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Ce livre est le premier volume d'une trilogie monumentale. C'est l'histoire de Mussolini et de l'Italie sous le régime fasciste qui est contée avec talent. Ce n'est pas un livre d'histoire, ce n'est pas un roman. C'est un objet littéraire hybride qui se lit comme un roman avec le souci constant d'être au service de l'Histoire. Tout les événements relatées dans ce livre proviennent de sources historiques ( lettres, articles de journaux, décrets, discours publics, communiqués confidentiels ou public, compte rendu d'écoutes téléphoniques…) . Pour résumer c'est une sorte de roman documentaire pour reprendre la formule de l'historienne Stéphanie Prezioso. Ce premier tome relate en 800 pages la période 1919-1923, c'est à dire les années où Mussolini et ses partisans vont peu à peu dissoudre de l'intérieur la démocratie italienne, écraser les oppositions politiques (socialistes, communistes mais aussi démocrates chrétiens). C'est aussi le tableau (trop souvent ignoré en France) d'une Italie qui ressort exsangue, divisés et surtout meurtrie du premier conflit mondial (Rappelons que cette guerre a fait payer un lourd tribut humain à l'Italie avec environ 600 000 hommes morts dans les combats sans compter les centaines de milliers de mutilés et de blessés). Mais le point fort de ce livre est ,à mes yeux, qu'il choisit de relater les évènements du point de vue de tous les protagonistes. Ce sont en effet les hommes qui font L Histoire par leurs décisions, leurs actions mais aussi leurs affects. le livre choisit donc de donner la parole à Mussolini qui se révèle dans toute sa complexité, sa démesure, ses ambiguïtés multiples (notamment pour assumer la violence politique) et bien entendu son immoralité au service d'un sens politique redoutable au moins pour cette période. La liste des protagonistes célèbres ( Margherita Sarfatti ou Gabriele D'Annunzio) mais aussi de simples anonymes est trop longue pour qu'on puisse tous les citer ici. On pourra retenir celle du député socialiste Giacomo Matteotti. Cet homme est l'exact opposé de Mussolini car c'est un pur, un idéaliste qui paye de sa vie son opposition méthodique au Duce à la chambre des députés où il semble le seul à ne pas avoir courbé l'échine. La mort de Matteotti a causé d'ailleurs un émoi considérable en Italie à l'époque et à cette occasion le régime fasciste naissant aurait pu sombrer corps et biens...mais n'en disons pas plus. Cette trilogie est un rappel utile bien au delà de cet épisode tragique de l'histoire de l'Italie : les régimes démocratiques sont fragiles et sont souvent désarmés contre ceux qui veulent les abattre.
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A l'occasion de la sortie du troisième tome en Italie, et au regard de l'actualité transalpine récente, j'ai voulu le relire mais cette fois dans la langue de Dante.
ce qui modifie quelque peu la critique

Roman historique ou L Histoire en roman.

Difficile de trancher. L'auteur nous prévient dès le préambule : "Les événements et les personnages de ce roman documentaire ne sont pas le fruit de l'imagination de l'auteur. Au contraire, les faits, les personnages, les dialogues et les discours relatés ici sont tous historiquement documentés et/ou rapportés par plusieurs sources dignes de foi. Reste cependant que l'Histoire est une invention à laquelle la réalité apporte ses propres matériaux. Mais sans arbitraire."

Reste que le parti pris utilisant la technique de la multiplicité des points de vue est diablement efficace. 

Ce livre va de la fondation des faisceaux de combat de 1919 à l'assassinat de Matteotti (1924) en passant par des épisodes d'importance primordiale ou secondaire sur le plan historique, tous visaient cependant à démontrer la capacité du "fils du siècle" à tirer parti des difficultés de ses adversaires à prendre des décisions, et de son extrême adaptabilité et ténacité à poursuivre un objectif.

Explication du titre :
"Le 30 octobre 1922, à 11 h 05, alors qu'il montait l'escalier du Quirinal afin que le roi lui confie la tâche de gouverner l'Italie, Benito Mussolini, d'origine plébéienne, bohémien de la politique, autodidacte du pouvoir, dépourvu de toute expérience du gouvernement ou de l'administration publique, et député depuis seulement seize mois, était à trente-neuf ans le plus jeune Premier ministre de son pays, le plus jeune des chefs de gouvernement du monde entier, et il portait la chemise noire, l'uniforme d'un parti armé sans précédent dans l'Histoire. Malgré tout, ce fils de forgeron – l'enfant du siècle – avait gravi les échelons du pouvoir. Soudain, le nouveau siècle s'est ouvert et refermé sur ses pas."

Cette oeuvre extraordinaire de Scurati, est à ne pas manquer et pour au moins deux raisons.
D'une part en raison de la nouveauté de la structure : il est difficile de le définir comme un roman historique, bien qu'il se réfère certainement à ce genre, car il n'a pas les caractéristiques littéraires, étant la narration centrée sur une séquence de scènes uniques dans laquelle les personnages ou les événements choisis de temps en temps occupent la narration avec une technique presque théâtrale, dans laquelle les acteurs tiennent la scène quelques instants avec une puissance expressive et une tension psychologique. L'effet est extraordinaire : une véritable explosion, qui donne un caractère toujours plus vigoureux à l'histoire et confère à l'ensemble une puissance expressive unique.
Ensuite, le choix du personnage Mussolini, mis en scène sans compromis et sans jugements moraux, comme il paraît : histrionique, violent, très rapide à saisir les opportunités, toujours sans scrupules, habile rhéteur, sachant saisir les forces inhérentes aux oubliés des tranchées qui forment le noyau dur de son parti et le lectorat de son journal. Tous ses adeptes les plus ardents sont des vétérans de la guerre, plus ou moins incapables de se réadapter et enclins à la violence, violence qui, entre 1921et 1922, prend de plus en plus une connotation antisocialiste, dépassant même ses intentions d'ancien socialiste.
Parmi les nombreux personnages qui sont évoqués, deux disputent la scène au principal protagoniste pour leurs charmes et leurs forces :
D'annunzio, le poète et héros de la grande guerre, celui qui inocule le germe de la subversion avec l'expérience de Fiume (ou Rijeka de nos jours) et
Matteotti, le socialiste réformiste très lucide qui dénonce sans hésiter la violence et la corruption du fascisme naissant, payant son courage de sa vie.

En tout cas on pourra saluer à l'auteur d'avoir retranscrit à merveille l'atmosphère de ces années par la myriade de faits et d'épisodes criminels qui ont marqué la montée du fascisme. Ce récit est le livre de la décomposition d'un monde, qui donne naissance à un monstre. Et ça n'en est que plus vertigineux. L'auteur nous explique dans le détail les mécanismes de cette prise du pouvoir : les acteurs, dépassés, incapables de comprendre ce qui se passe devant leurs yeux, les chefs locaux indisciplinés, qui eux voient que Mussolini n'est pas réellement des leurs, et qui en viennent à hésiter, un roi qui n'a pa su signer un décret au bon moment.
C'est l'Histoire qui s'écrit sous nos yeux.
Cette histoire est profondément actuelle, elle est par certains côtés, une leçon pour que  l'Histoire ne se reproduise pas...

si seulement c'était vrai....
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C'est une lecture exigeante pour qui n'est pas expert en histoire contemporaine de l'Italie. L'ensemble fourmille de détails à peine compréhensible si l'on ne fait pas l'effort de se renseigner en parallèle.
Toutefois, le style littéraire est très plaisant. Tantôt sarcastique, tantôt tragique, l'auteur nous invite à regarder l'évolution du fascisme italien avec lucidité.
À réserver aux lecteurs les plus aguerris et les plus ambitieux !
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Terrible.. prenant et lourd mais surtout prenant!

Il y a quelques années, je suis allée à Forlí à la recherche des traces de  ... Catherine Sforza. Peu ou même rien dans la ville ne marquait vraiment la dite "Dame de Forlí". Par contre, en sortant de la ville, nous sommes tombées par le plus grand des hasards sur la villa de Mussolini! (voir https://conoscerelastoria.it/villa-mussolini-la-residenza-del-duce-a-forli/) .. et la visite de la villa a été édifiante (pour le moins). En parlant avec le gardien, je me suis rendu compte que M est encore bien dans les faveurs. Et ceci était AVANT la tempête Trump.

Le livre est captivant, construit comme une enquête policière avec, à chaque chapitre, une reprise des textes publiés à ce moment. Tout le temps j'ai eu l'impression de lire un reportage actuel. La magie du présent opère sur les 842 pages. Ces textes donnent le ton de l'ambiance qui régnait en 1920 en Europe. Les descriptions de misère infinie qui dominait en Italie prennent corps. Une misère qui déclenche une violence (ou est-ce l'inverse) sidérante.

Comment un médiocre, aujourd'hui on dirait peut-être un bi-polaire, a-t-il pu se hisser au pouvoir et y rester si longtemps? Une des réponses possibles est dans ce livre: avec des beaux discours et des promesses d'un monde .. gagnant. Une voix tonitruante, bref une "bête de scène". M et H ont fleuri en 1920 et maintenant nous avons Trump & Co. Discours basiques et sommaires mais simples. Des promesses qui n'engagent que ceux qui les croient. Les ravages de 14-18 expliquent aussi cela, et la vidange intégrale qui avait lieu au même moment en Russie a pris de court bien des populistes en herbe. Même si le roi d'Italie est discret, il a une bonne part dans l'avènement de M.

Plus c'est gros plus ça passe .. le discours final de M qui assume l'assassinat d'un politicien est le clou et le départ de la phase 2 du règne de M. qui est quand même plus connu. La fin de ce livre claque!

La chronologie et les personnages principaux en fin de livre permettent de suivre et retrouver les moments en phase avec les intervenants. Car il y a du monde dans ce livre, des fameux et des moins connus. Comme complément, je recommande le livre sur Margherita Sarfatti de Françoise Liffran, qui explique sinon la personnalité de M, son évolution ou son éducation "intellectuelle".

En complément, l'auteur a donné des excellentes interviews sur France Culture et en guise de "mise à jour" les Grandes Traversées ont consacré une semaine à M et son "héritage" https://www.franceculture.fr/emissions/benito-mussolini-grandes-traversees - J'apprécie d'écouter les émissions après avoir lu le livre. C'est éclairant.Cela étant dit, je vais peut-être faire une pause avant le 2ème volume! :)

NB: Dans la liste des personnages principaux, Costanzo Ciano, le père n'est pas mentionné.. et pourtant, il a tournicoté autour du mouvement..

Bravo Monsieur Scurati
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A l'instar d'Antonio SCURATI, je définirais cet ouvrage comme étant un "roman documentaire" car alternant une très longue série d'épisodes mis en scène à partir de documents d'archives. Chacun d'eux ayant sa propre vie et étant suivi par la reproduction de la source qui l'a inspiré.

Dans cet ouvrage, en plus du cas italien et de sa spécificité, on voit clairement quel est le terreau des autocraties alliant socialisme et nationalisme avec le soutien des lobbies économiques et la complicité tacite des gouvernants des démocraties dites progressistes. Il s'agit donc d'un sujet toujours d'actualité permettant de discerner le fait que la tentation autocratique, le fascisme en étant une variante italienne, ne se résume pas à la simple équation "extrême droite = autocratie" (le terme extrême droite étant souvent utilisé à tort pour désigner certains penseurs afin de jeter l'opprobre sur toute pensée patriotique) mais est beaucoup plus subtile car intégrant de manière évidente des origines de gauche tel que nous l'ont montré le fascisme et le nazisme. Ceci expliquant en partie certaines visions convergentes en France entre le Rassemblement National et La France Insoumise. "Dédiabolisation" oblige.

Cet ouvrage de plus de 700 pages est le premier d'une série qui me semble intéressante car reposant sur des faits sans tentative de révisionnisme. Il s'adresse néanmoins à des passionnés d'histoire contemporaine dans la mesure où le style neutre de l'auteur reflète un mode d'expression propre à la majorité des historiens et qui peut souvent paraître "soporifique" pour les néophytes.
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Dans ce livre étonnant et foisonnant de plus de 800 pages, récompensé par le prix Strega (l'équivalent italien de notre prix Goncourt), Antoino Scurati - écrivain et universitaire - transforme en roman l'histoire plus ou moins bien connue, et en tout cas aventureuse, de l'Italie au sortir de la 1ère Guerre mondiale. le personnage de Benito Mussolini sert de prétexte et de fil conducteur pour établir cette fresque politique extrêmement bien scénarisée et haletante s'étalant de 1919 à 1924. Ces années charnières sont étonnantes de bouillonnements, de tâtonnements, d'incertitudes ; leur récit est par bien des égards à rebours des clichés. le caractère composite et hétéroclite du premier fascisme est bien retracé, comme ses premiers accès de violence, les difficultés qu'il y eut à ménager des éléments contradictoires et déviants, pour ne pas dire criminels. L'épopée trop méconnue de l'écrivain et aviateur de Gabriele D'Annunzio à Fiume dont Mussolini s'inspira largement (posture, éléments symboliques etc.), la relation passionnée de ce dernier avec Margarita Sarfati, une grande bourgeoise vénitienne d'origine juive qui se voulait protectrice des artistes et génératrice d'une nouvelle esthétique, la marche sur Rome ou encore l'assassinat du virulent opposant parlementaire Giacomo Matteotti par une troupe de fascistes sont traités de façon très dynamique, romanesque et informée. Mussolini y est quant à lui décrit dans ses doutes, sa brutalité, son flair politique, son sens des réalités et ses bassesses. le livre se présente sous la forme de courts chapitres entrecoupés de citations et de formules de presse contemporaines de l'action, ce qui rend la lecture fluide et agréable. Une véritable réussite et même un coup de force, assurément !
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Un livre dont la presse a beaucoup parlé, qui a obtenu un succès considérable en Italie et qui se situe entre roman et historiographie classique. En fait, des chapitres très courts décrivent avec un talent romanesque indiscutable des faits établis par des documents historiques dont de brefs extraits sont présentés en fin de chaque chapitre.

C'est le portrait d'un homme, à l'appétit sexuel insatiable, profondément nationaliste mais sans autre conviction, ayant pour seul objectif de prendre le pouvoir à tout prix et aimanté par la violence qu'il met volontiers au service de tous ceux qui peuvent l'aider à atteindre son but. C'est aussi le portrait d'un pays vainqueur de la Grande Guerre mais méprisé par ses alliés (déjà) et qui vit sa victoire aussi mal que l'Allemagne sa défaite, dans la ruine et une guerre civile larvée.

C'est une plongée dans une Histoire que nous connaissons souvent moins que celle de l'Allemagne, présentée en une succession de tableaux qui évoquent parfois « Novecento » de Bertoluccci ou même « Terre sans pain » de Bunuel.

Mais c'est aussi un livre au rythme un peu haché entre roman et parfois même poésie et extraits de documents historiques, un livre qui est par ailleurs soumis au carcan du respect absolu de la chronologie.

Au total, cette dissection de la montée du fascisme en Italie produit un très bon livre qu'apprécieront les amateurs d'histoire. Les autres hésiteront peut-être face aux 840 pages... de ce premier ouvrage d'une tétralogie annoncée...

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Si je reconnais à Antonio Scurati un travail historique phénoménal, je ne peux m'empêcher de penser que les attitudes et pratiques excessivement violentes du personnage auraient pu se passer de détails non indispensables à la suite de l'histoire ou à l'éclairage de l'Histoire. Cet aspect m'a empêchée d'adhérer pleinement à cet essai romancé.
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Voilà une lecture marquante pour moi en ce premier tiers de l'année, probablement un des livres qui finira au sommet de mes lectures 2021. Ce premier tome d'une série de trois consacrée à Benito Mussolini et au fascisme italien n'est pourtant pas exempt de défauts, loin s'en faut. Mais ce pavé de plus de 800 pages reste une lecture passionnante pour tous ceux qui s'intéressent à cette période charnière de l'entre-deux guerres, et à ce début de XXe siècle décisif pour notre monde contemporain.

Car comment ne pas faire de parallèle entre notre époque et celle qui mena le Duce au pouvoir en 1922 ? Cette défaite des institutions et cette défiance de tous contre chacun qui permit à la violence de devenir un argument politique et social décisif… 100 ans plus tard, la démocratie est malheureusement toujours mourante, les grands industriels sont toujours aussi prompts à fouler l'éthique pour garantir leurs profits, et la défiance envers les politiciens est à son apogée.

C'est d'ailleurs, peut-être, l'un des défauts du livre : très ancré dans l'époque, ce roman documentaire se veut d'une précision historique maniaque, citant régulièrement des correspondances privées et autres discours publics, et prend rarement du recul pour mettre en perspective les événements. Ce qui rend parfois ce tome 1 étouffant et éprouvant, tant les répétitions sont nombreuses – on aurait aisément pu se passer de 200 pages ou plus. Pour nous faire vivre cette période, Antonio Scurati a choisi un récit méthodique et presque quotidien des états d'âme de Mussolini et du pays qui l'a porté au pouvoir. On y redécouvre un homme qui est « comme les bêtes : [il] sent l'air du temps » et sait manipuler les foules, mais qui ne comprend pas les individus, leurs préoccupations, et refuse de se faire des amis.

De début 1919 à fin 1924, nous voilà plongés dans ses réflexions et ses manoeuvres pour conquérir le pouvoir, avec l'objectif de faire de l'Italie « non une servante mais une soeur des autres nations européennes ». Même si Scurati n'est ni tendre ni complaisant avec Mussolini et ses acolytes Arditi, squadristes et autres anciens combattants ou partisans de Gabriele D'Annunzio, le fait de raconter la conquête du pouvoir du point de vue des fascistes (principalement) peut poser problème. Sur le fond, le travail documentaire est irréprochable (heureusement pour un roman documentaire et historique !), mais sur la forme le style de Scurati n'est pas des plus passionnants, et l'empathie pour Mussolini que son récit peut provoquer, peut-être malgré lui, reste relativement malhabile.

Aussi, on le sent fasciné par la violence incroyable de l'époque, où les rixes et meurtres politiques sont monnaie courantes. Les pages sont remplies d'exactions et de brutalité, pour nous faire toucher du doigt que cette histoire s'est écrite dans le sang, quelques années après le traumatisme de la Première Guerre mondiale. Un biais intéressant mais qui s'avère rébarbatif dans la durée.

Malgré ces quelques réserves, on dévore les chapitres courts de M, l'enfant du siècle, révisant une histoire qu'on connaît au moins dans les grandes lignes, et qu'on redécouvre dans des détails parfois surprenants. Voilà pourquoi j'ai vraiment hâte de lire les tomes 2 et 3, quitte à compléter ma lecture par la suite avec une biographie de Mussolini, un livre sur le futurisme, un autre sur Italo Balbo, etc. Car le roman de Scurati ouvre sur d'autres lectures, donne envie de se documenter à son tour sur l'entre-deux guerres. Et ça, c'est une très grande qualité.
Enfin, ce pari de rendre l'Histoire lisible pour tous par le biais d'un roman « vrai », dans lequel tous les personnages sont des personnes historiques, me paraît une idée assez fascinante et attirante pour ceux qui préfèrent les atours du roman à ceux de la biographie ou de l'essai. Une réussite donc, tant par l'ambition du projet que sa mise en oeuvre.
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"M", une seule lettre pour une tranche d'histoire fondamentale de l'Italie. Avec comme sous-titre : "un enfant du siècle." Sans vraiment parler d'ambiguïté, ce choix n'est pas anodin. Celui, probablement (sûrement ?) d'atténuer un sujet complexe, particulier, pour ne pas dire explosif. Cette biographie temporelle romancée d'un des hommes, à la fois le plus vénéré et haï de son temps aurait pu tout aussi bien s'appeler "chronique des années de sang," tant elle est empreinte de violence, de terreur, de crimes impunis. Six années (1919-1925) qui ont permis au "Duce d'Italia" d'accéder au pouvoir. Fils de forgeron, émigré en Suisse pour éviter le service militaire avant de devenir un petit instituteur de province, militant socialiste de base puis élu, directeur de l'organe du parti "Avanti" avant d'en être évincé et de créer son organisation politique : les faisceaux de combat, à la fois, la base même du mouvement fasciste et sa structure armée ; enfin son propre journal, le Popolo d'Italia, Benito Mussolini a construit patiemment son ascension et son accession, se déjouant des pièges avec intelligence et malice.
M donc comme Mussolini, mais aussi comme Marasme politique et économique d'une Italie d'après-guerre exhangue, comprimée entre - surtout - deux factions, les socialistes attirés par la révolution bolchevique et la droite blanche, bourgeoise... fascisante. En s'appuyant sur la réalité des faits et sur une documentation abyssale, Antonio Scurati, narrateur de talent, précis, détaillé, lyrique sans être exalté, nous fournit un livre dense, réaliste, habile, sans concession. Nullement agiographe, il a fait une travail d'historien. Il met à jour les qualités premières et les défauts majeurs d'un être à la formidable ambition dans la recherche d'un pouvoir, guidé par le chaos ambiant et par ses chemises noires, les faisceaux de combat, les Arditi, anciens combattants puis les squadristes, véritables terroristes dans une guerilla rurale et urbaine. L'auteur rétablit un certain équilibre entre les clichés négatifs et la réalité plus nuancée où l'esprit de grandeur pour la nation de Mussolini a peut-être (probablement) dépassé sa propre ambition.
M aussi donc comme Manipulateur des masses, comme Marionnetiste, orateur de talent, stratège politique et grand spécialiste de, ce que l'on appelait à l'époque en France, le tango italien, un pas en avant, deux en arrière pour mépriser la pleutrerie des Italiens lors de la première guerre mondiale. Lui, il stigmatise son état-major : "le fascime se répand parce qu'il est porteur des germes de la vie, non ceux de la dissolution," "les agitateurs rouges, la race bâtarde de l'Italie," "qu'est-ce qu'un attentat contre le roi, sinon un accident du travail," la jouant bigenre lors de ses écrits dans son journal, ses contacts avec les dirigeants des autres partis, socialistes, libéraux comme lors de la marche sur Rome, retournant même ses adversaires lorsqu'il prend pour lui, la responsabilité de l'assassinat de Giacomo Mattéotti, son ennemi socialiste héréditaire. de même avec Gabriele D'Annunzio, le poète - soldat, dont il réfute la notoriété.
Du Machiavel avec un M comme Mussolini...

Merci à Masse Critique et aux éditions Les Arènes de m'avoir permis de découvrir ce livre.
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