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Citations sur Le Pays des autres (416)

En réalité, c'est pire que la guerre. Car nos ennemis ou ceux qui devaient l'être, nous vivons avec eux depuis longtemps. Certains sont nos amis, nos voisins, notre famille. Ils ont grandi avec nous et quand je les regarde, je ne vois pas un ennemi à abattre, non je vois un enfant.
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Ce qui le charmait lorsqu’ils étaient encore en Europe se mit à lui peser puis à l’irriter. Mathilde était capricieuse et frivole. Amine lui en voulait de ne pas savoir se montrer plus dure, de ne pas avoir le cuir plus épais. Il n’avait pas le temps, pas le talent de la consoler. Ses larmes ! Combien de larmes avait-elle versées depuis qu’elle était arrivée au Maroc ! Elle pleurait à la moindre contrariété, elle éclatait sans cesse en sanglots et cela l’exaspérait.
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Le frère d'Amine lui rappela ces hommes qu'il avait croisés autrefois, sur la route de son exil. Des hommes pleins de grands mots, des hommes bouffis d'idéal, qui à force de grands discours avaient épuisé en eux toute forme d'humanité. p.339
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Levez les yeux, dit-il, confiant, et les fillettes silencieuses pointèrent leurs nez le ciel. Un trou était creusé dans la roche et c'est par là, dit-il, que l'on jetait les prisonniers et la nourriture qui suffisait à peine à les faire survivre.
p 140
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"Ici, c'est comme ça."
Cette phrase, elle l'entendrait souvent. A cet instant précis, elle comprit qu'elle était une étrangère, une femme, une épouse, un être à la merci des autres.
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La beauté de Selma rendait ses frères nerveux comme des animaux qui sentent venir l’orage.
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Amine ne s'intéressait qu’à la ferme et au labeur. Jamais de rire, de danse, de temps à ne rien faire, à parler. Ils ne parlaient pas, ici.
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Au bout d’une semaine, alors que Mathilde avait passé l’après-midi
seule, il rentra dans la chambre, nerveux, contrarié. Mathilde le couvrit de
caresses, elle s’assit sur ses genoux. Il trempa ses lèvres dans le verre de
bière qu’elle lui avait servi et il dit : « J’ai une mauvaise nouvelle. Nous
devons attendre quelques mois avant de nous installer sur notre propriété.
J’ai parlé au locataire et il refuse de quitter la ferme avant la fin du bail. J’ai
essayé de trouver un appartement à Meknès, mais il y a encore beaucoup de
réfugiés et rien à louer pour un prix raisonnable. » Mathilde était
désemparée.
« Et que ferons-nous alors ?
— Nous allons vivre chez ma mère en attendant. »
Mathilde sauta sur ses pieds et elle se mit à rire.
« Tu n’es pas sérieux ? » Elle avait l’air de trouver la situation ridicule,
hilarante. Comment un homme comme Amine, un homme capable de la
posséder comme il l’avait fait cette nuit, pouvait-il lui faire croire qu’ils
allaient vivre chez sa mère ?
Mais Amine ne goûta pas la plaisanterie. Il resta assis, pour ne pas avoir
à subir la différence de taille entre sa femme et lui. D’une voix glacée, les
yeux fixés sur le sol en granito, il affirma :
« Ici, c’est comme ça. »
Cette phrase, elle l’entendrait souvent. À cet instant précis, elle comprit
qu’elle était une étrangère, une femme, une épouse, un être à la merci des
autres. Amine était sur son territoire à présent, c’était lui qui expliquait les
règles, qui disait la marche à suivre, qui traçait les frontières de la pudeur,
de la honte et de la bienséance. En Alsace, pendant la guerre, il était un
étranger, un homme de passage qui devait se faire discret. Lorsqu’elle
l’avait rencontré durant l’automne 1944 elle lui avait servi de guide et de
protectrice. Le régiment d’Amine était stationné dans son bourg à quelques
kilomètres de Mulhouse et ils avaient dû attendre pendant des jours des
ordres pour avancer vers l’est. De toutes les filles qui encerclèrent la Jeep le
jour de leur arrivée, Mathilde était la plus grande. Elle avait des épaules
larges et des mollets de jeune garçon. Son regard était vert comme l’eau des
fontaines de Meknès, et elle ne quitta pas Amine des yeux. Pendant la
longue semaine qu’il passa au village, elle l’accompagna en promenade,
elle lui présenta ses amis et elle lui apprit des jeux de cartes. Il faisait bien
une tête de moins qu’elle et il avait la peau la plus sombre qu’on puisse
imaginer. Il était tellement beau qu’elle avait peur qu’on le lui prenne. Peur
qu’il soit une illusion. Jamais elle n’avait ressenti ça. Ni avec le professeur
de piano quand elle avait quatorze ans. Ni avec son cousin Alain qui mettait
sa main sous sa robe et volait pour elle des cerises au bord du Rhin. Mais
arrivée ici, sur sa terre à lui, elle se sentit démunie.
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Amine était né au milieu de ces hommes, au milieu de ce peuple, mais il n'en avait conçu de fierté. Au contraire, il lui était souvent arrivé de vouloir rassurer les Européens qu'il rencontrait. Il avait tenté de les convaincre que lui était différent, qu'il n'était ni fourbe, ni fataliste, ni fainéant, comme les colons aimaient à parler de leurs Marocains. Il vivait avec, rivée au coeur, l'image que les Français se faisaient de lui.
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Un monde était en train de disparaître sous leurs yeux. En face brûlaient les maisons des colons. Le feu dévorait les robes des gentilles petites filles, les manteaux chics des mamans, les meubles profonds au fond desquels on range, enroulées dans des draps, des robes précieuses portées une seule fois. Les livres étaient réduits en cendres comme les héritages venus de France et exhibés avec fierté au nez des indigènes.
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    Le pays des autres

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