Contrairement à bon nombre de lecteurs, je n'ai guère été enthousiasmé par « le Monde du Bout du Monde » et place ce court roman de Luis Sepúlveda loin derrière deux découvertes récentes du même auteur.
Par le plus grand des hasards la baleine Chaudron et Luis Sepúlveda ont été contraints à la même époque, milieu des années 70, de fuir des ennemis certes différents mais tout aussi féroces : les chasseurs scandinaves et les militaires chiliens.
Tandis que le grand mammifère marin descendait l'Atlantique pour trouver refuge dans les eaux du Pacifique sud, l'opposant politique à la dictature du général Pinochet, en sens inverse, émigrait vers l'Europe.
Journaliste free-lance basé à Hambourg, Sepúlveda travaille régulièrement avec Greenpeace. Au printemps 1988, un mystérieux correspondant alerte l'organisation écologique de la présence dans les eaux chiliennes d'un navire-usine japonais, à proximité des baleines Chaudron en danger imminent d'extinction.
Mêlant réalité et fiction, « le Monde du Bout du Monde » décrit le long voyage du journaliste jusqu'à l'archipel de la Terre de Feu et sa rencontre avec les cétacés.
Malheureusement pour le lecteur, le militant écologiste prend rapidement le pas sur l'écrivain.
Avec sa verve habituelle Sepúlveda dénonce pêle-mêle le pillage des océans, le massacre des indiens, la déforestation massive des cordillères côtières, l'irrationalité des essais nucléaires français sur l'atoll de Mururoa…
Ses positions affirmées sont certes louables mais donnent plusieurs fois l'impression de meubler le roman. Celui-ci manque de magie mais pas de lourdeurs, ainsi l'énumération fastidieuse des innombrables canaux et fjords empruntés par Luis et ses compagnons pour atteindre les baleines. Le lecteur depuis longtemps perdu dans ce labyrinthe aquatique s'en serait bien passé.
Il ne suffit pas d'avoir lu « Moby Dick » dans sa jeunesse, d'avoir effectué l'année de ses seize ans un périple initiatique sur un baleinier et d'aimer les grands mammifères marins, pour faire des terres australes son jardin.
Vers la moitié du livre, comme s'il prenait conscience de ses carences fuégiennes, Sepúlveda parle de son aîné Francisco Coloane qui, fort de son vécu dans ces contrées inhospitalières, savait mieux que quiconque raconter des histoires extraordinaires.
Rendre hommage à l'ami écrivain passe encore mais retranscrire dans le détail « L'iceberg de Kanasaka », une nouvelle de Coloane, dénote pour le coup un manque flagrant d'inspiration.
Jeunes et moins jeunes, lisez les formidables nouvelles de Francisco Coloane dans « Cap Horn » et « Tierra del Fuego » !
« le Monde du Bout du Monde » de Luis Sepúlveda est comparativement bien fade et, de mon point de vue, d'un intérêt limité.
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Ca commence par un voyage initiatique d'un jeune Chilien de 16 ans qui, après avoir lu Moby Dick, décide de passer ses vacances en tant qu'aide-cuisinier à bord d'un baleinier en partance pour la Terre de Feu, plutôt que de lézarder sur les plages de Valparaiso, comme tous ses copains, et que cette aventure marquera à vie.
Ca continue, vingt ans plus tard (en 1988), à Hambourg, avec un thriller écologique où l'on retrouve notre Chilien plus si jeune, en exil, devenu journaliste free-lance, collaborant souvent avec Greenpeace. L'enquête démarre à partir d'une information inquiétante en provenance du Chili : un baleinier japonais (entendez un bateau-usine exterminateur de baleines) a fait un étrange naufrage en Patagonie, précisément là où migrent les baleines chaudron, menacées d'extinction. L'informateur local de Greenpeace refusant de donner plus de détails par téléphone, le journaliste décide de se rendre sur place.
Ca se poursuit avec la nostalgie du retour à la terre natale, et par un trajet en bateau de plusieurs jours vers le lieu du naufrage, en compagnie du capitaine Nilssen, le fameux informateur, marin au long cours profondément attaché à cette région du globe. Celui-ci raconte à notre enquêteur sa tentative pour empêcher le baleinier de massacrer les cétacés, et le naufrage de celui-ci.
Ca se termine trop vite et ... en queue de poisson, sans que j'aie compris pourquoi le journaliste n'est pas réellement allé au bout de son enquête.
Dans l'ensemble, cela donne une sorte de docu-fiction (les déboires de Greenpeace avec les baleiniers japonais furent bien réels), ne serait-ce l'épisode du naufrage quasi-magique du baleinier, plutôt incongru dans une enquête qui par ailleurs semble tout à fait réaliste. Le récit a aussi un côté « fourre-tout », dans la mesure où, dans ces 140 petites pages, sont abordés en vrac tous les sujets d'indignation ou de révolte du journaliste (alter-ego de l'auteur) : massacre des Indiens lors de la colonisation, pollution, déforestation, pillage des ressources, junte militaire, corruption et trafics en tous genres. Quant au côté « chant d'amour » à cette région sublime, il consiste en réalité en une énumération fastidieuse des noms des dizaines de bras de mer, fjords, canaux, baies, îles, îlots, îlets, cailloux,... croisés en chemin.
En somme, ce récit est certes un plaidoyer pour la préservation de la Nature, mais un peu simpliste et trop ramassé, et un hommage plutôt terne aux terres australes, noyé dans des descriptions purement géographiques qui ne rendent pas suffisamment compte de la grandeur, de la poésie et de la beauté fracassantes de ce monde du bout du monde.
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Extrême sud de la Patagonie, un adolescent est fasciné par les baleines après avoir lu Moby Dick. Il décide alors de s'approcher le plus près possible de ce mammifère. Il convainc un capitaine de le prendre avec lui sur son bateau.
Une vingtaine d'année plus tard, au milieu des années 80, on retrouve un homme devenu journaliste à Hambourg. Mais un évènement va le ramener vers ces contrées sauvages: le naufrage d'un baleinier industriel japonais au sud de la Patagonie.
Les magnifiques descriptions de paysage nous invite à vivre l'aventure au plus près. Ce livre ne nous laisse pas indifférent face au combat perpétuel pour la sauvegarde des espèces.
A découvrir!
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Page 29
A Santiago, parmi mes amis, j'avais la réputation d'être un bon 'raconteur' de film. Il était cinq heures de l'après midi quand j'ai commencé à raconter, timidement d'abord, l'épopée de capitaine Achab. Les deux hommes m'écoutaient en silence et pas seulement eux; aux autre tables, les conversation s'étaient interrompues, et peu à peu, les clients se sont rapprochés de la nôtre. Je racontait et je luttait avec ma mémoire. Elle ne pouvait pas me trahir. Les hommes avaient compris que je me concentrais sur quelque chose qui les concernait et sans faire de bruit ils ont renouvellé plusieurs fois mon verre de chicha de pomme. J'ai parlé deux heures durant. Qu'Herman Melville si cette version de son roman s'est trouvée agrémentée de quelques trouvailles de mon cru, mais à la fin tous les hommes montraient des visages pensifs et , après m'avoir donné des tapes sur les épaules, ils ont regagné leurs tables.
- Moby Dick . Dites donc, a soupiré le Basque
Ils ont demandé l'addition. Ils ont payé. J'avais la certitude amère que mon aventure s’arrêtait là
Rien n'est plus beau qu'un voilier qui fend les mers en silence, et c'est dans ce même silence qu'en décembre 1985 des amis venus du monde entier avait remorqué le Rainbow Warrior endormi jusqu'à la baie de Matauri, au large de la côte néo-zélandaise : là, au cours d'une cérémonie maorie, ils l'avaient laissé s'enfoncer vers les profondeurs marines, vers le havre abyssal dont il avait besoin pour s'unir à la vie pour laquelle il avait lutté.
Nous avons vu un bateau-usine de plus de cent mètres de long, avec plusieurs ponts, arrêté, mais ses machines tournant à plein régime. Nous nous sommes approché pour reconnaître le pavillon japonais qui pendait à la poupe. A un quart de mille, nous avons reçu un tir d’avertissement et l’ordre de nous éloigner. Et nous avons vu ce que faisait ce bateau. « Ils aspiraient la mer avec des tuyaux d’environ deux mètres de diamètre. Ils sortaient tout, en provoquant un courant qu’on a senti sous notre quille, et après le passage de la suceuse la mer n’était plus qu’une espèce de soupe noirâtre et morte. Ils sortaient tout, sans s’arrêter à penser aux espèces interdites ou sous protection. La respiration presque paralysée par l’horreur, nous avons vu plusieurs bébés dauphins se faire aspirer et disparaître. « Et le plus horrible, ç’a été de constater que par un trop-plein fixé à l’arrière ils rejetaient à l’eau les déchets de la boucherie. « Ils travaillaient vite. Ces bateaux-usines sont l’une des plus grandes saloperies inventées par l’homme. Ils ne vont pas sur les bancs. La pêche, ça n’est pas leur affaire. Ils cherchent la graisse ou l’huile animales pour l’industrie des pays riches et, pour arriver à leurs fins, ils n’hésitent pas à assassiner les océans.
Nous savions que la déforestation massive des cordillères côtières avait fait disparaître, peut-être pour toujours, le spectacle des saumons remontant les rivières pour frayer. L'abattage de la forêt d'origine, d'arbres aussi anciens que l'homme américain et même d'arbustes incapables de donner de l'ombre a fait de ces régions qui avaient toujours été vertes de lamentables paysages en voie de désertification, et cet abattage a causé l'extermination de milliers de variétés d'insectes et de petits animaux qui rendaient possible la vie dans les rivières.
Il restait très peu de lumière, mais ça suffisait pour reconnaître le style de chasse du capitaine Tanifuji. Vous avez déjà entendu parler de la chasse aux chevaux à l'australienne ? C'est très simple : on repère en hélicoptère les troupeaux de chevaux sauvages et on attend la nuit. Alors de puissants projecteurs rendent les chevaux fous de peur, ils se mettent à galoper en rond et les chasseurs les mitraillent du ciel.
"C'était pour ça que Tanifugi avait attendu l'hélicoptère à Corcovado. Et ici, dans la grande baie, il mitraillait les baleines qui arrivaient, curieuses, à l'appel des projecteurs.
"Au matin, les Japonais continuaient à hisser à bord des baleines mortes. Nous les avons vus en charger une vingtaine à la file, et ils avaient travaillé toute la nuit sans relâche : impossible, donc, de savoir combien ils en avaient tué. L'eau de la baie puait le sang et les lambeaux de peau flottaient partout.
Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler