Il possédait le seul antidote contre le venin de la vieillesse, il savait lire.
"Le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est la forêt".
En parcourant les textes de géométrie, il se demandait si cela valait vraiment la peine de savoir lire, et il ne conserva de ces livres qu’une seule longue phrase qu’il sortait dans les moments de mauvaise humeur : « Dans un triangle rectangle, l’hypoténuse est le côté opposé à l’angle droit. » Phrase qui, par la suite, devait produire un effet de stupeur chez les habitants d’El Idilio, qui la recevaient comme une charade absurde ou une franche obscénité.
Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire. Mais il n'avait rien à lire.
Une ocelote folle de douleur est plus dangereuse que vingt assassins réunis.
Il repéra d'abord le colon. Il le reconnut à son crâne sans dents. L'Américain gisait quelques mètres plus loin. Les fourmis avaient fait un travail impeccable et n'avaient laissé que les os, nets, pareils à de la craie. Elles étaient en train de terminer le squelette. Telles des bûcheronnes minuscules et cuivrées, elles transportaient un à un les cheveux jaune paille pour étayer le cône d'entrée de leur fourmilière.
il coupa une grosse branche avec sa machette, s'y appuya, et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.
(p.120)
Antonio José Bolivar qui ne pensait jamais au mot liberté jouissait dans la forêt d'une liberté infinie.
Les gouvernements vivent des coups de dents qu'ils donnent aux citoyens.
- Ben voila, docteur : les amis ici présents me croient pas quand je leur dis que je suis courageux. Alors je leur ai dit que j'allais me faire arracher toutes les dents, une par une, sans me plaindre. Alors on a parié.