Gorô Kida est le narrateur de ce court roman, intitulé
Suisen*, troisième opus de la pentalogie
L'ombre du chardon. Cet homme riche et assez antipathique, président d'une société de vins, whisky et spiritueux, nous l'avons croisé dans le premier tome. Ancien camarade de classe de Mitsuo et Mitsuko, c'est lui qui organise consciencieusement les retrouvailles annuelles des élèves de l'école.
En société, il pourrait paraître charmant et agréable. Mais non ! Au demeurant c'est un odieux personnage, égocentrique, hypocrite, machiste, arrogant, menteur, manipulateur, autoritaire… Tous les qualificatifs négatifs lui sont parfaitement adaptés. Il aime se montrer, s'exhiber, se donner en spectacle, il a besoin de se sentir important, adulé. C'est sa façon d'exister. Il est comme Narcisse, dans la mythologie grecque, il
se mire dans l'eau, amoureux de son image. Marié par "miaï" avec Akita, douce et soumise, une jeune fille de bonne famille passionnée de peinture aquarelle, Gorô est père deux grands enfants Yoko et Jun ; Il règne en dictateur sur sa maisonnée. Néanmoins il collectionne les aventures extraconjugales. Aucune importance pour lui, il ne croit pas en l'amour mais ne divorcera jamais, il faut sauver les apparences ! Actuellement il partage ses moments de liberté entre deux maitresses, dont Yuri K. une actrice dont il a contribué, financièrement et par ses relations, à lancer la carrière.
Pendant toute la première partie de ce roman, je n'ai fait que m'insurger contre ce personnage imbu de lui-même, désagréable et sans moralité.
Aki Shimazaki, grâce à son écriture simple et précise, où tous les mots ont leur importance, en fait un noir portrait. Que pourrait-il se cacher derrière les apparences de cet homme à la psychologie certainement complexe ?
La seconde partie réserve ses surprises. Subitement tout va se précipiter… Grandeurs et décadences ! Plus dure sera la chute de Gorô ! le voilà déclassé au sein de sa société, il perd son poste de président, ses « femmes » le quittent l'une après l'autre lui "disant ses quatre vérités" et le laissant, comme à nu, dans un état de profond désarroi. Il est pitoyable.
Bien qu'habituée à la douceur et à la délicatesse des ouvrages d'
Aki Shimazaki, j'ai malgré tout aimé ce livre, tel une parenthèse dans la pentalogie. Il est clair que je n'ai ressenti aucune empathie pour Gorô et me suis presque réjouie de ces déboires qui annoncent sa chute irrémédiable. Certains événements vécus pendant l'enfance sont parfois ressentis comme des traumatismes et pèsent sur la psychologie de l'adulte. Doit-on les considérer comme des circonstances atténuantes ?
*
Suisen = Narcisse en japonais