Claude Simon est un écrivain emblématique des Editions de Minuit, une figure de proue du Nouveau Roman, le roman expérimental des années 1950 à 1970, avec
Beckett,
Nathalie Sarraute,
Alain Robbe-Grillet,
Robert Pinget,
Michel Butor ou
Marguerite Duras. A roman expérimental, nouvelle expérience de lecture, donc : si vous pouvez lire d'un trait 289 pages écrites presque sans pause, ni rupture, ni respiration, vous devriez aimer
La Route des Flandres, publié en 1960. Mais n'est
pas un lecteur de
Claude Simon qui veut...
De quoi s'agit-il ? le protocole exige pourtant que je vous apporte les réponses, au lieu de vous poser des questions, mais voilà : si je l'ai bien lu jusqu'au bout, je suis bien en peine de vous le résumer. Heureusement, la 4e de couverture peut suppléer à mes déficiences : « le capitaine de Reixach [prononcer Reichac], abattu en mai 40 par un parachutiste allemand, a-t-il délibérément cherché cette mort ? Un de ses cousins. Georges, simple cavalier dans le même régiment, cherche à découvrir la vérité. Aidé de Blum, prisonnier dans le même camp, il interroge leur compagnon Iglésia qui fut jadis jockey de l'écurie Reixach. Après la guerre, il finit par retrouver Corinne, la jeune veuve du capitaine... »
L'auteur s'est orienté vers un long monologue intérieur qui cherche à reproduire les mécanismes de la mémoire (le « foisonnant et rigoureux désordre de la mémoire », disait Simon). La narration doit figurer le flux anarchique de nos pensées, ces images cérébrales qui nous animent. Elle se compose par collages, par associations d'idées, brossant un tableau confus où les époques et les évènements s'entrecroisent, s'entremêlent, se superposent et finissent par se confondre. On retrouve aussi ses influences majeures : ses lectures de Joyce et
Faulkner, et l'impact de ses propres
oeuvres de peintre dans son écriture faite de juxtapositions, ajouts, interpositions et superpositions. Comme un fleuve sans digues, la plume coule sur le papier, déversant souvenirs et émotions. C'est un peu comme dans la vie : un va-et-vient incessant, des flash-back constants, rien n'est donné définitivement au lecteur qui doit rester attentif et rechercher des points de repère. le procédé cherche pour ainsi dire à tutoyer l'essence même de l'homme : Je pense, donc je suis. Et Je suis ce que je pense.
A roman expérimental, nouvelle expérience de lecture : j'ai donc expérimenté le roman expérimental. Cette lecture fut tellement heurtée que je ne peux
pas dire que j'ai aimé l'expérience. Mon attention s'est égarée cent fois et les incessantes interruptions dues aux contingences de la vie quotidienne compliquaient encore les choses : par où reprendre la lecture de ce récit sans début, ni fin ? Où cette
histoire nous conduit-elle ? Il m'a bien fallu une centaine de pages de persévérance pour m'accoutumer un tant soit peu et entrer dans cette innovante sarabande langagière.
J'avoue quand même être impressionné, et même admiratif, devant une telle richesse de vocabulaire, devant un tel sommet de technicité littéraire et d'ingénierie stylistique où le temps s'efface sous la plume de l'auteur. Mais je n'ai
pas eu de réel plaisir de lecture et n'ai guère réussi à me
passionner pour cette
histoire. le fond ne m'a
pas plu, la forme m'a gêné: un rendez-vous manqué, hélas...