La littérature prend parfois des chemins détournés. A côté de la littérature officielle vint se greffer, dès le début du XXème siècle, un autre type de littérature centrée non plus sur l'auteur, mais sur le lecteur, c'est ce qu'on a appelé les « best-sellers », c'est-à-dire « les livres qui se vendent le mieux » Sur le plan de l'écriture pure, cela ne changeait pas grand-chose, les bons auteurs se vendaient toujours bien et les mauvais continuaient à galérer. Mais peu à peu on vit se profiler de nouveaux auteurs qui, poussés par les éditeurs, cherchaient le « tout-public » et le meilleur tirage possible. Les oeuvres proposées, plus faciles d'accès, accusent généralement une baisse de la valeur littéraire (à part bien sûr quelques exceptions notoires) et inversement, quelques auteurs de seconde zone, peuvent, si leur livre se vend bien, accéder au statut d'écrivain.
Cela dit, chez les auteurs de best-sellers, on trouve aussi des écrivains et des oeuvres de qualité. L'exemple le plus frappant est
Autant en emporte le vent, de
Margaret Mitchell, mais on peut citer également des auteurs fort honorables – et honorés en leur temps - comme
Louis Bromfield (
La Mousson),
Pearl Buck (
La Terre chinoise) ou…
Frank G. Slaughter.
Frank G. Slaughter (1908-2001) a connu une célébrité durable des années 40 aux années 70, aux Etats-Unis et plus encore dans le monde entier. Ecrivain prolifique, il laisse près d'une soixantaine de romans, répartis en deux sources d'inspiration : le roman médical (lui-même était médecin) et le roman historique. Dans ce dernier domaine, il se fit une spécialité du roman biblique, où il donnait vie aux grands personnages de l'Ancien et du nouveau Testament.
J'ai trouvé
Afin que nul ne meure, parmi des dizaines d'autres romans, dans ce fameux cagibi que j'ai évoqué dans des chroniques précédentes, et où, théoriquement je n'avais pas accès. Mais allez savoir pourquoi, la clé restait toujours sur la porte… Les papas sont bizarres, des fois, non ?... Ah, papa, pourquoi es-tu parti si tôt ? Nous avions tant et tant et tant et tant de choses à partager…
J'ai tout de suite été conquis par le livre. Il est vrai que j'étais dans mon période
Cronin (je suis toujours dans ma période
Cronin) et le métier de médecin avait pour moi une aura extraordinaire au point que j'envisageais dans ma candide innocence d'y consacrer mon avenir. le parcours de Ran Warren n'est pas sans rappeler d'ailleurs celui d'André Manson (
La Citadelle – 1937).
Ran est un jeune chirurgien fraîchement diplômé de l'Université de Baltimore. Jeune homme idéaliste et volontaire, il est un praticien hors pair, mais son caractère un peu sauvage le dessert parfois, sauf en amitié où il peut compter sur Tim Brennan (un Porthos en blouse blanche, en plus subtil) et sur Sybilla Barr (belle, énigmatique et inaccessible). Lui-même sait-être un ami fidèle et profond, au point même d'aider un de ses proches, Pee Wee Harter, condamné par la maladie, à partir dans la dignité et sans souffrance. Et puis vient Ann Trent, jolie rousse piquante et fûtée, qui devient la femme de sa vie. La vie s'écoule avec ses drames et ses joies, Ran fait l'amère expérience de la vie professionnelle : docteurs corrompus, ambitions sordides, drogue, adultère, politique (Ran prépare un projet pour l'élaboration d'un système médical nouveau pour les Etats-Unis). Mais l'amour et le courage aidant, malgré les vicissitudes, la vie reprendra ses droits, et avec elle une sorte de bonheur, somme toute bien mérité.
Il faut bien sûr tout replacer dans son contexte : l'Amérique des années 30 n'est pas celle d'aujourd'hui, et le plan Warren (très socialiste pour l'époque) n'a pas grand-chose à voir avec L'Obamacare des années 2010. A lire donc, sur ce plan-là, d'un point de vue purement documentaire. Toutefois, ne vous privez pas de déguster le roman dans toute sa plénitude romanesque, je vous garantis de passer un excellent moment.
Il n'y a pas à ma connaissance de film basé sur le roman. Tout au plus peut-on mentionner Pour que vivent les hommes, (Stanley Kramer, 1955, avec Robert Mitchum) qui reprend le cadre du roman, et certaines situations. Parler de plagiat, serait certainement abusif, mais on peut remarquer la similitude de titre (
Afin que nul ne meure / Pour que vivent les hommes). « Y aurait comme un cousinage » comme dirait Lino.