Bienvenue dans une pièce sombre, très sombre, où les méchants ne sont pas punis, à moins de sceller eux-mêmes leur sort dans l'aveuglement de leur cupidité, et où les gentils ne reçoivent en récompense de leur loyauté et de leur vertu que le poids des conséquences de leurs actes, et de ceux des autres.
Le Roi Lear est vieux, et il décide d'abdiquer. Pour répartir son royaume entre ses trois filles, il lui vient une idée saugrenue : il leur donnera à chacune en fonction de l'amour qu'elles lui portent. Mais comment juger de l'amour que quelqu'un nous porte ?
le Roi Lear, plus vieux que sage, hélas, s'en remet à l'éloquence et à la flatterie, ouvrant ainsi la porte au malheur.
Ses deux aînées, Régane et Goneril, rivalisent de belles phrases tandis que Cordélia, seule sincèrement attachée à son père et perplexe devant le procédé se montre fort peu diserte. Fâché, Lear la déshérite. Des deux prétendants à sa main, le Duc de Bourgogne se rétracte, tandis que le Roi de France, reconnaissant sa valeur, la prend pour épouse telle qu'elle est, désormais pauvre et sans dot. le Comte de Kent, effaré, considère qu'il est de son devoir de dire son fait au roi, ce qui lui vaudra son bannissement immédiat. Qu'à cela ne tienne ! Il reparaîtra aussitôt sous un déguisement pour continuer, par loyauté, à veiller sur son suzerain.
Prenant dans un premier temps ses quartiers chez Goneril, Lear se fâche devant la désinvolture avec laquelle elle le traite, et décide de partir chez Régane. Informée de sa venue par le messager de sa soeur, elle plie aussitôt bagage et part chez Gloucester, un vassal, pour éviter de recevoir son père.
Gloucester de son côté, n'est peut-être pas aussi vieux que Lear, mais il n'a guère plus de sagesse. Edmond, son fils illégitime, a réussi à le convaincre qu'Edgar, son fils légitime, voulait attenter à sa vie pour hériter à sa place, et Gloucester l'a cru. Edgar a fait croire qu'il s'était enfui, mais il est toujours présent, déguisé en mendiant, simulant la folie.
Tout ce petit monde se retrouve chez Gloucester, atterré par la façon dont Lear est traité. Pris à partie par ses filles, Lear quitte le château et part errer dans la lande, en pleine tempête, accompagné de son fou, ce qui donne une des plus beaux moments de la pièce. le fou joue avec les mots et renverse les rôles : c'est bien Lear, au final, le vrai fou de l'histoire.
Pendant ce temps, Cordélia, qui a gardé un oeil sur son père, a appris par ses espions ce qui se tramait et s'apprête à débarquer une armée. Informé, Gloucester décide d'aider Cordélia car il est fidèle à Lear. Hélas, il se confie à Edmond, qui le trahit aussitôt, sautant sur l'aubaine d'éliminer le père après avoir écarté le frère. Il n'arrêtera d'ailleurs pas là ses manigances, séduisant au passage les deux soeurs, Goneril et Régane.
Tout ira alors de mal en pis, et peu survivront aux événements. Albany, le mari de Goneril, se conduira plus honorablement quand il comprendra qu'il a été utilisé, Gloucester, qui, entre temps aura payé le prix fort de son aveuglement, le Comte de Kent, et Edgar, tous deux véritables héros dans l'âme, mais souvent impuissants dans le tumulte de l'action, sont les seuls à en sortir la tête plus ou moins haute.
A la lecture de cette pièce, j'ai le sentiment qu'elle n'a pas été écrite pour divertir. J'ignore quelle morale, quel avertissement
Shakespeare avait en tête quand il l'a composée, mais les messages que je perçois aujourd'hui sont de deux ordres : le premier, c'est que nos actes, nos choix, ont toujours des conséquences, et qu'il nous faudra bien les endurer. Alors autant y réfléchir et essayer d'agir sagement. le second, certes anachronique, c'est que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.