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sur 719 notes
Je sors glacée de cette lecture.
Pour son premier roman, Sébastien Spitzer frappe incroyablement fort. Dans un style épuré et élégant, il raconte l'irracontable.
C'est d'abord la vie de Magda Goebbels, terrée dans son bunker et sur le point d'assassiner ses 6 enfants, alors que le IIIème Reich s'effondre et que les déportés avancent comme des fantômes dans les Marches la Mort.
C'est aussi la (sur)vie de quelques uns de ces déportés, hagards et ivres d'air pur sur ces routes écrasées de soleil, et parmi eux, une femme et une fillette qui se murmurent des poèmes de Yeats.
Mais à travers elles, Spitzer relate surtout la lutte entre ceux qui veulent effacer L Histoire (les nazis qui s'efforcent de faire disparaître toute trace de ce qui fut), et ceux qui veulent la préserver (les détenus des camps qui s'efforcent de la fixer sur des papiers de misère) -sans compter les reporters de guerre qui cherchent à l'exploiter.
J'ai été happée par ce récit, incapable de m'en détacher. Tout contribue à en faire une oeuvre hallucinante : le style, la recherche historique, le talent romanesque de l'auteur. Et je regrette que ma chronique ne soit pas à la hauteur de ce livre -mais je ne peux pas faire mieux ! Alors n'hésitez pas à vous y engloutir vous-mêmes, ça se lit très facilement. Toutefois, vous n'en sortirez pas indemnes ; ce n'est pas un roman que l'on oublie.

Et je remercie chaleureusement Afleurdelivres de m'avoir tant donné envie de le lire.
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Sur les routes des territoires de l'Est, une colonne de prisonniers des camps de la mort entame une marche funèbre orchestrée de silences funestes, victimes d'atroces souffrances, et la mort en chemin rôde ; seuls quelques rescapés survivent de l'enfer, le moral en lambeaux ; des ombres fantomatiques à peine debout.

Un rouleau de cuir contenant plusieurs lettres - parmi elles celles d'un père à sa fille - passe de mains en mains parmi ces survivants, lettres d'un homme mort dans un camp, Richard Friedländer, renié par sa fille, Magda. Une enfant frêle et mutique, Ava, sera la dépositaire de ces révélations tragiques – mémoires écrites d'hommes. Ava, symbole de lutte pour la survie, un avenir.
« le Juste tombe sept fois, et il se relève, disait le grand roi Salomon (…) il n'y aura pas d'oubli ».

Berlin assiégé – le Konzerthaus « l'un des joyaux de la ville, splendeur néo-classique, foyer de l'âme de Strauss et du divin Schubert », le philarmonique donne son ultime « Crépuscule des Dieux » de Wagner achevé sous les bombardements et les dernières mesures mourantes, celles d'un prélude de la défaite ; Magda Goebbels accompagnée d'officiers, et de nombreux dignitaires nazis y assistent, vaincus, capsule de cyanure en poche.
Le "Crépuscule des Dieux" clôt en effet la longue histoire d'apocalypse où s'enchaînent évènements tragiques et machinations diaboliques, vers l'implacable fin d'un monde, annoncée dès le début de la Tétralogie.

« L'officier la salue et se dépêche de finir de perdre la guerre ». C'est le Crépuscule des Dieux avant que naisse l'aurore d'un nouveau cycle de vie.

Et Magda se souvient de sa jeunesse, elle s'enfonce dans des abîmes de souvenirs pleins d'antagonisme, hantée par les secrets. C'était il y a une dizaine d'années.
Magda est happée par les discours endiablés d'un certain Goebbels, enragé, qui visent les juifs et les communistes, qu'il accuse d'être responsables des malheurs de l'Allemagne et pourquoi pas de tous les maux de la terre également.
Son ambition sans borne la guidera. Sa soif de pouvoir dominera.
Pour accéder à la gloire, elle gravira des marches jonchées de cadavres sacrifiés qu'elle aura écrasés.

Dans le bunker, ni crépuscule ni aube, « les zombies du bunker vivent en marge du monde ».
Cette « Médée moderne » fidèle au Führer jusque dans la mort, fera le sacrifice ultime après avoir empoisonné ses six enfants.
Sa fille lui demandant « mais toi, alors, c'est qui ton Christ ?
C'est le Reich ma chérie. le Reich a fait de nous des reines, des princes et des princesses ».

Chronique de la débâcle. IIIème Reich agonisant et démembré.
Les dernières heures de la chute du régime nazi.

Pan d'Histoire, tranches d'histoires, celles d'une femme forte et sans scrupule, « première dame du Reich » épouse du « maître à penser du Maître » ; du fanatisme d'une idéologie opium du peuple ; des souffrances à l'origine du mal et de ses terribles conséquences.
« L'esprit du Mal existe, ma fille. Il est entré dans ce camp (…) Des loups pour l'homme, comme dans le Leviathan ».

Scènes difficiles relatant l'horreur, la déshumanisation qui fit rage.
La mort qui plane, partout.
Âmes errantes et âmes damnées.

J'ai apprécié ce roman richement documenté d'un auteur que je découvre dans son premier roman fruit de recherches remarquables.
Des phrases puissantes, choquantes, et très réalistes.

"Elle vivait dans l'orage et les querelles,
Son âme avait un tel désir
De ce que la fière mort peut apporter
Qu'elle ne pouvait supporter
Le bien commun de la vie,
Mais elle vivait telle un roi
Emplissant le jour de ses noces
D'étendards et de flammes,
De trompettes et de timbales,
Et du canon impétueux
Pour congédier le temps
Et que vienne la nuit."
« QUE VIENNE LA NUIT » – W.B YEATS
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J'avais découvert il y a quelques mois la plume de Sébastien Spitzer avec le coeur battant du monde qui parlait, en substance, du fils caché de Karl Marx. J'avais beaucoup aimé et ce livre avait surtout été pour moi la découverte d'un auteur doté d'une très belle plume. J'étais donc curieuse de découvrir un autre livre de Sébastien Spitzer.

C'est très naturellement que je me suis tourné vers son premier roman, Ces rêves qu'on piétine. Comme dans le coeur battant du monde, Sébastien Spitzer part d'une réalité historique, ou du moins un fait avéré, pour ensuite dérouler son récit et en faire un roman. Et ici il s'attaque à un gros morceau puisqu'il nous narre les derniers instants du IIIème Reich par l'intermédiaire de Magda Goebbels, cependant qu'il focalise également son action sur les "marches de la mort" ou les dernières monstruosités des derniers SS. le choix de Magda Goebbels est particulièrement judicieux puisque le père adoptif de "la première dame du Reich", comme elle aime se nommer dans le roman, était juif et fut l'un des premiers déportés. Aurait-elle pu le sauver ? Là est l'une des questions en filigrane de ce roman.

J'avais déjà beaucoup aimé le coeur battant du monde, je peux dire que j'ai encore préféré celui-ci.
Peut-être parce que la période historique m'intéresse davantage.
Peut-être parce que je suis désormais familiarisée avec la plume de l'auteur.
Je ne sais pas vraiment, mais ce fut vraiment une très bonne lecture.

J'ai mis quand même environ 50 pages à rentrer dans le roman, la faute à la narration un peu déconcertante au démarrage ainsi qu'au nombre important de personnages dont certains n'auront finalement aucune destinée dans la suite du livre.
Mais une fois bien dedans, j'aurais pu le lire d'une traite. Mais... Il faut bien travailler. Il faut bien dormir. Il faut aussi sortir à la bonne station de métro (et oui j'ai bien failli la louper).

Enfin, un dernier mot sur l'écriture: quand on a affaire à un auteur qui n'écrit pas avec ses pieds, on fonce !

Lu en janvier 2021
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Une écriture un peu précieuse, trop littéraire et désincarnée m'a tenue à distance de toute émotion et même de tout intérêt pour cette histoire.

Magda Goebbels est une bourgeoise ambitieuse et fanatique. On le savait déjà puisqu'elle a assassiné ses six enfants au nom du nazisme.
Le seul intérêt réside dans l'information qu'elle eut un beau-père juif (qu'elle a renié, sans surprise), mais laquelle est accessible sur une page wikipédia.

Avec ce livre, je n'ai pas davantage compris comment elle a pu épouser l'antithèse de la race aryenne ni pu jurer fidélité au gourou Hitler jusqu'à la mort.

Et du côté juif, je regrette de dire que ce n'est rien de plus, rien de moins que du roman cherchant désespérément sa force dans les témoignages que nous avons tous déjà lus mais dont l'émotion est étouffée par les effets stylistiques, là où de vrais survivants nous percutent par leur récit cru, brut, factuel et sobre mais néanmoins imprégné d'une réalité à ce point chargée d'horreur qu'elle se suffit à elle-même.

J'ai trainé ce livre comme j'ai trainé mon ennui.
Je reconnais toutefois l'intention louable de l'auteur et tiens à préciser que ce grand succès littéraire a trouvé son public. Il faut croire simplement que je n'en fais pas partie.
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Les orgues de Staline bombardent Berlin, dans le bunker sont terrés les derniers représentants du Reich, les membres du dernier cercle, des tableaux de maîtres sont accrochés au mur de béton. Magda assiste à la dernière représentation du philharmonique, Speer distribue des capsules de poison pour eux et pour leurs proches, au cas où…

Magda est une fille naturelle élevée par des sœurs dans un pensionnat en Belgique, une petite fille qui chaque soir jure qu’elle portera des belles robes, que son mari fera la pluie et le beau temps. Trentenaire divorcée, pleine d’allant et sans contrainte, dans un meeting elle assiste à un discours enflammé de Goebbels, elle est tombe amoureuse, non pas de l’homme mais de ce qu’il incarne, devenir la première dame du Reich. Goebbels un nain à la gueule de rat qui traîne sa patte folle dans les coulisses des théâtres, dans les studios de cinéma en quête de proies pour assouvir ses vices sexuels.

Ils sont des dizaines de milliers lancés sur les routes de l’Europe, cohortes de guenilles maculées, comme eux, Aimé avance un rouleau de cuir caché dans la doublure de sa veste, il contient des lettres enroulées mémoire des camps, témoin de leurs vies effacées, des mots écrits par des dizaines de mains.

Sébastien Spitzer nous fait vivre l’intimité des dernières heures d’Hitler enfermé dans son bunker à travers le portrait d’une femme ambitieuse, mariée à Goebbels, l’âme damnée d’Hitler. Toute la famille Goebbels sert la propagande nazie et donne l’image parfaite d’un ménage modèle, avec Hitler comme bon oncle. Elle n’hésitera pas à accomplir l’impensable, empoisonner ses six enfants.

Avec une écriture réaliste et épurée il alterne la fin du Reich avec la lutte pour la survie des passeurs d’Histoire, dépositaire de la mémoire de l’horreur des camps de concentration. L’auteur dans une Postface éclaire parfaitement son récit entre fiction et réalité. Un premier roman tout à fait remarquable.

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"Ces rêves qu'on piétine" est basé sur des faits réels à la fin de la Seconde Guerre Mondiale et décrit deux parcours : celui d'Ava avec sa mère réchappée des camps de concentration et celui de Magda Goebbels dans son bunker avec Hitler. Bien sûr, ces itinérances tressées auront un point de rencontre.

On ressent le travail d'historien dans cette oeuvre mais aussi la fiction comme une valse à deux temps. D'ailleurs, dans une postface, Sébastien Spitzer explique :"J'ai valsé avec les faits, dans une danse à deux, collés, main dans la main. Flirter du mieux possible avec le vraisemblable pour imaginer le reste, tout ce que L Histoire néglige..." Dans ce premier roman, on découvre donc une autre Histoire, celle qu'un livre décide de rendre vivante, en incarnant des femmes et des hommes qui l'ont faite.

Le style est un peu déconcertant au début, avec ses mystères et ses secrets et c'est pour moi un bon signe de ne pas savoir où l'auteur veut nous emmener (je n'avais pas lu de critiques au préalable!). J'ai été ensuite pris dans les phares d'une écriture riche, au rythme saccadé, qui fonctionne de manière hypnotique.
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Débutant avec Aimé, puis Judah, Fela, Ava ensuite, dans une de ces marches de la mort qui ont suivi l'évacuation des camps de concentration par les nazis puis s'attachant à la vie de Magda, Mme Goebbels, qui vit les dernières heures du Reich dans Berlin assiégée, Ces rêves qu'on piétine m'a captivé, de la première à la dernière ligne. de plus, une postface très instructive répond à toutes les questions que je me suis posées sur la véracité des faits racontés dans ce livre.

Sébastien Spitzer, avec des phrases courtes, précises, percutantes, souvent sans verbe, colle au rythme de ses histoires parallèles, dès le début du livre. Il rappelle certes des épisodes déjà explorés dans d'autres livres ou films mais cela est rendu avec tellement de précision, de réalisme et une grande intimité avec ses personnages, que ce livre s'annonce comme une véritable sensation de la rentrée littéraire.
Tenter de comprendre cette folie meurtrière qui a embrasé le XXe siècle n'est pas chose aisée mais l'auteur a eu le courage immense, pour son premier roman, de se plonger dans les archives, dans les livres déjà publiés pour nous faire vivre les derniers moments des pires criminels que le monde ait connu. Leur passé, leur ascension, leurs bassesses, leur volonté d'extermination, rien n'est négligé.
En parallèle, Sébastien Spitzer montre toute l'horreur des camps que les nazis tentent d'effacer : « Après ces mois de détention, réduit à la plus simple expression de lui-même, il (Aimé) trouve la force de marcher encore, malgré ses semelle en loques… » Aimé ajoute : « Je souffre donc je suis. » Dans cette grange de Gardelegen où ces survivants sont enfermés, l'atrocité atteint son comble si cela était encore possible.
Avec l'histoire de Fela, l'auteur rappelle toutes ces grossesses imposées dans les camps, tous ces enfants sacrifiés et ces mères brisées. Il rend hommage à Stanislava Leszczynska, cette sage-femme incarcérée à Auschwitz qui a tout fait pour tenter de sauver quelques nouveau-nés de l'euthanasie. de plus, il n'évacue pas le comportement de certains prisonniers qui n'hésitaient pas à se mettre au service des nazis, faisant même du zèle.
Pendant ce temps, Magda vit les dernières heures du bunker alors que les troupes russes envahissent Berlin. Les principaux épisodes de sa vie défilent sans occulter ses moments de faiblesse bien cachés au peuple aveuglé par la folie du parti national-socialiste.
Richard Friedländer, son père « adoptif », est prisonnier mais elle l'a évacué de ses pensées comme Haïm Viktor Arlozoroff, son grand amour, héros du sionisme, assassiné en 1933 à Tel-Aviv. Les lettres de Friedländer, créées par l'auteur, décrivent la vie d'un Juif à Berlin dans les années 1930 et la réalité des camps, cette souffrance immense, dépassant bien le pouvoir de chaque mot et l'incompréhension de chacun.

Il faut lire Ces rêves qu'on piétine pour ne pas oublier, pour tenter de comprendre l'inimaginable et vivre ces heures de libération tant espérées et tellement incroyables alors que tant d'enfants, de femmes et d'hommes sont morts. Lee Meyer, la photographe de guerre, inspirée de Lee Miller, Gary, au volant de sa jeep, et Ava sont là pour témoigner, lutter contre l'oubli de tant de vies détruites.




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Je n'avais pas du tout prévu de lire ce roman mais de passage à ma médiathèque il était exposé avec d'autres nouveautés de la rentrée littéraire. Il a eu d'excellentes critiques et après avoir lu la quatrième de couverture, je n'ai pas résisté à la tentation.

L'auteur se glisse dans la peau de Magda Goebels et imagine ses derniers jours dans le bunker avant l'issue que tout le monde connaît. Il revient sur son enfance, sa jeunesse et sa gloire en tant que première dame du Reich comme s'il cherchait dans son passé l'origine de ses actes. le passé d'une mère qui empoisonne ses six enfants avant de se donner la mort et d'une fille qui laisse mourir son beau-père dans un camp de concentration.

Ce roman n'est pas que l'histoire de Magda Goebels, c'est aussi celle des marches de la mort, de tous ces prisonniers des camps évacués de force devant l'avancée de l'armée russe. On fait connaissance avec Judah, un jeune hongrois, Fela, une jeune polonaise et sa petite fille Ava. Tous les trois échappent au massacre de Gardelegen où plus de 1000 rescapés des camps sont brûlés vifs dans une grange. J'ignorais cette terrible histoire à laquelle le roman fait écho, tout comme l'existence du block A 24 à Auschwitz, la baraque des prostituées de force et le courage d'une sage-femme, Stanisława Leszczyńska, qui a pu éviter la mort à de nombreux bébés, nés dans le camp.

Ces deux récits sont entrecoupés de lettres d'un père à sa fille qui lui raconte son terrible quotidien en captivité et qui ne comprend pas son silence.

Un peu sceptique au début, surtout à cause de l'écriture un peu hachée et de ses phrases courtes, mon intérêt grandissait au fil des pages. L'histoire des rescapés des camps est bouleversante, la petite Ava qui découvre la vie en liberté est très attachante. le roman est une fiction vraisemblable à partir de faits historiques avérés et l'angle choisi par l'auteur pour raconter ces événements est très original. Au final, une belle découverte.
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Un livre sur la barbarie nazie de plus. le texte est consciencieusement écrit, l'auteur nous précisant en postface ses recherches et ce qu'il a du inventer. Malheureusement, rien de bien nouveau. Les exactions des nazis sont traitées très classiquement, comme une litanie d'horreurs, et la vie de Magda Goebbels ne présente pas un grand intérêt. Même sa distribution de cyanure à ses enfants dans le bunker ne parvient pas à lui donner de véritable consistance. L'écriture est correcte mais les personnages et l'analyse sont trop peu travaillés à mon goût. En conclusion, je suis plutôt déçu de ce livre pourtant si bien noté.
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"Reste la nuit. Epaisse. Lourde. Vide à tous ceux qui ont peur, à ceux qui se désespèrent, se trompent. Cette nuit est aussi pleine que les autres. Féconde. Mystérieuse. Imprévisible. Elle s'est insinuée de l'autre côté des murs. L'heure des souffles de vie. L'heure des silences".

Voilà. C'est de cette plume envoûtante que bruisse le petit monde de la blogosphère depuis cet été. Depuis que certains privilégiés (dont je fais partie) ont eu l'immense plaisir de découvrir en avant-première le roman de Sébastien Spitzer. Un premier roman faisant partie de la première Rentrée Littéraire des nouvelles Editions de L'Observatoire. Joli coup !

Cette plume, l'auteur la met au service d'une histoire terrible, dans un contexte que nous n'avons malheureusement pas fini d'explorer ou de revisiter. Stop ! Surtout ne vous dites pas "encore un livre sur la Seconde Guerre mondiale"... Il ne s'agit pas de guerre ici. Non. Ce sont des hommes dont on parle. Ceux qui malgré le fait de partager la même condition humaine se sont comportés en bourreaux monstrueux et ceux qui se sont vu dénuer le droit de rester des hommes. Voilà toute l'histoire de l'humanité, mille fois reproduite. Et les écrivains auront toujours raison de n'avoir de cesse de tenter de comprendre, de dénoncer, de témoigner.

Comment devient-on Martha Goebbels, la "première dame" du Reich, mariée à l'un des plus hauts dignitaires du régime nazi, adulée par Hitler et admirée par tout un peuple ? Comment peut-on pousser la folie jusqu'à renier son propre père, faire exécuter son ancien amant juif et finalement tuer ses enfants de sa propre main ? Au printemps 1945, alors que la défaite se précise, Hitler et ses sbires prennent leurs quartiers dans le bunker dont ils ne ressortiront pas vivants. Au même moment, quelques rescapés des camps tentent d'échapper aux dernières exactions de leurs bourreaux. Parmi eux circule de mains en mains un mystérieux rouleau de cuir abritant des centaines de feuillets de toute matière. Ce sont les témoignages des déportés dont beaucoup sont morts. Dernière détentrice du rouleau, la petite Ava parvient à rejoindre les troupes américaines... L'espoir qu'enfin, la voix des victimes parvienne aux oreilles du monde.

En suivant alternativement les progressions de Magda et d'Ava, en remontant parfois le temps pour faire apparaître les terribles contradictions et les tragiques compromissions de Magda ainsi que l'influence qu'elles ont eu sur le destin d'Ava, Sébastien Spitzer touche juste. Parmi les témoignages du rouleau de cuir se trouvent les lettres d'un certain Richard Friedländer à sa fille... Magda. Des lettres poignantes d'un homme doublement victime, renié par sa fille parce que juif et enfermé dans un camp par le régime que cette même fille a choisi d'embrasser.

On avance dans ce livre totalement happé par ce déploiement de folie humaine, à la fois révulsé, révolté et surtout impressionné par le courage, la résistance de ceux qui ont tout fait pour que cette folie soit connue, pour que la mémoire de ceux qui ont été massacrés ne soit pas oubliée. Car la lumière parvient à chasser les ténèbres. L'espoir, la rage de vivre, l'idéal de justice sont les piliers qui permettent à l'humanité de survivre. Malgré tout.

Premier roman convaincant et marquant, Ces rêves qu'on piétine va avoir un beau parcours, déjà récompensé par le Prix Stanislas et finaliste pour le Prix du Roman Fnac. Tant mieux parce qu'il y a des livres que l'ont voudrait voir entre toutes les mains. Et il en fait partie.

"La dernière chose que nous possédons, c'est notre histoire. Il y a deux mille ans, nous avons dû quitter notre terre, notre Jérusalem, nos temples, nos rois et nos armées. Nous avons été riches, pauvres, puissants, chassés et pourchassés. Nous avons construit des temples en bois, en pierre. Ils ont été brûlés. Nous en avons construit d'autres. Vous les avez fait fermer. Mais notre histoire, personne ne nous la volera. Elle est inaliénable. On essaiera de nous tuer, jusqu'au dernier. On essaiera de trahir, de falsifier, d'effacer... Mais il y aura toujours un scribe pour recopier, un homme pour lire, un écrit quelque part."
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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