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sur 298 notes
Lionel Shriver tire son inspiration de son entourage et surtout des travers de la société américaine. Big Brother est dédicacé à Greg, son frère qui a lutté contre l'obésité mais est décédé à cinquante cinq ans d'insuffisance respiratoire.
L'obésité est un fléau majeur de l'Amérique ( » je jure de me détourner de la graisse qui ridiculise le tour de taille de l'Amérique » ) mais il touche désormais les pays européens.
Pandora, après une enfance difficile dans le milieu de la télévision américaine puisque son père Travis était le père héros d'une série télé et confondait souvent le show et la réalité, s'est désormais taillée une belle place dans l'Iowa en tant que créatrice d'une entreprise florissante de marionnettes. Elle est mariée à Fletcher, un homme très tatillon, surtout sur son régime alimentaire, père de deux adolescents ( Tanner et Cody) d'un précédent mariage raté.
Lorsque Slack Muncie, un saxophoniste new-yorkais, appelle Pandora pour lui conseiller de s'occuper de son frère, elle convainc, non sans mal, son mari d'héberger Edison, ce frère musicien prétentieux et raté, quelques temps.
Quelle ne fut pas sa surprise de retrouver son playboy de frère, blondinet charmeur dans un corps de 176 kilos ! Au delà des moqueries des gens à l'aéroport ou ailleurs, des difficultés matérielles pour loger ou asseoir une telle corpulence, Pandora se demande très vite comment son frère a pu atteindre cet état extrême.
« Edison était-il gros parce qu'il était en dépression ou en dépression parce qu'il était gros? »
La présence d'Edison va très vite faire éclater la fragile cellule familiale. Pandora, consciente du rôle de la fratrie, » tiraillée entre deux loyautés, destinée à trahir les deux parties sans satisfaire personne, à commencer par soi » ne peut renvoyer Edison à sa déchéance new-yorkaise et prend un appartement avec lui pour réussir le pari de lui faire retrouver les 75 kilos de sa jeunesse en un an…
Régime draconien basé sur l'affamement avec pour toute alimentation quatre sachets vitaminés par jour mais aussi et surtout réflexion sur ce qui remplit une vie, sur la vaine quête du désir et la nécessité de la maîtrise de soi.
Si le sujet principal est l'obésité, l'auteur élargit intelligemment la réflexion. Certains se jettent sur la nourriture par désoeuvrement, par besoin de combler un vide mais d'autres abusent de l'alcool, de la drogue ou de la recherche de la célébrité, du pouvoir.

Dans notre société où les rencontres, les liens sociaux se font souvent autour d'un verre ou d'une table, il faut une volonté exceptionnelle pour mener de front une vie sociale et un régime.

Mais avec Lionel Shriver, les personnages sont complexes. A la fois victime et bourreau, chacun va densifier le scénario de cette aventure et le roman devient très vite passionnant.
D'autant plus que de nombreux sujets sur la cellule familiale sont traités en second plan.
Les différentes générations illustrent les différentes visions de l'éducation parentale et les comportements au sein de la fratrie.

» Je ne veux pas qu'ils pensent qu'il existe un raccourci facile. Je veux des enfants que plus personne n'a aujourd'hui. Qui tiennent bon, font leur part, et n'attendent pas de piston, ni de coup de main. »

» Petit à petit, on commence alors à comprendre que l'emploi auquel on aspire est plus dur à obtenir qu'on ne l'aurait cru, que l'offre en chair fraîche, en jeunes qui se pensent tout droit sortis de la cuisse de Jupiter, est inépuisable, et que le talent qu'on a n'est pas aussi unique qu'on le pensait. Cela procède sûrement d'un talent rare – réussir à doucher le sentiment de sa propre importance sans éteindre en soi le feu de la passion -, mais les jeunes qui y parviennent deviennent non seulement des cracks dans leur domaine, mais aussi des êtres humains supportables. »

Big Brother est un livre comme je les aime. Traitant d'un sujet important de société, Lionel Shriver m'embarque dans une histoire passionnante, rythmée, triste et drôle, sans oublier de me faire réfléchir. Et, en plus, elle me surprend par une fin inattendue, personnelle et cohérente.
Si j'ai eu un peu de mal à m'adapter au style un peu heurté ( effet de traduction ou patte de l'auteur), je me suis très vite passionnée pour le fond.
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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Chère Pandora, où bien dois-je t'appeler Lionel !?

Là est toute la question avec toi ! Quelle est la part d'autobiographie dans tes histoires ?!
Quand on lit un livre de toi, on peut aisément confondre roman/rêve et réalité. Je me souviens du moment ou j'ai refermé « il faut qu'on parle de Kevin » -à savoir THE livre pour moi à ce jour, et donc tu t'en doutes, je t'attends à chaque tournant – et où j'étais persuadée que c'était une histoire vraie ! J'ai été dans le match tout au long de ce bouquin, et j'y suis toujours d'ailleurs !

Mais revenons à Big Brother. On le sait, tu as perdu un frère atteint d'obésité morbide et j'imagine que tu as voulu mettre tes réflexions sur papier, tes questions, tes regrets, tes remords ... A ta manière. Je connais ton style et moi j'aime ça ! Mais je sais aussi que cela ne peut pas plaire à tout le monde.

Ce livre parle donc d'obésité, de fratrie, de rapports de famille conflictuels, ... Entre autres.
Mais il parle aussi du couple, du choix d'aider un proche (ou pas), de vouloir se sortir d'une addiction (ou pas), de rapport à la bouffe, de poids, de régime, de volonté (ou pas), de culpabilité ...
Décor planté !

Comme à ton habitude, c'est caustique, dur, mordant, un peu trash, pointu, parfois drôle (attention, nous n'avons pas tous le même humour !), cruel parfois, mais tellement juste ... du moins pour moi ! C'est du « made in USA » avec tout ce que cela implique. On sait tous les que E.U sont souvent/parfois/toujours une caricature d'eux-mêmes et il y a quelques clichés dans ce livre, qui peuvent se révéler tellement vrais (ou pas!).

Comme dans « Kevin », il y a des scènes d'anthologies que je ne suis pas prête d'oublier. Je trouve d'ailleurs ton style très « visuel » !!
Une première partie un peu lente qui m'a fait douter, mais c'était sans doute pour mieux amener la deuxième. Je ne vais pas trop rentrer dans les détails mais sachez que Lionel à le dont de me/nous faire déglutir violemment !

Alors évidemment, quand on a qques kilos en trop (juste qques kilos hein ;) !) et que l'on se dit régulièrement qu'il faudrait se mettre au régime/sport, que l'on doit gérer un mari cycliste qui fait très (trop?!) attention à sa santé, un frère (qui n'est pas obèse rassure-toi mais qui comme tout le monde peut avoir de temps en temps des soucis), ... On se se demande si tu veux nous faire passer un message personnel !!? On fini par se poser quelques questions, on se met à cogiter, ce qui est évidemment ton but je suppose ?!
Bon évidemment je sais que ton livre est d'un style « poussif » (j'entends par là qu'il a un but à atteindre et que tu y mets les mots pour arriver), mais il a le mérite de nous interpeller sur des sujets qui son malheureusement au centre de notre société actuelle et surtout qui touchent tout le monde.

Alors chère Lionel, malgré un début un peu laborieux, j'ai pris le temps de redécouvrir ton style si particulier, qui ne plaît certainement pas à tout le monde, mais je ne le regrette pas ! Un sujet hors norme qui a, je pense, touché au but en ce qui me concerne.
J'avais été un peu déçue par « Tout ça pour ça » mais ici je te retrouve, et j'ai aimé ça ! « Kevin » me poursuit depuis des années et Big Brother va le talonner de près !

Belles Lectures les gens !
Lien : http://lesbl.blogspot.com
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Il fallait que ça arrive : un livre de Schriver dont je ressors déçue.
Jusqu'ici j'avais toujours trouvé bluffante l'association d'une analyse au scalpel et d'un procédé d'écriture : la métaphore (le couple moderne est un championnat de tennis), l'ellipse (inouïe, pour Kevin), la symétrie et le chiasme (qui relient les deux vies d'Irina). Ici, en fait d'analyse subtile et malgré quelques morceaux de bravoure, on n'est jamais très loin des pages enquête de "Marie-Claire". Et foin de constructions savantes, Shriver s'en tient au twist comme n'importe quel auteur de thriller en mal d'inspiration. Ou plutôt aux twists puisqu'elle en enchaîne deux. le premier clôt logiquement l'histoire de ce régime insensé et c'est peu dire qu'on le voit venir de loin. le second est a priori plus intéressant et fait basculer le roman du côté de l'autofiction : oui, ce " big brother " est bien le frère de l'auteur atteint d'obésité morbide.
Première réaction : je m'en fiche. J'ai déjà des copines qui me racontent leurs malheurs, j'ai mon compte d'épanchements. Deuxième réaction : est-ce que ça n'ouvrirait pas sur une réflexion à propos de l'écriture comme recréation abusive du réel genre don Quichotte se ruant contre des moulins qu'il est le seul à ne pas voir ? Troisième réaction : ah ben non, Schriver en reste au premier degré du ras des pâquerettes. Tiens, ça me rappelle cette vieille pleureuse hystérique de Jean-Jacques confessant avoir piqué un ruban et se consolant de son forfait par le chagrin qu'il en éprouvait. Lionel, tu finiras dans le Lagarde et Michard!
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Un livre étonnant, parfois dérangeant –ce qui ne m'a pas vraiment surprise car l'auteur nous a habitués à traiter de sujets délicats. La narratrice, Pandora, est mariée à Fletcher – un ébéniste d'art qui ne vend aucun meuble – père de deux adolescents. La jeune femme est la fille d'un acteur de série, célèbre dans les années 70, dont on comprend qu'il n'a pas été un père modèle et que Pandora a grandi sans vraiment d'amour. Elle est à la tête d'une entreprise qui marche bien et qui contribue à lui assurer des revenus très confortables.
Son quotidien prend un nouveau tour lorsqu'elle décide d'accueillir son frère aîné Edison, jazzman reconnu, à qui elle voue une affection proche de la vénération. Cela fait plusieurs années qu'elle ne l'a pas vu et lorsqu'elle va le chercher à l'aéroport, elle découvre qu'il a pris plusieurs dizaines de kilos, à tel point qu'il peine à se déplacer.
C'est l'occasion pour Lionel Shriver d'interroger la relation de chacun à la nourriture. Pandora aime cuisiner, elle est gourmande et a pris quelques kilos à l'approche de la quarantaine. Fletcher, obsessionnel de la calorie et de la mauvaise graisse, fait régner au foyer un climat qui frôle la dictature : il se nourrit essentiellement de riz et fait des kilomètres en vélo, développant ainsi le culte de son corps. Edison, quant à lui, noie sa détresse dans la boulimie (la scène où sa soeur le découvre dans la cuisine, le nez dans le sucre glace est…glaçante ! de nombreuses fois du reste, parallèle est fait entre troubles alimentaires et toxicomanie). Les relations entre les deux hommes s'avèrent rapidement explosives : l'excès de l'un fait miroir à l'autre. On a là deux figures assez représentatives d'un thème très contemporain.
Alors que le séjour d'Edison s'achève, Pandora ne se résout pas à laisser partir son frère sans lui être venue en aide. Elle décide, un peu comme un passage à l'acte, de s'installer avec lui et de prendre leur régime en main. On suit donc mois après mois leur diète, la sensation de manque, l'expérience de la faim et l'abandon progressif d'habitudes alimentaires nocives. La place de la nourriture dans le quotidien de chacun – mais aussi d'une famille - est sans cesse interrogée, ce qui conduit finalement le lecteur à se mettre, pour lui-même en réflexion sur ce thème.
L'auteur ne s'arrête cependant pas là, car ce qui est aussi questionné ici – en lien avec l'alimentation – ce sont les relations familiales. Les relations fraternelles évoluent et se transforment progressivement en relation de couple, totalement excluantes pour Fletcher. Edison déplace son addiction, comble le manque en développant une relation fusionnelle avec sa soeur. Ou comment la nourriture peut être utilisée comme béquille affective. C'est une superbe démonstration que fait ici l'auteur, quasi clinique. C'est intelligent, perturbant et la fin – un coup de théâtre !
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Quand Pandora, la quarantaine, apprend que son grand frère, Edison, a besoin d'un toit pendant quelques temps, elle n'hésite pas même si elle sait que son mari n'est pas enchanté par cette nouvelle. Mais c'est une surprise de taille à l'aéroport : Edison a pris beaucoup de poids, il est devenu obèse.
J'attendais beaucoup de Lionel Shriver, après Il faut qu'on parle de Kevin et Double faute dans lesquels elle décrit à la perfection la psychologie des personnages. Avec Big brother, elle est encore au rendez-vous. le personnage de Pandora se dessine petit à petit, une femme avec une sacrée personnalité, déterminée, très attachée à son frère et avec un passé familial qui lui colle à la peau. L'ambiance devient de plus en plus sombre et même s'il y a beaucoup d'humanité dans les personnages, on ressent une inimitié latente entre les principaux intervenants.
Lionel Shriver a du sacrément se documenter sur la nutrition, le rapport à la nourriture et les divers régimes existants. Surtout au début, les descriptions des repas très… caloriques calent aussi bien qu'un bon déjeuner de famille. Ce roman est aussi intéressant sur l'aspect culinaire, que sur celui de la santé. Je ne peux pas dire que j'ai plus aimé Pandora que Edison ou Fletcher, ils ont autant des côtés estimables que détestables.
La fin est assez surprenante mais elle ne remet pas tout en question. Ce livre est en partie autobiographie, une sorte d'hommage à son frère, qui est mort d'obésité. Où mettre ses priorités quand on a un frère qui a des problèmes ? Pour sa part, l'auteur a répondu avec beaucoup d'à-propos. Un roman remarquable, Madame Shriver.
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Big Brother est un roman qui m'a beaucoup touché.
Je n'ai pas l'habitude de lire des livres sur l'obésité. Anorexie ou boulimie, oui mais c'est la première fois que je lis un roman sur le thème de l'obésité morbide.
J'ai beaucoup aimé le contenu du ce livre, les réflexions pertinentes sur notre rapport à la nourriture, sur la prise de poids, sur le fait de manger de façon compulsive...
Ayant moi même un rapport plutôt compliqué avec la nourriture, ce livre m'a vraiment interpellé.
Big Brother est un roman touchant, que j'ai trouvé tendre tout en étant parfois un peu dur, mais ce n'est pas un thème facile et l'auteur a réussit son pari.
C'est un bon livre, à découvrir. Que l'on ai ou non des rapports compliqués avec la nourriture :)
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Premier livre que je lis de cet auteur et bien quel auteur. Elle met le doigt là où ça fait mal. Je ne dirais pas que j'ai « dévoré » ce livre tant par moment cela est difficile, il faut comme la nourriture prendre son temps pour mieux le digérer. Mais je rassure les lecteurs c'est un très bon livre, Lionel Shriver s'est bien manipuler les sentiments de ses lecteurs à ma plus grande joie.

Un livre qui nous donne à réfléchir sur notre société de consommation, les relations au sein d'une famille, sur nos habitudes alimentaires et le fait de ne pas connaître ni ressentir ce qu'est la faim mais engloutir les aliments, la spirale une fois tomber dans une addiction, l'obésité morbide, le suicide.

J'ai trouvé ce roman et ses personnages très attachant, et pourtant l'auteur ne leurs épargne rien, dans une écriture plutôt crue, elle nous décrit cette famille dans un moment particulièrement difficile de leur vie ou il est grand temps de prendre les bonnes décisions, que ce soit pour la perte de poids d'Edison, les relations dans le couple, l'orientation scolaire des enfants, les activités professionnelles.
Une très belle découverte qui m'a donné envie de découvrir Lionel Shriver, merci à Babelio et aux Editions Belfond pour ce roman.
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Pandora (quarante ans) va devoir persuader son mari Fletcher (quarante-six ans) d'accepter à leur domicile, la présence (durant deux mois) de son frère ainé, Edison (quarante-trois ans) actuellement SDF (et doté d'un caractère difficilement supportable …)

Pandora se sent (honteusement) en « position de force » : Fletcher (fabriquant de meubles improbables) gagne nettement moins bien sa vie qu'elle-même (Pandora fabrique des marionnettes personnalisées – qui ont un succès fou – et se vendent à prix d'or !) de surcroît, Pandora a épousé Fletcher avec son « package ». En l'occurrence deux adolescents (qu'elle élève – comme les siens – depuis sept années …) Un garçon (Tanner) de dix-sept ans et une fille (Cody) de treize ans … La venue d'Edison est donc légitime à ses yeux …

Alors que son jazzman de frère a choisi d'utiliser (à son avantage) le nom d'acteur de leur père (Appaloosa) Pandora a décidé de conserver celui de l'État Civil (Halfdanarson) … Tout deux n'ont pas que des bons souvenirs de cette période de leur enfance où leur narcissique de père était la vedette d'une série télévisée culte (à présent « has been ») : « Garde alternée ».

Fletcher est fils unique et plutôt « psychorigide » (son obsession depuis peu : se nourrir de façon saine et pratiquer du sport) alors qu'Edison est pourvu d'un égo surdimensionné, qui ne le rend guère sociable et peu respectueux des autres … Ce n'est donc pas sans raison que Pandora s'inquiète, quant aux conséquences éventuelles de la future cohabitation des deux hommes de sa vie …

Mais une surprise de taille (c'est le cas de le dire !) attend toute la famille (y compris le peu sympathique patriarche Travis Appaloosa et leur plus jeune soeur, Solstice …) Edison et notre narratrice (Pandora) ne se sont – en effet – pas revus depuis quatre ans. Et, il peut se passer bien des choses en quatre ans ! …

Sommes-nous ce que nous mangeons ? Ou ce que nous pesons ? Pourquoi le rapport à la nourriture de certains individus est-il si complexe ? Pourquoi peut-il devenir une source de vie et de bien-être ou – au contraire – de souffrance et de mort ? Pourquoi les relations des fratries sont-elles si souvent douloureuses et chargées de non-dit, de jalousie cachée ? … Comment savoir faire un juste partage entre les liens de sang et les liens du coeur ? …

Comme à son habitude, la talentueuse Lionel Shriver excelle dans le décryptage des vrais sentiments humains, et ce pour notre plus grande joie ! Un gros coup de coeur que ce très beau roman, à mon goût plus poignant que drôle. Malgré la présence (bienvenue !) d'une petite pointe d'humour, qui permet d'en aborder la lecture avec un peu moins d'émotion …
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J'ai fait connaissance avec Lionel Shriver avec « Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes » dans lequel elle mettait en pièces les nouvelles injonctions sociales et le culte du corps dans la société américaine (entre autres ..)
Je la retrouve dans ce roman plus ancien dont le thème principal n'est pas si lointain, l'obésité et le rapport quasi-obsessionnel que nous entretenons avec la nourriture.

Immersion dans une famille américaine du Midwest : Pandora, la quarantaine épanouie, en pleine réussite professionnelle, son mari, Fletcher , artiste ébéniste au succès très confidentiel et adepte du régime riz brun- brocolis , et leurs deux enfants/ beaux-enfants.
Et voilà que s'annonce Edison, le frère aîné de Pandora, artiste de jazz qu'elle a toujours admiré et que son mari a toujours détesté. Pas vu depuis 4 ans, il traverse une période difficile et elle a accepté de l'accueillir pendant deux mois. Mais à l'aéroport, surprise : Edison a pris 100 kilos… Entre le très psychorigide Fletcher et le très jouisseur Edison, la tension monte et Pandora va devoir choisir entre son mari et son frère !

Le thème principal, l'obésité morbide, est traité à grands coups de sachets protéinés et de calcul de calories , et on se prend au jeu du « maigrira t-il ? ». Mais le roman aborde bien d'autres thèmes autour de la famille, les relations de couple, les liens entre frères et soeurs, parents et enfants. C'est drôle et tragique à la fois, et sous la plume acide de Lionel Shriver pointe l'émotion voire la culpabilité d'une femme qui a elle-même perdu son frère d' obésité morbide.
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Merci à la masse critique de Babelio pour l'envoie de ce livre, j'avoue que quand j'ai vu le nom de l'auteur je n'ai pas résisté à l'envie de m'inscrire et ai été plutôt ravie de le recevoir. Sans aucun regret parce que j'ai adoré. Immédiatement j'ai retrouvé la plume assez spécial de l'auteur. En effet elle étudie ses personnages à la loupe – voir au microscope – et on n'échappe pas à toutes les pensés de l'héroïne Pandora – puisque le livre est écrit de son point de vue. Que ce soit pour parler de sa famille et expliquer chacun de leur comportement (et comment elle se sent vis-à-vis de chacune de leurs paroles ou de leur geste) ou bien pour parler du sujet principal qui est l'obésité, la fixation envers la nourriture, la critique de nos sociétés sur cette fixation.
C'est un style que j'aime beaucoup parce que l'auteur ne laisse aucune chance à ses personnages et pourtant réussi à les rendre attachants par certains côtés. Elle expose sans pudeur leurs défauts, leurs qualités, on est complètement dans la tête de Pandora et on peut donc voir ses bons et ses mauvais côtés ainsi que la manière dont elle voit sa famille. Ca peut paraître assez lourd, mais personnellement ça m'emporte car j'ai l'impression de connaître ces gens, de faire partie du groupe. Parfois ils m'énervent, d'autres fois je les trouve super touchants, j'ai envie de les prendre dans mes bras ou de les gifler, selon ce qu'il se passe. de plus, je n'ai pas l'impression que Pandora en raconte trop, ou qu'il y a trop de digressions, je ne me suis dis à aucun moment « bon ça on aurait pu s'en passer ». C'était de longues réflexions et en même temps ça restait plutôt fluide et les pages se tournaient toutes seules. Quand je finissais un chapitre, je ne pouvais m'empêcher de commencer le suivant. Et je m'interrogeais avec inquiétude sur la suite des événements, preuve que l'auteur a réussi à ménager du suspens au milieu des réflexions philosophiques, psychologiques, sociologiques et culturelles.

Le livre parle énormément de nourriture, en lisant j'avais parfois l'impression de me sentir moi-même lourde, obèse. Elle présente les bons côtés, mais surtout cette relation parfois malsaine qu'on a envers la nourriture. Quand on s'empiffre sans même savoir vraiment ce qu'on mange ou bien au contraire l'obsession envers son poids. La façon dont la société contribue à se moquer des gros et des maigres, à juger une personne en fonction de son poids, et comment elle contribue à donner une image si négative de soi-même, à nous faire sentir mal dans notre peau, soit trop gros, soit trop maigre.
C'est une bonne critique à mon avis, je n'étais pas toujours d'accord avec ce que disais Pandora, mais elle-même revenait parfois sur ses réflexions, évoluait dans sa façon d'être et de pensés, et je dois dire que des fois elle touchait tellement juste que je grinçais des dents.

J'avoue avoir beaucoup aimé Pandora, certes par moment j'avais des difficultés à comprendre ses choix, je n'étais pas toujours d'accord avec elle, et je la sentais très différentes de moi sur beaucoup de points, et pourtant je l'appréciais. J'étais inquiète pour elle, empathique aussi, triste quand elle était triste et j'avais envie de bondir de joie quand elle était heureuse. Mais c'est vrai qu'il y a eu des moments où j'aurais voulu pouvoir la secouer un peu. J'ai pas mal apprécié ses enfants, Tanner un peu moins que Cody, bien que le fait qu'ils suivent ses rêves soient une bonne chose (ce que je lui reprocherais cependant c'est de suivre des rêves mais en essayant de prendre la route la plus courte et la plus facile). Cody est une adolescente timide mais vraiment attachante et adorable, j'ai apprécié son lien avec son père.
Si au début j'ai eu du mal avec l'époux de Pandora, Fletcher, petit à petit au cours du livre j'ai appris à l'apprécier et à de plus en plus l'aimer. Certes il peut se montrer dur et intransigeant, son rapport à la nourriture est excessif, cependant il aime sa femme, il aime ses enfants, et il essaie de faire de son mieux. Il a fini par réellement me plaire et j'adorais ce qui l'attachait à Pandora, malgré leur dispute et les choix qu'elle prend, malgré le fait qu'ils ne se comprennent pas toujours.
Par contre je n'ai pas du tout réussi à m'attacher au « big brother ». Certes l'histoire tourne autour de ce personnage qui a prit énormément de poids en tellement peu de temps, si bien que sa petite soeur – qui a toujours éprouvé de l'admiration pour lui – ne le reconnaît pas, pour autant Edison ne m'a pas plu. Il va très mal, il est sans doute en dépression, mais son caractère m'a assez dérangé, je le trouvais sans gêne, plutôt égocentrique, ingrat envers sa petite soeur, et tout au long du livre il m'a déplu. du début à la fin je n'ai guère éprouvé d'empathie pour ce personnage. J'ai aimé ce que Pandora faisait pour lui, la façon dont elle cherchait à l'aider, à le comprendre, même au début quand elle n'avait qu'une hâte : celle de le voir partir. Elle culpabilisait pour lui, elle regardait ailleurs et pourtant elle le laissait vivre chez elle et détruire un peu tout sans rien dire.
La fin a été un véritable choc pour moi, je ne m'y attendais pas du tout, quel retournement de situation, je ne l'avais pas du tout venir. Ca m'a rendu assez triste et nostalgique, et en même temps passé l'effet de surprise et avec du recul, je me suis un peu senti flouée, arnaquée. C'était pourtant très bien pensé.
Ce qui m'emmène à dire que c'était un très bon livre, qui critique nos sociétés actuelles sur le regard que l'on pose sur le poids et la nourriture, un rapport bizarre qui nous empêche parfois de voir au-delà de ça. Des personnages assez attachants – mais pas sans défauts, un style qui va au fond des choses (mais j'aime beaucoup ça), une histoire que j'ai trouvé assez originale en elle-même, et une fin qui m'a cloué au sol. Très bonne lecture.
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