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sur 1286 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le bout de pain se transforme en nourriture spirituelle et,alimente l'extraordinaire volonté de survivre.
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Où et quand qu'il soit, un camp de concentration reste et restera un camp de concentration. Je retrouve dans les descriptions du Primo Levi ou du Georges Semprun. Particulièrement pour tout ce qui a rapport à la nourriture, son manque, la façon de tromper la faim. Également, des similitudes dans cette soif de vivre coûte que coûte, à force de débrouille. Encore, dans cette solidarité / individualisme forcené pour tirer son épingle du jeu.
Après, les rouages politiques qui ont conduit ces russes au goulag me rappellent plus l'absurdité kafkaïenne : les peines se rajoutent aux peines, sans explication. Les anciens soldats sont là parce qu'ils ont eu le malheur d'être fait prisonniers par les allemands. Chacun a avoué un espionnage inexistant pour fuir l'absurdité du système stalinien où tout le monde est coupable.
Un livre édifiant, qui comme tous les témoignages admirablement écrits permet d'effleurer l'enfer qu'ils ont vécu. Ici, la force est dans cette journée unique qu'on imagine se répéter à l'infini.
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Bonjour et bienvenue à toi cher camarade zek,
J'espère que tu as passé une sacrée nuit parce qu'on a du travail pour toi aujourd'hui (et ne t'inquiète surtout pas, on t'en trouvera bien pour tous les autres jours de ta peine). C'est aussi dans ton intérêt d'avoir remis tous tes effets personnels au bureau des entrée à ton arrivée, sinon tu gagnes un passe-droit pour le mitard.

Au programme nous te proposons ( et "proposons" vaut un "ordonnons" en URSS) :

Lever à cinq heures et appel dans la cours. (On se fiche que t'aies mis tes valienki sur le poêle. Tu sautes de ta wagonka et tu rappliques pieds nus s'il le faut, mais tu rappliques fissa. )

Ensuite, à moins qu'il fasse en dessous de -40° (et n'y compte pas trop car même le thermomètre est trafiqué), tu travailleras jusqu'au soir.

Parmi les activités qui peuvent t'être suggérées par ton brigadier : maçonnerie à base d'outils primaires pour t'auto-enfermer dans notre superbe goulag; entretien des machines et si vraiment tu t'écharpes au travail on t'enverra à la paneterie ou au bureau de distribution des colis.

Au menu aujourd'hui (et certainement pour le reste de ta vie) :
Kacha de sorgho au déjeuner.
Délicieuse soupe à base d'eau et d'arrête de poisson au diner.
Pain (entre 200g et 400g selon l'humeur du cuisinier).

Une petite astuce : si tu dois être malade aujourd'hui, alors sois malade dès le matin ! Parce que des grippés à l'infirmerie, on en accepte que deux par jour sur tout le camp.

PS : On t'a condamné à 10 ans de travaux forcés mais ta peine peut être rallongée de manière aléatoire et inexpliquée, alors ce sera la surprise.
~~
Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre, c'est de pouvoir suivre toutes les petites stratégies mises en place par les détenus afin de rendre leur existence plus supportable.
On accompagne Choukhov qui rivalise d'ingéniosité pour optimiser au mieux son temps et s'accorder un maximum de menus plaisirs, sans jamais oublier son prochain. Que ce soit pour obtenir du tabac, transporter une cuillère, dérober une lame, se faire un peu d'argent... Choukhov ne tarit jamais d'astuce.

On partage avec tendresse le plaisir qu'il ressent alors qu'il déguste un minuscule bout de pain sécurisé dans la doublure de son lit.

L'immersion dans ce goulag m'a été très instructive et "agréable". Je dirais que Soljenitsyne a réussi à brosser un portrait touchant de l'atmosphère solidaire entre les détenus. Malgré l'horreur qu'ils ont vécu, ces personnages restent pour la plupart profondément humains, s'accrochent avec espoir et pragmatisme à ce qui leur reste sans sombrer dans la cruauté ou l'égoïsme.

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Dans "Une journée d'Ivan Denissovitch", onsuit le héros, (Ivan Denissovitch) Choukhov, de son réveil, au goulag, à son coucher. On l'accompagne dans TOUS les moments de sa journée, des appels au réfectoire, de la journée de travail au "commerce", et on fait la connaissance de ses co-détenus, on est immergé dans la vie quotidienne du goulag.

Alexandre Soljenitsyne nous décrit une bonne journée de la vie de Choukhov. C'est assez affreux, mais de fait, dans cette vie, pardon, dans ce marasme qu'est la survie dans un endroit pareil, oui, en effet, c'est une bonne journée pour lui... Une journée où il aura pu manger davantage, se vider l'esprit en faisant un travail qu'il aime, pu rendre des services, ce qui lui vaudra un retour ultérieur, et même trouvé du tabac...

Par contre, de l'espoir, il n'y en a pas par ici... Choukhov ne compte pas sortir un jour : ils rallongent sans cesse les peines. Et puis, sortir pour retrouver qui, et quoi, et dans quel monde ?

Alors on s'accroche au présent, à la routine du camp. N'en déplaise à Aliocha, on ne va pas se convertir pour autant... On compte les jours, quand même, des fois que... Trois mille six cents cinquante trois jours de peine, "Les trois de rallonge, c'était la faute aux années bissextiles"

J'ai réellement apprécié cette oeuvre, son ton un peu dissocié, sa construction sur une journée. Je lis toujours les préfaces et notes d'auteur après, pour ne pas être influencée, ou en tous cas le moins possible. Et cette distanciation émotionnelle m'a laissée penser que Soljenitsyne - dont je n'avais encore jamais entendu parler - avait écrit d'après des témoignages de ses compatriotes... Mais non, pas du tout, tout est tiré de son vécu, de sa réalité, de son expérience propre. Ce qui rend à mes yeux cette oeuvre d'autant plus précieuse.

Je lirai trèèèèèès probablement d'autres écrits de Soljenitsyne, mais pas tout de suite. Ce genre de lecture, il me faut quand même le temps de m'y préparer, puis de m'en remettre !
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Alexandre Soljenitsyne, le plus grand écrivain russe depuis Tolstoï, reste mon préféré entre tous par la richesse de ses oeuvres. Pour ceux qui redoutent d'entamer les pavés sur le goulag ou les noeuds de la Roue Rouge, ce petit livre est idéal pour un premier contact avec cet écrivain monumental. C'est tout simplement l'histoire d'une journée d'un zek au goulag racontée avec précision, sans voyeurisme, sans résignation non plus, avec toujours cette espérance qui n'a cessé d'animer son auteur et ce style incomparable, certainement encore plus développé dans ses autres livres.
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Dans ce court roman, Alexandre Soljenitsyne raconte une journée assez banale de la vie d'un détenu, Ivan Denissovitch Choukhov, condamné à travailler dix ans dans un camp. C'est une journée banale pour Choukhov, qui a déjà passé huit ans dans ce camp, mais cauchemardesque pour le lecteur, qui comprend peu à peu à quel point ces détenus vivaient dans d'atroces conditions. Le froid omniprésent, le manque de nourriture, le travail du matin au soir, on reste sans voix après avoir tourné la dernière page, d'autant plus que l'auteur clôt cette histoire non sans humour. Une journée d'Ivan Denissovitch est un roman instructif et facile à lire, une bonne façon de découvrir l'auteur.
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Une journée d'Ivan Denissovitch peut se résumer en une phrase : « Ici, on ne regarde pas plus loin que le bout de son nez. Et il n'y a pas le temps de penser, de se demander comment vous avez fait pour en arriver là et comment vous en réchapperez. » Au goulag, par moins trente degrés et sous les brimades diverses et variées, il n'y a donc ni passé ni avenir. L'homme en tant que tel est annihilé.

Dans sa savante et limpide préface, Jean Cathala – premier traducteur en français, avec son épouse, de l'édition complète non censurée du texte de Soljenitsyne – écrit : « Avec un art du ramassé, qui tient du classicisme, l'auteur est parvenu à miniaturiser en moins de deux cents pages une fresque de la déportation. » Ce qui fait d'Une journée d'Ivan Denissovitch un roman à la densité unique. Un roman qui raconte l'autre univers concentrationnaire, celui qu'il était interdit de condamner il y a encore quelques décennies – qu'il est toujours interdit de condamner chez certains extrémistes, dont l'un m'a un jour confié dans une manifestation (je cite) : « Staline et Pol Pot ont fait ce qu'il fallait faire »… !

Le roman de Soljenitsyne, au-delà de sa qualité littéraire, marque aussi un coup d'arrêt à l'idéologie socialiste dans sa pureté affichée de façon très ostentatoire. Non, les Goulags n'étaient pas des camps de rééducation pour ennemis du peuple, mais des camps de concentration, voire d'extermination. Extermination plus lente que dans les camps nazis, mais extermination tout de même.

Soljenitsyne, condamnée à huit ans de goulag pour avoir simplement critiqué le camarade Staline, préfère cependant s'effacer dans ce roman et raconter la journée d'un détenu imaginaire, à la lumière toutefois de son expérience concentrationnaire.

Nous suivons ainsi, ou plutôt nous essayons de suivre depuis notre confort tranquille, le chemin de Croix du zek – nom donné aux détenus des goulags – Ivan Denissovitch alias Choukhov. Une vie de misère, entretenue par le système le plus effroyablement efficace. Une vie qui se résume à ce que hurle un chef d'escorte à l'attention des zeks, par un froid polaire et le ventre vide : « Détenus, attention ! En cours d'acheminement, observez rigoureusement les consignes de la marche en colonne. Défense d'allonger les files ou de les raccourcir. Défense de passer d'un rang de cinq à un autre. Défense de parler. Défense de regarder de côté. Et gardez toujours les mains derrière le dos. Débloquer d'un seul pas sur la droite ou sur la gauche étant considéré comme tentative d'évasion, la garde ouvrira le feu sans avertissement. »

Comme dans toute vie concentrationnaire, la nourriture devient le sujet obsédant par excellence, étant donné le régime alimentaire dérisoire auquel sont soumis les détenus : « Un estomac de zek, bien sûr, ça supporte tout : aujourd'hui, on lui serre la ceinture, demain vous le remplissez. de sorte que, les jours de ration minimum, on se couche avec l'espoir. » À cela il faut ajouter le froid, qui pourchasse les détenus jusque dans leurs baraquements, et les gardes qui traitent les détenus comme du bétail corvéable jusqu'à la mort.

Mais, suivant l'idée antique, et assez juste, qui veut que l'homme soit un loup pour l'homme, il est un autre ennemi dans le goulag : « le vrai ennemi du prisonnier, c'est le prisonnier son frère. Si les zeks n'étaient pas des chiens entre soi… [Eh bien, les chefs, ils ne seraient plus de force à les commander] (la dernière proposition est entre crochets pour signaler qu'elle avait été censurée dans l'édition originale). Soljenitsyne souligne là le conditionnement concentrationnaire, qu'il serait aussi inutile qu'indécent de juger à l'aune de nos vies occidentales ouatées.

Et quand on lui parle de Dieu, Ivan Denissovitch a cette réponse fataliste du point de vue de sa situation de zek : « Une prière, Aliocha, c'est pareil que les réclamations. Ҫa n'arrive jamais jusqu'au grand patron. Ou bien il t'écrit dessus : Refusé. »

À la fin de cette journée qui, contrairement à l'exceptionnel film d'Ettore Scola, n'est pas particulière, Choukhov est content car il lui arrivé plein de bonnes choses, que nous qualifierions, quant à nous, d'enfer sur terre…


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La vie des camps délabre
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Ivan Denissovitch Choukhov nous invite à nous suivre à ses côtés une journée au Goulag.
Du réveil au coucher, au "repas", au travail, à la toilette, les vêtements...
Les relations entre détenus, avec les surveillants.
Tout, dans cette oeuvre, est passé au peigne fin, une journée complète plus que détaillée pour nous faire comprendre que chaque instant est une lutte pour survivre.
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Ecrit par Alexandre Soljenitsyne alors qu'il se trouvait lui même au goulag, ce roman retrace dans le détail une journée d'un prisonnier lambda "Ivan Denissovitch", dit "Choukhov".

Ce roman a, de ce fait, une forte charge émotionnelle, car même s'il ne s'agit pas d'un récit autobiographique, le lecteur ne peut s'empêcher de replacer le texte dans son contexte : l'univers concentrationnaire soviétique.

L'histoire même de manuscrit et de sa publication, qui fait l'objet de la préface de la présente édition, est révélatrice du miracle. Cette édition est agrémentée des passages que la censure soviétique avait amputée au manuscrit pour autoriser sa publication (à bien des égards, très révélatrice).

Soljenitsyne, avec talent, nous fait vivre le quotidien des ces milliers de prisonniers dans un camp de travail, où l'on pourrait croire que l'humanité a disparu. Ces hommes se raccrochent au peu qui leur permet encore de se considérer comme humain dans cet univers à la fois clos et absurde.

Ce texte dense aura une portée symbolique très importante dans tout le monde occidental des années 60.

Même 50 ans plus tard, même si le contexte géopolitique est complétement changé, la lecture de ce roman est riche d'enseignement pour tout un chacun.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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