— Nous voici prêts.
Prêts à quoi ? Peut-être à nous battre. Peut-être à mourir de toute mort absurde ou nécessaire — ici, par hasard. Ailleurs, parce qu'il le faut, en faisant durement, impitoyablement ce qu'il faut
faire. Peut-être à vivre sans lassitude, sans dégoût, impitoyablement. Peut-être à nous atteler pour des années, pour la vie, à des tâches ingrates, à des luttes obscures, à la démolition obstinée des choses, au rassemblement obstiné de forces dont nous ne verrons pas l'avènement. Prêts. — Ce sentiment nous venait tout à coup, naissant d'une haine si vaste qu'elle ne s'exprimait pas même en pensée. Du fond de cette fosse à réprouvés nous condamnions le monde, la guerre, la loi, les pouvoirs, les riches, les menteurs, les pourris, les imbéciles.
- Impossible de s'évader.
La prison, c'est cette ville, ce pays, la guerre, l'Europe. - Et l'Amérique, le Japon, la Nouvelle-Zélande, Mozambique, Bornéo ! Prison , l'univers. Dans la brousse même des terres sauvages, on compte l'argent, on courbe l'homme sous le bâton, on obéit, on accomplit de sales besognes.
Marc Quaghebeur évoque l'auteur révolutionnaire Victor Serge.