Jim Starlin's Dreadstar: The Beginning

Ce tome contient les 14 chapitres de l'histoire intitulée "Metamorphosis odyssey" (initialement parus dans les numéros 1 à 9 du magazine Epic Illustrated publié par Marvel Comics en 1980/1981), le numéro spécial "The Price" (publié par Eclipse Comics), la graphic novel Marvel n° 3 intitulée "Dreadstar" (1982), et l'épilogue publié dans Epic Illustrated 12. le scénario et les illustrations ont été réalisés par Jim Starlin.

"Metamorphosis odyssey" (majoritairement en noir & blanc, avec des lavis de gris) - Aknaton est l'un des habitants de la planète Orsiros, située dans la Vie Lactée. Les habitants de sa planète ont été les témoins de la soif de conquête spatiale des Zygotéens. Leur modèle économique de développement est de se servir des ressources des planètes qu'ils colonisent pour continuer leur expansion (ils se servent des peuples colonisés comme main d'oeuvre bon marché, ils les réduisent en esclavage pour être clair). Aknaton a la lourde responsabilité de mettre en oeuvre les actions qui permettront d'anéantir les Zygotéens.

"The price" (noir & blanc, avec des lavis de gris) - Dans une autre galaxie, une guerre galactique fait rage entre le gouvernement de la Monarchie (Monarchy), et l'église de l'Instrumentalité (Instrumentality). le frère de l'évêque Darklock a été assassiné. L'évêque demande au Lord High Papal la permission de se rendre sur place. Il l'obtient et décide malgré l'interdiction d'utiliser ses pouvoirs de prêtre magicien pour venger son frère. Il y a un prix à payer.

Dreadstar (en couleurs) - Vanth Dreadstar se retrouve seul sur la planète Caldor, une planète dédiée à l'agriculture dont la production est acheminée vers les planètes de l'église de l'Instrumentalité. Il est recueilli par les autochtones, une race génétiquement modifiée correspondant à un croisement d'humain et de chat. Sur place Delilah D-50 (une scientifique humaine) l'aide à récupérer de ses blessures. Des années plus tard, un étranger atterrit sur la planète : Syzygy Darklock.

Épilogue (en noir & blanc, avec des lavis de gris) - Dreadstar et Oedi effectuent une mission sur l'une des planètes minières de l'église de l'Instrumentalité. Ils se retrouvent pris dans un éboulement, avec une poignée de civils dont une femme coincée sous un rocher.

Dans les années 1970, Jim Starlin a acquis sa renommée en développant 2 héros cosmiques de Marvel (Captain Marvel et Adam Warlock). En 1980, l'éditeur Marvel Comics s'inspire du magazine Heavy Metal (la transposition aux États-Unis du magazine français Métal Hurlant) et des Graphic Novel éditée par Eclipse Comics (des récits dont les droits d'auteur sont conservés par les créateurs). Jim Starlin profite des ces nouvelles possibilités d'édition pour sauter le pas et lancer sa propre série dont "Metamorphosis odyssey" constitue le prologue. Cette première histoire appartient au genre du Space Opera (opéra de l'espace), avec races extraterrestres (toutes de forme humanoïde), vaisseaux spatiaux, et planètes diverses et variées. Toutefois ce qui intéresse Starlin, c'est avant tout les agissements d'Aknaton pour mettre un terme à l'impérialisme destructeur des Zygotéens. le suspense repose sur la découverte de la nature de ce plan, ainsi que sur le questionnement moral qu'il suscite, et la possibilité ou non d'échapper à une forme de destin. Des années avant "Watchmen", Starlin met en scène le dilemme qui sera celui d'Adrian Veidt, avec la même ambiguïté.

"The Price" emmène le lecteur dans une autre galaxie pour découvrir un personnage sombre également placé dans une situation où il doit faire des choix cornéliens, et décider s'il accepte le destin tout tracé pour lui ou non. Sous des dehors de vengeance à base de sorcellerie dans un environnement de science fiction, Starlin évoque la question de l'intérêt personnel opposé à l'intérêt commun, des sacrifices de l'individu sur le plan matériel, mais aussi sur le plan moral. "The Price" est encore plus intense que "Metamorphosis odyssey" dans le sens où le personnage principal ne peut être rangé ni dans le camp des bons, ni dans le camp des méchants. le lecteur retrouve les récits de Starlin dans lesquels il entrelace une intrigue noire, avec une question philosophique (le changement s'accompagne toujours d'un prix à payer) rendue vivante par le récit.

Avec "Dreadstar", Starlin enfonce le clou du destin, et il développe la notion de responsabilité morale des individus non combattants en temps de guerre. S'il reprend le schéma habituel de la tragédie qui façonne le héros et lui donne sa motivation, il insère également une variation sur le thème de "à grands pouvoirs, grandes responsabilités". La deuxième partie de ce récit où Dreadstar s'attaque à la Monarchie montre que Starlin a d'autres ambitions que d'arriver à la prochaine scène de combat ; son héros emploie ses capacités à résoudre le fond du problème, plutôt que de lutter superficiellement contre le méchant du mois. Enfin Starlin utilise l'épilogue pour réaffirmer les valeurs de Vanth Dreadstar, et initier la série bimestrielle qui commencera quelques mois plus tard.

Coté illustrations, IDW (l'éditeur) s'est visiblement heurté à l'indisponibilité des planches originales. Malgré les efforts effectués (et la participation de Starlin à la restauration), quelques couleurs sont sursaturées, et il arrive que quelques contours soient un peu troubles, toutefois pas au point de gâcher le plaisir de lecture. D'un point de vue graphique, Starlin tourne le dos aux codes des comics de superhéros, pour adopter un style plutôt réaliste. Il conçoit ses différentes séquences comme des scènes de théâtre, avec des acteurs sui surjouent un peu. Il crée pour chaque personnage une apparence unique et mémorable (Dreadstar portait le hoodie 20 avant que la capuche ne devienne à la mode), avec une mention très spéciale pour Darklock. Les différents décors respirent plus la nature que les mégacités, ce qui donne une coloration écologique aux illustrations (en écho à l'un des thèmes développés dans "Metamorphosis odyssey"). Il prend soin de chorégraphier chaque combat, pour qu'il ait du sens. Par contre la conception des vaisseaux spatiaux est assez banale.

Avec ces récits, Jim Starlin invite le lecteur dans un futur de science fiction où les personnages sont pris dans le filet du destin, avec des enjeux personnels, mais aussi à l'échelle d'une galaxie, et des interrogations d'adulte face à leur système de valeurs et au sens qu'ils souhaitent (ou que d'autres souhaitent) donner à leur vie. Jim Starlin s'est émancipé du comics de superhéros pour écrire des récits personnels combinant aventure à très grand spectacle avec réflexion philosophique sur des thèmes qui lui tiennent à coeur et qui sont présents tout au long de ses récits. Les premiers épisodes de la série "Dreadstar" ont été réédités dans Dreadstar Omnibus (épisodes 1 à 12).