Même si je ne lis pas tous les textes d'
Elif Shafak, j'avais adoré "Le
lait noir" consacré à la maternité et ses chausse-trapes. Et la magnifique couverture bleue m'a fait de l'oeil ...
Voici donc un texte qui commence par la fin : celle de Tequila Leïla, prostituée d'Istabul, assassinée.
Dans une première partie, nous remontons le cours du temps pour aller à la rencontre de celle qui s'appelait Leyla Afife Kamile en 1947 dans la ville de Van.Sa mère biologique Binnaz a été dépossédée de sa fille, pour devenir celle de la première épouse de son père, Haroun : Suzan. Victime de violence masculine non entendable par sa famille, Leyla fuit sa famille pour Istanbul où elle devient rapidement prostituée du bordel de l'Amère Ma.
Sabotage Sinan, l'ami d'enfance, fasciné par les codes secrets, Nostalgia Nalan, Jameelah, Zaynab122 la naine, qui lit l'avenir dans le marc de café et Hollywood Humeyra, la chanteuse seront ses fidèles amis à l'histoire aussi complexe que la sienne : identité sexuelle, poids de la religion, de la famille, attachement aux rites (qui peuvent être soutenant), exploitation de la femme, corruption, violence encore et toujours, maladies chroniques mal soignées ...
Dans la seconde et la troisième partie, ce sera la bataille des amis de Leïla pour qu'elle bénéficie d'un "enterrement" en cohérence avec son histoire et éviter le cimetière des abandonnés de Kylios. C'est une épopée loufoque et dangereuse, mais ses amis y arriveront et pour certains en paieront le prix.
C'est une réalité terrible et en même temps heureuse que nous dépeint l'auteure. Il y a beaucoup d'amour, de solidarité dans ces vies qui peuvent sembler désespérées (un mariage même avec un étudiant qui veut changer le pays comme tant d'autres), de force (le pouvoir du groupe, de l'amitié), Mr Chaplin, le chat, un poisson bleu ... et l'immunité des hommes dans un pays, une capitale où le sublime côtoie l'innommable, et où comme tant d'autres, la femme est utilisée, abusée. le mot "féminicide" a encore de beaux jours devant lui.