QUAND J'ENTRERAI POUR TOI
Quand j'entrerai pour toi dans mon métier de veuve
J'aurai ces vêtements aux longs plis assemblés,
La démarche sans peur qui porte cette preuve
Qu'un corps souvent étreint a cessé de trembler.
J'aurai le pas d'épouse et le ventre des mères
Où le tablier bleu fait de beaux plis profonds,
Mes cheveux blancs seront la couronne sévère
Que tes doigts amaigris ont posée sur mon front.
Je serai la fermière épaisse qui assume
La tâche d'accomplir l'ordre de chaque jour,
J'aurai perdu l'enfant, les soucis, la coutume
De préparer le pain et le lit et l'amour.
J'irai dans le jardin tondre l'herbe légère
Je taillerai la rose et l'arbre du verger
Je te raconterai aux bêtes familières
Mon flanc se creusera, le soir, pour te chercher.
Près du feu partagé, j'allumerai la lampe
Et nous nous parlerons de la paix de mes jours
Je deviendrai pour toi, la tranquille flamande
Qui met des volets verts à son dernier amour.
(Poème extrait du recueil "Femmes des longs matins"