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sur 4723 notes
Un monument de la BD …
Une BD incontournable …
J'ai beaucoup tourné autour sans arriver à me décider …
Une mise en avant à la médiathèque m'a aidé à me décider.
Il faut s'habituer à la narration en deux temps …
Il y a la vie d'avant, celle du père qui raconte l'histoire de la persécution des juifs polonais et celle de nos jours qui raconte la culpabilité d'un fils devant l'oeuvre qu'il a choisi d'accomplir … Raconter ce qu'a vécu des millions de personnes, persécutées au nom de leur religion.
Il est juste question de relater des faits entre le milieu des années trente jusqu'aux années 1980.
Le dessin est un support des textes, qui essaient de nous narrer l'histoire d'une famille bourgeoise confrontée à l'horreur nazie.
Le choix de représenter les nationalités par des animaux différents est troublant.
George Orwell a réussi dans « la ferme des animaux », publié à l'origine en 1945, l'exploit de relater l'avenir de l'humanité en se servant avec brio de cette technique, mais c'est alors un roman qui avec des mots laissent la place aux sentiments.
La transposition en roman graphique de « maus », publié à partir de 1972 (1), en copiant cette même technique m'a gênée.
Comment distinguer le rire, la douleur dans l'expression d'une souris ?
Il m'insupporte de voir réduire un peuple à une représentation graphique … toutes les souris, tous les chiens et tous les chats ne se comportent pas de la même façon, cela m'a semblé réducteur et trompeur.
Toutefois je reconnais qu'une fois passée cette réserve, je me suis laissée prendre par la narration et les détails des relations familiales père-fils m'ont semblé très réalistes et surtout sans cliché réducteur avec la fausse compassion, l'attachement simulé aux liens familiaux … une victime de la folie meurtrières des nazis n'est pas forcément quelqu'un auquel il est permis toutes les outrances sexistes ou racistes … un fils n'a pas à faire semblant de ressentir de l'attachement inconditionnel envers un proche.
Une belle lecture qui mérite le succès international qu'elle a suscité.

(1)
Après une première esquisse de trois planches dans Funny Aminals (sic) en 1972, la version développée de Maus paraît sous forme de série entre 1980 et 1991 dans RAW, revue avant-gardiste de comics et d'illustration dirigée par Art Spiegelman et sa femme Françoise Mouly. Par la suite, les chapitres rassemblés ont été publiés en deux tomes en 1986 et 1991 ; en anglais chez l'éditeur Pantheon Books puis en français par Flammarion.
L'oeuvre a été saluée par la critique aux États-Unis et à l'étranger. Elle a reçu plusieurs récompenses culturelles, dont un prix Pulitzer spécial en 1992, évènement sans précédent pour une bande dessinée. Des dessins originaux sont exposés dans divers musées du monde et le livre a été traduit en trente langues. L'édition en français est préfacée par Marek Halter. Maus est aussi l'un des premiers romans graphiques qui retiennent l'attention des universitaires anglophones.
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Étant en histoire, je ne pouvais pas passer à côté du chef-d'oeuvre du genre (n'ayons pas peur des mots). En effet, cette BD est culte à bien des égards.

Tout d'abord, je pense qu'il est important de souligner son ancienneté, qui permet de bien cerner cette oeuvre dans l'histoire des mentalités (elle apparue juste avant les grandes recherches et théories sur les camps et les survivants ... drôle de coïncidence non ?). Et puis surtout, elle fait partie des anciennes BD, celles qui ont ouvert les portes à plein d'autres choses.

En second lieu, ce qui frappe beaucoup de monde dans cette BD, c'est le dessin (bien que je n'ai pas spécialement été choqué par ça). Minimaliste, en noir et blanc, animalier, "simple". Un dessin qui sert son histoire, mais j'y reviens juste après. Ce qui est "amusant", c'est aussi cette distinction entre chaque pays et entre les juifs, avec plusieurs sortes d'animaux. Mais en fait on rentre très vite dedans, le dessin ne gênant plus à partir de deux pages. Et certaines planches sont véritablement belle (si !).

Mais surtout, la grande force de Maus, son excellence, c'est ce scénario à deux facettes, cette histoire double d'un père et de son fils, d'une opposition constante dans le présent ramenée à une relation beaucoup plus calme et simple dans le récit du passé.
Les deux livres sont découpés en plusieurs chapitres, avec un nouveau chapitre de l'histoire du père intercalée entre deux tranches du présent. du coup, on se sent comme Art Spiegelman, comme si on le suivait dans sa recherche historique du passé. On est avec lui dans la vie, et comme lui on écoute parler ce père marqué à vie par l'épisode de sa vie qu'il conte. Car il ne raconte pas, il conte véritablement. On est entrainé dans une histoire tellement prenante qu'il est quasiment impossible de décrocher dès que l'on rentre dedans.

Analyser Maus est quelque chose d'énorme, dans lequel je n'aurais pas la prétention de me lancer. Mais cette oeuvre touche tout public, par son message, par son humanité et sa dés-humanité, par ces deux histoires à la fois triste et pourtant terriblement vraie.

Maus est bien plus qu'un simple témoignage sur les camps. C'est un témoignage sur l'humain, sur son horreur, sur ses faiblesses et ses forces, sur sa partie la plus sombre et parfois aussi la plus belle. Sur nos actes et leurs conséquences funestes, parfois bien plus loin qu'on ne le pense.

Cette BD est à mon avis un indispensable sur n'importe quelle étagère d'un lecteur, même occasionnel. Il est presque impossible de passer outre.
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Ce livre est plutôt ancien et pourtant il est ramené sur le devant de la scène éducative par la décision de certains conseils d'école ou autres autorités éducatives, locales jusqu'à présent, d'interdire ce livre dans les bibliothèques des lycées. Cette décision est une censure typique dans le pays qui prétend être le champion de la démocratie et de la liberté d'expression. Qu'est-ce que la liberté d'expression si la liberté de distribuer ce qui a été librement produit est niée ou du moins limitée ?

Mais qu'y a-t-il de si brûlant dans ce livre pour que certaines associations de parents d'élèves (PTA) déterrent leurs tomahawks ou leurs hachettes et se lancent sur le sentier de la guerre contre ce livre, qui date de plusieurs décennies et n'avait jamais été confronté à une telle étroitesse d'esprit, car la censure est toujours une étroitesse-très-étroite d'esprit.

Le livre est l'histoire d'une famille juive de Pologne confrontée à la fin des années 30 et pendant la Seconde Guerre mondiale à la solution finale, le génocide des Juifs d'Europe sous la responsabilité d'Hitler, mais pas seulement Hitler, loin de là, car après la guerre, dans la Pologne moderne, les Polonais considéraient que la présence des Juifs avait été résolue par cette solution finale. Très peu de personnes (pas seulement les Juifs, mais aussi les Tziganes, les activistes politiques, les chrétiens, les homosexuels et les lesbiennes, et bien sûr toutes sortes de personnes handicapées et de "cas" psychologiques) ont survécu à leurs involontaires camp de travail final, séance de douche, expérience de laboratoire, ainsi qu'à la famine, ou simplement aux balles ou aux coups qui les menaient directement aux "fours", où ils étaient rôtis et incinérés, certains pas nécessairement complètement morts (avaient-ils le temps d'attendre ou la brutalité nécessaire pour le coup de grâce) en cendres dispersées ensuite dans les vastes plaines autour d'Auschwitz et de Birkenau.

En suivant la trajectoire de deux survivants, mariés avant la déportation et qui, par pure chance, ont réussi à survivre séparément et à se retrouver après la guerre pour une seconde lune de miel qui donnera naissance à un second fils, le premier ayant disparu dans la procédure et le calvaire de la déportation. Et c'est ce deuxième fils de leur deuxième chance qui a recueilli ce qu'il a pu de la mémoire de son père, sa mère étant morte bien avant, et il nous raconte cette vieille histoire qu'il encadre systématiquement dans le temps présent où il interroge son père et suit son dernier délitement dans la mort.

Le plus intéressant est la description de ce que nous appelons aujourd'hui le PTSS (Syndrome de Stress Post traumatique). le père est absolument et entièrement dominé et contrôlé par ce stress post-traumatique historique hérité de sa propre mémoire et de l'ensemble de son système nerveux central, cerveau, esprit et âme, comme quelque chose qu'il ne peut plus éluder et qu'il essaie de transmettre à son propre fils, ce qui rend la vision du monde de son fils légèrement difficile parce que quelque part, un syndrome de stress post-traumatique historique aussi profond peut être transmis d'une génération à l'autre et sur six ou dix générations, selon la longueur et la profondeur de l'expérience historique qui a conduit à ce stress post-traumatique. Pensez à l'esclavage aux États-Unis et au fait que les Noirs afro-américains souffrent toujours du stress post-traumatique qui en découle et de la ségrégation instaurée par les Américains blancs de race blanche à l'encontre de toutes les minorités non caucasiennes qui deviennent majoritaires lorsqu'elles sont unies à la minorité progressiste des Américains blancs.

Ce livre est donc l'histoire, et c'est la seule façon pour la plupart des adolescents américains de connaître cette période de cette triste histoire, car très peu d'Américains auront l'occasion de visiter Auschwitz, Buchenwald, Birkenau, Ravensbrück, Dachau, et bien d'autres qui sont encore debout, du moins en partie, comme mémoriaux, monuments et musées.

Honte à ceux qui veulent effacer cette histoire pour des raisons purement raciales et idéologiques en essayant simplement de l'éliminer de la mémoire collective. Ce que ces Américains ne comprennent pas, c'est que de telles attitudes sont le signe évident que les États-Unis ne sont plus le phare moral qu'ils prétendent être, c'est-à-dire la seule nation n° 1 qui mène le monde dans la direction de la liberté, de la vérité et des croyances humanistes. Il est grand temps que le monde tourne cette page de négationnisme. Il est vrai que cela sera plus dur que difficile, surtout avec la situation désolante qui se développe, qui pourrit lentement en Ukraine après la situation insensée qui s'est développée en Serbie et autour de la Serbie dans les années 1990, qui a été la première guerre en Europe après la Seconde Guerre mondiale. L'Ukraine n'est pas la première, mais la deuxième. La guerre en ex-Yougoslavie a été menée par l'OTAN et entre autres par un ministre français, Kouchner. Je négligerai les troubles en Géorgie, lorsqu'un président géorgien a tenté de s'emparer de la moitié russe de l'Ossétie, et, bien sûr, la guerre contre les terroristes islamistes de Tchétchénie. Et nous, en France, nous nous souvenons des cinq ou six années de la guerre d'Algérie où le FLN et l'OAS posaient des bombes en France et où l'armée française en Algérie a failli envahir la France si les appelés sur les aéroports ne s'étaient pas mis en grève, refusant de remplir les réservoirs des avions qui devaient atterrir, entre autres, à Mérignac, à côté de Bordeaux en 1961.

Docteur Jacques COULARDEAU


ENGLISH VERSION

This book is rather old and yet it is brought back to the limelight of the educational stage by the decision of some school councils or other educational authorities, local so far, to ban the book from high school libraries. That decision is typical censorship in the country that pretends they are the champions of democracy and freedom of expression. What is freedom of expression if the freedom to circulate what has been freely produced is negated or at least limited?

But what is so fiery about this book that some Parent Teacher Associations (PTAs) collect their tomahawks or hatchets and get on the warpath against this book, which is decades old and had never been confronted with such narrow-mindedness because censorship is always narrow-very-narrow-mindedness.

The book is the story of a Jewish family from Poland confronted in the late 1930s and during the Second World War with the final solution, the genocide of the Jews in Europe under the responsibility of Hitler, but not only Hitler far from it, because after the war, in modern Poland, the Poles considered the presence of Jews had been solved by this final solution. Very few people (not only Jews, but also gypsies, political activists, Christians, gay and lesbian people, and of course all sorts of handicapped people and psychological “cases”) survived their involuntary final workcamp, shower session, laboratory experiment, and starvation, or simply bullets or beatings leading directly to the “ovens,” where they were roast-cremated into ashes scattered then over the vast plains around Auschwitz and Birkenau.

By following the trajectory of two survivors, married before deportation and who, out of pure luck, managed to survive separately and to be reunited after the war for a second honeymoon that will lead to a second son, the first one having disappeared into the deportation procedure and ordeal. And it is this second son of their second chance who collected what he could from the memory of his father, his mother having died quite sometime before, and he is telling us this old story he systematically frames into the present time when he is questioning his father and following his slow decay into death.

What is most interesting is the description of what we call today PTSS. The father is absolutely and entirely dominated and controlled by this historical PTSS inherited in his own memory and full central nervous system, brain, mind, and spirit, as something he cannot evade anymore and he is trying to pass to his own son, which makes his son's vision of the world slightly difficult because somewhere such deep historical PTSS can be passed from one generation onto the next and over six or ten generations, according to the length and depth of the historical experience that led to this PTSS. Think of slavery in the USA and the fact Black African Americans are still suffering from both the PTSS that came from it and the segregation that was instated by the white Caucasian Americans against all non-Caucasians minorities that are becoming the majority when united with the minority progressive white Americans.

This book is thus history, and it is the only way most American teenagers can know about this period of sad history because very few Americans will have the opportunity to visit Auschwitz, Buchenwald, Birkenau, Ravensbrück, Dachau, and quite a few more that are still standing, at least partly, as memorials, and monuments, and museums.

Shame on those who want to erase this history for purely racial and ideological reasons by just trying to eliminate it from collective memory. What these Americans do not understand is the fact that such attitudes are the obvious sign the USA is no longer the moral beacon they pretend to be, hence the only #1 nation leading the world in the direction of freedom, truth, and humane beliefs. It is high time the world turns this page of negationism. True enough, that will be more difficult than hard, especially with the sorry situation that has been developing, slowly rotting away in Ukraine after the foolish situation that developed in Serbia and around Serbia in the 1990s, which was the first war in Europe after the Second World War. Ukraine is not the first one but the second. The war in ex-Yugoslavia was led by NATO and among others a French minister, Kouchner. I will overlook the troubles in Georgia when a Georgian president tried to capture the Russian half of Ossetia, and, of course, the war against the Islamic terrorists of Chechnya. And we, in France, remember the five or six years of the war in Algeria when FLN and OAS had bombs in France and the French army in Algeria nearly invaded France if the draftees on the airports had not gone on a strike, refusing to fill the tanks of the planes that were supposed to land, among other places, in Mérignac, next to Bordeaux in 1961.

Dr. Jacques COULARDEAU

Lien : https://jacquescoulardeau.me..
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Prière pour les souris.

J'ai onze ans, peut-être douze, le CDI de mon collège est déjà un refuge pour échapper au brouhaha de la cour de récréation. Parmi les rayonnages de livres et de BD que je commence à connaître par coeur, je suis intrigué par une BD en deux volumes qui représente sur sa couverture deux souris anthropomorphes surplombés par un drapeau nazi menaçant. le titre ne me dit rien, Maus, ça veut dire quoi Maus ? se demande l'adolescent inculte que je suis. Je ne le sais pas encore mais mon âme d'enfant va disparaître ce jour-là.

Jusqu'ici l'Holocauste était pour moi une page sombre de notre histoire. Cela évoquait en moi une longue procession de victimes anonymes en noir et blanc, marchant vers la mort. Une page lointaine de l'histoire qui ne me concerne pas. Maus va tout changer, tout anéantir et tout reconstruire.

Soudainement les victimes ont un visage, un corps, une personnalité, une âme et un coeur. Ce ne sont plus des silhouettes squelettiques aperçues lors des reportages télévisuels mais des êtres vivants dont le témoignage me soulève le coeur au plus fort d'une tempête émotionnelle sans nom, dont les destins m'écorchent le coeur aux lames de l'Histoire. Mes joues ne sont pas réchauffées par les rayons du soleil, ce jour-là, mais par le sel de mes larmes.

Aujourd'hui ce chef-d'oeuvre fait de nouveau parler de lui suite à la campagne de pudibonderie dont seuls les États-Unis savent nous régaler. Résultat, on n'a jamais autant parlé de cette pierre importante de l'édifice mémoriel. Et de me dire que, peut-être un élève curieux n'aura jamais l'occasion de porter les yeux sur cet ouvrage parce qu'un adulte, qui se croit bienveillant, en a décidé autrement.

Alors j'ai décidé de témoigner moi aussi. À ma petite échelle, sur ce que ce récit m'a apporté, sur l'adulte qu'il a contribué à ce que je devienne. Je voudrais que mon petit statut d'amoureux des livres serve, à travers ce post, à rappeler combien il est important de se remémorer ces ténèbres qui ont hanté le monde.

Alors souvenez-vous.
Lien : https://culturevsnews.com/
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Maus c'est l'histoire de Vladek Spiegelman, polonais, juif et survivant d'Auschwitz. Maus c'est aussi l'histoire de son fils, de ses difficiles relations avec un père qu'il a du mal à comprendre. Maus c'est avant tout une page d'histoire pour mieux comprendre l'Holocauste.


Raconter cette partie de la 2e guerre mondiale en BD (pardon en roman graphique...) était délicat. La raconter en représentant les juifs comme des souris face aux chats allemands, audacieux. Et pourtant le tout fonctionne parfaitement. On se retrouve totalement happé dans ce récit qui laisse apercevoir toute l'horreur de cette période sombre. On y découvre les combines pour survivre, les aides et les trahisons, les déplacements incessants en quête d'un semblant de sécurité, les séparations avec les proches, ceux que l'on ne reverra jamais, souvent, ceux que l'on finira par retrouver, plus rarement.

Mais par delà un récit maintes fois exploité sous diverses formes, se pose aussi la question des descendants. Comment comprendre ce passé pesant et traumatisant de ses parents, comment surtout vivre sa vie dans l'ombre de fantômes que l'on n'a jamais connu. Art Spiegelman s'est ainsi attaché à ne pas seulement se contenter des faits historiques sous la forme des souvenirs de son père mais aussi d'en montrer les conséquences bien après la fin de la guerre.


En cela, Maus est une oeuvre essentielle à découvrir. Le dessin en noir et blanc y apporte une sobriété, une justesse dans un récit émouvant et édifiant. Je n'aurais finalement qu'un seul regret en refermant cet ouvrage, la fin trop abrupte à mon goût qui me laisse un sentiment d'inachevé dans la réflexion et la démarche de l'auteur.
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En lisant (enfin) cette oeuvre, j'ai compris pourquoi c'était un best-seller.

Inclure l'interview dans l'histoire pour bien ancrer le côté réel de la chose, également pour ramener le choc encore dans le présent pour les survivants et leurs enfants, c'est original et cela rend le témoignage encore plus poignant, encore plus réel.

Comme souvent avec les témoignages de la Seconde Guerre Mondiale, il est difficile d'imaginer que cela est vrai, que cela a pu arriver à un seul homme, tant les rebondissement sont nombreux, la chance souvent présente.

L'omniprésence du "on savait tous ce qui se passait" est un témoignage fort pour contredire ceux de l'autre camp, qui disait ne pas savoir.

L'image elle-même est vraiment bien choisie : la symbolique des animaux, la noirceur des pages, le style aussi...

Un vrai coup de coeur !
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Alors que je viens de relire pour la deuxième fois cette intégrale, je me demande encore par quel biais vous en parler, tellement cet ouvrage est riche.

Je me lance.

Je dirais, tout d'abord, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, que cette création a fait date tant dans le monde très vaste des auteurs de bandes dessinées dans un sens large, qu'au niveau des ouvrages parlant de la Shoah.

Ce qui m'a frappée- après avoir digéré le magma d'émotions qui s'est formé en moi durant toute la lecture et j'y reviendrai- ce qui m'a frappé donc, en premier lieu, est la dimension autobiographique de l'oeuvre. En effet, on y découvre au gré des visites de Art Spiegelman chez son père plusieurs mois durant, les prémisses de ce que nous sommes en train de lire. C'est assez unique en littérature, il me semble. de plus, on voit dans le dialogue qui s'instaure entre le père et le fils évoluer leur relation de manière plutôt chaotique, tant le portrait dressé de son propre père est sans complaisance. Je peux même affirmer qu'à certains moments certaines manies du père me l'ont rendu antipathique alors qu'à d'autre moment je l'ai trouvé attachant. J'avoue être admirative de cette prouesse littéraire ; Art Spiegelman nous parle de son père, de tout son parcours de juif persécuté avant et pendant la Seconde Guerre mondiale et aurait pu succombé à la tentation d'en faire un héros et/ou un martyre (d'ailleurs le père va parfois sur ce terrain-là, mais le fils ne l'y suit pas).
Par ailleurs, Maus est , je me répète, une manière unique de parler de la Shoah à travers l'itinéraire d'un homme, survivant des camps de la mort. En outre, la description de sa vie après guerre, de ses difficultés de vivre pleinement dans son nouveau pays, les Etats-Unis, nous montre en filigrane les cicatrices (au propre comme au figuré) plus ou moins refermées laissées par toute la barbarie que ce survivant-là a dû endurer, traverser et "digérer", pour pouvoir se reconstruire une vie après.
L'auteur-et- fils utilise même des détails du quotidien pour nous faire prendre conscience de l'impact de la déportation des années plus tard. En effet, le père, bien que relativement aisé, ne cesse de se soucier de collecter des petits objets, des petites choses qui pourraient servir, tant ces "bidules-là" ("bidules" vu de notre point de vue) pouvaient améliorer au plus au point le nécessaire dans son quotidien dans les camps.
En clair, le portrait de ce père, revenu des camps de la mort, m'a non seulement émue par la relation précise et détaillée de sa vie dans ces tristes lieux, mais il m'a dérangé, tout simplement parce que je crois qu'il est juste et que le fils (Art Spiegelman) n'a fait que le dépeindre tel qu'il était avec un caractère forgé pars son histoire et par L Histoire. C'est pourquoi j'utilisais à dessein plus haut l'expression "magma" car je ne peux qu'admirer et respecter infiniment cet homme (tout de même pas comme les autres) et à certain moment il m'agace. Même si je sais d'où peuvent venir sa personnalité et ses grands travers, je ne peux m'empêcher d'être irritée et je m'en veux.
Qu'un auteur parlant de son père, de son itinéraire quel qu'il fusse arrive à faire naître cet enchevêtrement d'émotions, est à mon avis un coup de maître.
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C'est en dessinant des chats et des souris qu'Art Spiegelman a choisi de raconter l'histoire de son père, survivant de la Shoah. La perspective utilisée dans Maus est donc différente des témoignages plus "traditionnels" puisque l'histoire des camps de concentration est racontée du point de vue de la génération suivante : celle des enfants des survivants de la Shoah, nés après la guerre. La bande-dessinée d'Art Spiegelman est d'autant plus émouvante qu'on y sent toute l'incompréhension de ceux qui ne l'ont pas vécu. Sans pudeur, sans euphémisme, le dessinateur nous raconte l'histoire des camps pour mieux nous faire comprendre quelles conséquences ils ont eu sur les générations suivantes et comment les survivants se sont reconstruits après ça.

Le regard d'Art sur son père est très ambigu, il ne sait pas que penser ni comment juger cet homme qui n'est plus seulement son père mais aussi quasiment une figure historique. En tant que fils, il regrette son avarice et a honte de certains de ses comportements ; en tant que fils de survivant, il culpabilise de lui en vouloir, a lui-même honte de ne pas l'avoir vécu. Les thèmes abordés dans cette bande-dessinée sont incroyablement riches : si la condition de déporté apparaît au premier plan de l'histoire, c'est aussi toute la problématique de la mémoire, du souvenir, de la façon dont il faut en parler (dessiner des animaux ? pourquoi choisir le format de la bande-dessinée ?) qui sont décrits ici. Finalement, ce qui m'a profondément touchée dans cette bande-dessinée, c'est de voir l'auteur essayer de renouer avec son père, de se rapprocher de lui de manière intime - de retrouver son noyau familial par le biais de l'Histoire collective. Une histoire personnelle à la résonance particulièrement universelle. D'une justesse et d'une émotion incroyables.
Lien : http://ulostcontrol.blogspot..
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Maus est une bande dessinée est originale à plus d'un titre.
Les dessins sont en noir et blanc. Sans être particulièrement beau, le trait a toutefois le mérite de nous plonger dans le quotidien des camps de concentration nazis en nous faisant vivre l'expérience de l'intérieur.

L'aspect autobiographique permet au lecteur de s'identifier aux personnages principaux, une famille ordinaire dont l'existence va basculer en très peu de temps. Art Spiegelman se met lui-même en scène dans ses discussions avec son père, l'interrogeant sur la vie dans les ghettos polonais et expliquant le processus de création artistique.

Oscillant en permanence entre passé et présent, entre espoir et découragement, le lecteur assiste aux déportations successives et aux persécutions des juifs. Il partage le quotidien des protagonistes, la hantise de se faire prendre, le manque de nourriture et d'hygiène, le froid, les kapos qu'il faut payer pour obtenir une protection…

Une des particularités de cette bande dessinée réside dans le fait que tous les personnages humains sont représentés par des animaux. Ainsi, les juifs sont figurés par des souris (maus en allemand), tandis que les allemands sont symbolisés par des chats (qui chassent les souris). le choix des animaux est loin d'être anodin et fait référence aux stéréotypes circulant sur les différentes nationalités (« les français sont des mangeurs de grenouilles ») ou le comportement d'un peuple donné vis-à-vis des juifs (les polonais sont dessinés en cochons). Si les livres illustrés pour enfants attribuent fréquemment des caractéristiques animales aux objets, c'est la première fois que je lis une bande dessinée pour adultes qui se base sur le zoomorphisme. Et si cela peut étonner le lecteur, ce type de dessins n'entrave en rien la compréhension de l'histoire et l'empathie que l'on ressent vis-à-vis des protagonistes.

Une bande dessinée culte, étonnante et interpellante. A lire.
Lien : http://carnetdelecture.skyne..
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Presque 20 ans après ma première lecture de Maus, je tombe sur un exemplaire solitaire dans une librairie anglaise (dont les rayons BD sont essentiellement peuplés de personnages ayant un faible pour les costumes en lycra).
Je craignais ne pas être aussi émue et absorbée par l'hommage de Spiegelman à son père (et sa mère), témoignage personnel de sa (leur) vie de l'Holocauste.
Pas de déception. Mais un après-midi pluvieux entre sourire, larmes et sentiment d'horreur.
Incontournable.
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