Couleur de temps
Ta m'attends près de la fenêtre,
dans un pays crépusculaire ;
et j'ai rêvé que tes yeux clairs
s'inclinaient sur mon âme en fête !
Mon cœur n'a pas ce qu'il désire.,.
L'heure est douce. Quand partons-nous ?
J'ai rêvé que ton cœur soupire,
et je sais que tes bras sont doux.
Fleuri d'espoir et de légende,
le vent gonfle mon manteau bleu.
Je m'en irai, de lieu en lieu,
par tous les pays où l'on chante !
Jusqu'au soir où tes yeux d'amour
me feront signe à la fenêtre...
J'ai rêvé que le temps est court,
et que ton rêve est las peut-être.
Tes chansons brèves, tour à tour
de paix, d'espérance et de peine,
vont, se rythmant, jour après jour,
au gré du destin qui te mène.
Ta les écoutes sourdre en toi,
lentes, sans but et spontanées ;
et l'instant s'attarde parfois
parmi leurs plaintes alternées.
Elles sont l'aspect qui va fuir
ou l'illusion qui t'effleure,
et s'animent, pour ton plaisir,
selon le ciel et selon l'heure.
Et si jamais, tendant les bras,
tu vois ton passé disparaître,
leur cadence, un soir,
te rendra le frisson qui les a fait naître
Si j'étais poète, soudain,
comme Paul Fort ou Francis Jammes,
aurais-je, un soir, assez de larmes
pour louer Dieu de mon destin ?
Fou de joie et d'impatience,
je bondirais, libre, indompté,
comme un enfant vers la clarté
du tout premier jour des vacances !
Puis je m'apaiserais, sentant
s'ordonner dans mon âme claire
du plaisir, pour ma vie entière,
et du bonheur jusqu'à cent ans !
Et toi, que les vers font sourire,
hélas, et bâiller, tour à tour,
que penserais-tu, mon amour,
de me voir heureux sans rien dire ?