Dai Sijie signe avec ce court roman une forme littéraire très originale .
Nous voici en un univers définitivement chinois, un univers clos, celui d'une île ; un univers clos également pour les protagonistes du roman contraints d'évoluer entre une prison, une décharge industrielle ou une retenue d'eau faisant office de lac gelé pour une jeune patineuse
Cet univers âpre, oppressant, est celui de "l'île de la noblesse" lieu géographique imaginaire comprenant mer et montagne, hiver glacé ainsi qu'été brûlant, arbres et villages, mais surtout une énorme décharge où sont "traités" les déchets hautement toxiques de notre boulimie électronique et informatique.
Dai Sijie fait évoluer trois destins.
D'abord celui d'un enfant atteint d'une maladie génétique rare le faisant passer pour plus vieux qu'il n'est.
Il y a ensuite l'histoire de cette famille dont le père "le Bogart du réservoir d'eau" fait patiner sa fille sur la glace gelée du réservoir d'eau, patinoire précaire.
Pour finir le dernier destin présenté par l'auteur est celui d'une mère qui reprend la forge de son mari défunt.
Au final, trois fables sombres très contemporaines sur la perversité de notre monde et ses conséquences sur les rapports humains.
On l'a compris, ce livre n'est certes pas un roman de gaîté mais assurément une réflexion très puissante qui incite à la relecture. Certains passages, sont d'une grande profondeur métaphorique, amplifiée par la cosmogonie chinoise. C'est surtout une oeuvre de grande poésie doublée d'une force suggestive éblouissante. La tristesse peut être belle.