, donnent un aspect visuels dense au livre, qui ne se prête pas à une lecture "dilettante". Mais il contribue largement à créer atmosphère d'étouffement impalpable qui se répand sur le pays inconnu de ce roman. Il renforce aussi la pesanteur des digressions administratives, creuses, et pompeuses des acteurs gouvernementaux de cette fable noire.

N'oublions toutefois pas les thématiques de ce roman: Saramago (que j'ai découvert avec ce livre) décortique les travers des systèmes politiques démocratiques en ironisant de manière mordante et convaincante sur les ambitions, les rivalités, les discours emphatiques, les circonvolutions que ne dissimulent pas la langue de bois largement mise à contribution. Mais surtout (à mon avis!) Saramago veut montrer comment insensiblement ...mais rapidement, les démocrates élus (sans nul besoin d'un dictateur ou "homme providentiel") d'un régime démocratique (malgré ses limites) peuvent faire faire basculer une nation vers un système autoritaire et assassin. La résistance passive des habitants "blanchards" et "autogérés" de la capitale résistera-t-elle? 

Ce livre m' avait été offert sur une base "sortir des sentiers battus": objectif atteint!
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Un récit éclatant

Du début à la fin, dans sa prose dense, l'auteur nous emmène dans cette ville, où l'anonymat règne. Pas besoin de s'embêter sur qui est qui, tout est sous contrôle. Enfin presque... L'histoire est réellement incroyable : une épidémie de vote blanc frappe la capitale, déjà déboussolée par un de ses sens perdus il y a quelques années. Que va-t-il se passer ? Eh bien, que des rebondissements. Jusqu'aux dernières pages. Refermer ce livre, ce chef-d'oeuvre même, est un choc pour moi

De nombreuses actions donnent des pistes de réflexion sur des sujets vastes. La population fait toujours bloc contre un gouvernement idiocrate, arrogant, outrecuidant, infatué ; de quoi prendre quelques exemples sur ces valeureux concitoyens...

Après l'aveuglement, vient la blanche lumière ou les noirs ténèbres ?
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Ce livre est la lecture d'août du club de lecture "Faites le tour du monde" qui nous emmenait au Portugal. Ce n'est pas le livre que j'avais choisi durant le sondage, mais j'aime jouer le jeu auquel je participe. Et bien m'en a pris. Ce n'est pas une lecture facile, j'étais d'ailleurs un peu réticente lorsque j'ai vu sur Livraddict qu'il était défini comme un essai et non comme un roman. C'est une lecture très ardue d'une part à cause de sa structure et d'autre part à cause de son thème.
Parlons d'abord de sa structure ou plutôt de sa "non-structure". En effet il n'y a pas de paragraphes, ni de dialogues bien définis et les phrases sont très très longues. Les dialogues se fondent dans la masse du texte qui apparait comme un gros bloc de mots.
Ensuite le thème, la politique. Sujet dont je ne suis pas, mais vraiment pas, friande.
Et pourtant... J'ai apprécié cette lecture ! Je l'ai même conseillée sur Twitter lors du #MardiConseil de Vendredi Lecture, c'est vous dire.
Après avoir un peu galérer au début à me dépatouiller dans ce texte brut, j'ai pris mes marques et ma lecture s'est fluidifiée au fil des pages. Il ne faut pas se braquer sur cette drôle de structure de texte, je pense, mais prendre certains indices (virgules, lettres majuscules) pour faire sa propre structure. Quant au thème et bien... il est fascinant ! Il est traité avec sérieux mais aussi avec beaucoup d'ironie (que j'ai particulièrement appréciée). le sujet est d'actualité (qui ne râle pas sur le gouvernement de son pays ???) et chacun peut y retrouver un peu ou beaucoup de sa réalité.
En bref une lecture ardue mais très très intéressante et interpellante.
Ce que j'ai aimé : l'ironie qui parcours l'histoire du début à la fin.
Ce que j'ai moins aimé : vous l'aurez sans doute déjà bien compris : la structure du texte.
Lien : http://jenta3.blogs.dhnet.be..
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Une bonne réflexion sur la démocratie et le droit de vote. L'auteur cherche à savoir si nos sociétés vivent toujours sous le régime démocratique. Le peuple est-il encore vraiment souverain ? Sommes nous passés à un régime oligarchique ? Une réflexion intéressante et nécessaire...
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N°479– Décembre 2010.
LA LUCIDITÉJosé Saramago *– le Seuil

« La lucidité est la blessure la plus proche du soleil » disait René Char. Je ne gloserai pas sur cet aphorisme, d'autres le feront sans doute mieux que moi mais selon de dictionnaire, la lucidité évoque la raison saine et claire, la conscience, la clairvoyance...

Selon son habitude, Saramago met en scène une capitale sans nom dans un pays également anonyme et concocte une fable apparemment surréaliste : lors d'une élection municipale, 83% des électeurs ont voté blanc. Il n'y a pas eu d'abstention, c'est à dire que ces mêmes citoyens ont fait leur devoir électoral, mais ce qu'ils ont signifié au pouvoir sort des réponses traditionnelles que les sondages sont censés prévoir. D'ordinaire l'électorat porte la droite au pouvoir face à une gauche inexistante, mais là, la réaction populaire est sans précédent. Il n'est pas imaginable que cela exprime un rejet de la politique en général, qu'elle soit proposée par le parti au pouvoir ou par l'opposition. C'est une forme d'expression qui n'est, de ce fait, pas admissible en démocratie.
Les hommes politiques n'estiment jamais tant le peuple dont ils tiennent leur mandat qu'au moment des campagnes électorales. Elles révèlent leur imagination et excitent leurs facultés de surenchère, mais surtout, ils ne peuvent pas s'imaginer que leur fonction est menacée. La paranoïa ordinaire refait surface et avec elle la théorie bien connue du complot qui prend ici la forme d'une improbable conspiration subversive d'un petit groupe d'anarchistes contre la pensée unique. le pouvoir politique, loin de s'interroger sur les raisons profondes de cette attitude, ne songe qu'à culpabiliser les électeurs, estimant que ces bulletins n'auraient pour but que d'attenter à la stabilité du régime. le vote blanc rend le système ingérable, même s'il y a une tentative d'auto-gestion par le peuple. Tout cela aurait contaminé tout le pays et il est urgent d'y mettre un terme.
Les « blanchards » assument pourtant leur option politique avec calme, le peuple s'organise au quotidien mais, à cause de leur posture jugée illégitime par les hommes politiques, ils sont des adversaires tout trouvés contre lesquels la violence va se déchaîner. Cela va donner une intrigue policière où il va falloir trouver des coupables... ou en inventer ! Dans les situations de crise, davantage peut-être que dans le quotidien ordinaire, la faculté humaine de délation trouve son terrain de prédilection. Ici, le sycophante ne peut pas ne pas se manifester et grâce à lui, le pouvoir trouve aisément le responsable de ce vote blanc. Il s'agit d'une femme qui aurait échappé quatre ans plus tôt à une épidémie temporaire de cécité et qui aurait commis un meurtre. Ce fait est regardé comme hautement suspect par les autorités même s'il n'y a évidemment aucun lieu entre les deux événements. Une enquête est quand même diligentée qui doit être menée à son terme. Elle mettra en évidence, non la vérité mais la nécessaire et judéo-chrétienne culpabilisation de l'individu et une conclusion déjà concoctée par les autorités . Dans une ville en état de siège un commissaire de police diligente cependant des investigations réglementaires où Courteline donne la main à Kafka, sans pour autant se faire beaucoup d'illusions sur le sens de sa mission. L'épilogue sera celui d'un véritable roman policier.

Je n'oublie pas non plus que Saramago a été membre du parti communiste portugais, a milité dans les rangs des altermondialistes et n'a pas caché sa sympathie pour les Palestiniens contre Israël. Il a même été tenté par une carrière politique en se présentant aux élections européennes en 2009. Faut-il voir dans ce roman le prolongement de ses réflexions personnelles ou une critique ironique des démocraties occidentales. C'est un roman subversif comme les aime Saramago. L'auteur, sous couvert d'une fiction un peu surréaliste met en évidence les travers de l'espèce humaine qui est bien moins humaniste qu'on veut bien le dire. Il lui permet de pointer du doigt la fragilité de la démocratie qui est toujours mise en avant et regardée comme une avancée face aux dictatures. Selon Churchill, elle est « la pire forme de gouvernement , sauf tous les autres qui ont été essayées ». Il est donc parfaitement possible de l'instrumentaliser. Est-ce la reconnaissance implicite d'un rejet populaire des partis politiques traditionnels ou la mise en évidence de l'absurde d'une situation, le peu de cas qui est fait du citoyen face à la raison d'état ?

Saramago quitte ici son rôle purement littéraire pour revêtir l'habit du militant, pour donner aux citoyens du monde l'occasion d'inviter le pouvoir à redessiner autrement le paysage politique, de prendre en compte ce qui et un véritable « suffrage exprimé », loin des partis politiques traditionnels, même s'il ne correspond pas à ce qu'on s'attend à voir sortir des urnes. Conclut-il à un échec programmé de toutes les subversions, même les plus constructives ? Pense-t-il que l'appareil politique reste le plus fort face à l'individu ou que le « pré carré » des politiques doit resté ce qu'il est ?

Je continue d'être enthousiasmé, malgré des pratiques rédactionnelles originales et des digressions parfois un peu longues et difficiles à suivre, par l'oeuvre de Saramago dont cette revue s'est largement fait l'écho (La Feuille Volante n° 475 – 476 - 478)

*José Saramago (1922-2010] – Prix Nobel de littérature 1998.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Un récit à la fois politique et fantastique par lequel les mots sont utilisés abusivement afin de manipuler l'opinion publique, d'exercer un pouvoir de domination sur le peuple et de justifier l'état chaotique de siège. Plusieurs passages sont de longues logorrhées démagogiques n'expliquant rien aux enjeux du roman, mais visant plutôt à identifier les coupables de l'impasse démocratique dans laquelle est plongée la société mystérieuse d'un pays non identifié. La lecture du livre m'a fait souvent penser à une fusion d'un roman de Kafka et de Boulgakov.
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