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Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Il y a quatre problèmes majeurs que pose ce livre, si l'on met à part ses qualités proprement littéraires, qui sont diversement appréciables mais ne sont pas le sujet ici. Il faut critiquer ici le fond, et non la forme (encore que celle-ci aient des incidences sur celui-ci, comme on va la voir).

Le premier problème, c'est que l'auteur dresse un portrait de la Libération qui est entièrement à charge contre la résistance et notamment les FTP/FFI. Il le fait avec esprit de caricature (parfois épaisse : on parle de viols, de populace vulgaire, de rots et de pets, etc.) et surtout sans mise en perspective, sans contextualisation. Certes, le narrateur/personnage principal est l'anti-héros Sadorski, affreux salaud ayant, durant plusieurs tomes, traqué les Juifs et les résistants et les ayant fait passer à la casserole…. le pari littéraire est donc de montrer une période historique - la Libération en septembre 1944 - à la fois avec la subjectivité d'un collaborateur de la pire espèce mais aussi avec (normalement) une manière de rééquilibrer le récit, pour éviter que le roman ne ressemble à de la propagande vichyste des pires années (les Résistants comme terroristes, des sans-culottes assoiffés de sang et de revanche sociale, etc.) . Patatras ! L'auteur ne parvient aucunement à équilibrer et responsabiliser son propos et ne parvient qu'à un brouillard idéologique où le lecteur peut sincèrement le soupçonner d'ambigüité politique, en tout cas de forte haine pour tout ce qui ressemble à un résistant communiste (et même à un résistant tout court). Même si ce n'est sans doute pas le cas - on peut accorder à l'auteur, fut il maladroit, le bénéfice du doute -, le malaise est pourtant profond, permanent, et laisse un mauvais goût dans la bouche.

Le second problème découle du second. Décrire la Libération et l'épuration des premiers jours comme une géhenne qui, au final, a la même intensité de cruauté et d'inhumanité que l'Occupation, c'est faire preuve de peu d'esprit de responsabilité historienne. C'est plutôt se mettre à accentuer un confusionnisme bien dans l'air du temps et qui ne rend service à personne, surtout pas à la vérité. Car, malgré les tentations nihilistes du "tous-pourris", les travaux d'historiens sérieux montrent que l'épuration, si elle n'a pas été exempte de dérives insupportables et de cruautés, l'a été 1- beaucoup moins que l'Occupation, évidemment 2 - a rapidement été remise sur les rails de la judiciarisation responsable et arrêté dans ses dérives (même si tout n'a pas été puni) 3 - s'est inscrite dans un contexte de guerre où de nombreux résistants, de la première ou de la dernière heure, continuaient à donner leur sang pour leur pays et la liberté, que ce soit dans les poches nazies de Bretagne ou de Normandie, dans les accrochages avec les colonnes "Das Reich" ou autres sur les routes de l'Est, dans le nettoyage définitif de la banlieue parisienne (où ce sont souvent les colonnes Fabien et autres FTP/FFI qui ont fait le boulot en support des armées FFL) et dans le raccompagnement de l'engeance d'Hitler jusqu'à Berlin et au-delà… Dès lors, se borner à décrire des résistants irresponsables, criminels et souvent… antisémites (!!) sans ajouter que, si certains comportements pouvaient être atroces, d'autres (les plus nombreux) étaient au même moment héroïques, se borner, donc, à la caricature en évacuant la totalité du réel, c'est faire preuve d'une étrange rhétorique, très peu historienne et tout à fait bizarre.

Et l'on arrive au troisième gros problème de ce livre. L'auteur insiste partout - dans la postface de son roman, dans les commentaires de ce site - sur le travail de documentation minutieux et important qu'il aurait mené, notamment dans les archives de la préfecture de police. Première question : quelle est la méthode d'historien retenue ? Quelles investigations a-t-il réellement menées ? L'auteur n'est pas explicite sur sa méthode d'investigation historienne, ou bien il est trop vague. Sa méthode, notamment, a t elle consisté à traquer tout ce qui dans les documents de la PP et autres pouvait amener de l'eau au moulin de son livre, et donc à confirmer son propos, ou bien a -t- il, en VRAI historien, consulté TOUS les documents, y compris ceux qui allaient à l'encontre de sa thèse (qui consiste, on le comprend, à dire que la résistance FTP/FFI dans la capitale a été d'une cruauté qui égale celle des nazis) ? … Car, être historien - n'en déplaise à l'auteur, qui aime bien donner des leçons - c'est lire et assimiler TOUT, ce qui va dans le sens de son intime conviction comme ce qui va à l'encontre, sinon on est qu'un subjectiviste. En tout cas, on n'est pas vraiment historien ! On est au mieux un rhétoricien de l'histoire, ce qui n'est pas exactement la même chose.

Enfin, quatrième point, et non des moindres. Dans une forme de dérive morale de l'écriture qui est très contemporaine, l'auteur mélange allégrement faits historiques (dont il dit qu'ils sont documentés, et c'est sans doute le cas, on veut bien le croire sur ce point) et pure imagination de romancier, sans JAMAIS que la barrière entre les deux approches ne soit rendue visible, ne soit explicitée, rendue claire.

Dès lors, Slocombe se permet d'embrigader dans son histoire des personnalités fortes de la résistance FTP/FFI, Charles Tillon et Albert Ouzoulias, dans des scènes purement inventées où ces deux chefs de la résistance communiste menacent, notamment, Sadorski de s'en prendre à sa famille ou de le livrer aux tortures des FTP (!!!???) si l'ancien collaborateur ne travaille pas à renseigner le PCF sur les infiltrations de collabos en ses rangs… Ces scènes très limites, qui sont à la frontière de la diffamation et de la liberté narrative, sont en tout cas totalement contradictoires avec les serments de rigueur historienne que l'auteur clame par ailleurs. Elles sont lancées sans preuves, au fil de la plume, et relèvent du pur fantasme, de la subjectivité de l'auteur. D'ailleurs Charles Tillon, à l'époque député depuis dix ans, commandant en chef des FTP, conseiller général, bientôt maire d'Aubervilliers et quelques heures après l'entretien fictif que relate Slocombe, ministre du général De Gaulle, s'exprime sous la plume de l'auteur comme un charretier ordurier, à coup de "bordel" et de "merde alors !" qui caricaturent le personnage en lui donnant un air vulgaire de sans-culotte mal décati… Au total, on reste très étonné devant un roman qui se donne pour un travail d'historien tout en ne respectant pas les bases les plus élémentaires de la morale historienne et qui, quand il se lâche dans la narration imaginaire, lâche les chiens d'une propagande antipopulaire où l'on reconnait une longue tradition (le mépris pour le peuple sale et débraillé que l'on retrouve sous de nombreuses plumes depuis au moins les lendemains de la Révolution française…).

On est étonné, également, que l'auteur ne semble pas conscient de ses propres dramatiques contradictions, quand son éditeur, lui, avec prudence, justifie son texte dans un avant-propos très "antifasciste" dont on se demande quel besoin il était de l'écrire là si le texte de l'auteur avait été sans conteste et tout à fait crédible…









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Quand un anti-héros est le personnage principal d'un roman, ça peut donner le meilleur : et on pense aux Bienveillantes de Littell. Mais ça peut aussi donner le pire : un texte plat, un humour poussif, et surtout une absence totale de souffle. le point rédhibitoire, à la lecture, est la confusion entretenue entre les propos attribués au anti-héros et ceux du narrateur. On sent bien qu'il fait de son personnage plus qu'un témoin, qu'il devient un porte-parole. Quand on se réfère à l'avertissement prudent de l'auteur et de l'éditeur en introduction, le malaise est encore plus évident. Confusion encore quand l'auteur fournit une longue liste de travaux historiques : est-il romancier ou joue-t-il à l'historien ? Et quand on constate que le romancier s'inspire nettement des travaux de Robert Aron, qui a popularisé la théorie de l'épée et du bouclier, le mythe d'une alliance objective entre De Gaulle et Vichy, on se dit que c'est vraiment pousser trop loin cette fascination pour la confusion, dont l'extrême-droite se repaît aujourd'hui. Non seulement ce polar est raté, mais à un point où il en devient même suspect.
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