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4,1

sur 186 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Nul ne peut marcher sur la mer, ça se saurait sinon, et si « d'ailleurs les poissons n'ont pas de pied » c'est pour cette raison, apprenait-on dans le premier volet.
Voici donc le deuxième tome du diptyque, de cette saga familiale islandaise sur trois générations qui m'avait plongé avec délice dans la prose lyrique et poétique de cet auteur. C'était en 2015 déjà, ma mémoire bancale m'a incité à m'y replonger avant d'aborder la suite (mais ça n'est peut-être pas forcément indispensable, l'on peut lire sereinement le tome 2, les rappels y sont suffisants... enfin à mon avis).

L'on retrouve la famille d'Ari, poète de retour à Keiflavik pour se rendre au chevet de son père, après avoir quitté 2 ans plus tôt femmes et enfants pour Copenhague, et n'y avoir trouvé que regrets. Revoici ses amours, ses amis, ses emmerdes. Les souvenirs de son oncle Pordur, sa grand-mère Magret. Entre autres bien sûr, car les personnages prolifèrent. Construit comme le précédent, le récit oscille entre jadis et aujourd'hui, et se permet même des incises. Avec pour lien en guise d'héritage à ses diverses époques la gifle, monumentale gifle qu'ils se sont parfois transmise de père en fils.

Mais là n'est pas l'essentiel. le livre ne peut être résumé, tant les histoires des habitants de Keflavik se croisent et s'entre-mêlent, en plus de celles de la famille d'Ari.

Il y est aussi et surtout question d'univers, dans cette suite à « D'ailleurs les poissons n'ont pas de pied".
Quoi de mieux comme titre qu'« A la mesure de l'univers » en effet, quand avec Jon Kalman Stefansson on a cette sensation unique de basculer dans un monde si particulier, islandais, mêlant à l'humanité fjords et poésie, mers et étoiles, anges et glaciers. Une Islande où il ne neige pas comme ici ou là, où il faut s'attendre à voir dans les flocons des signaux d'un au-delà.

L'univers de ce roman n'est donc pas que terre-à-terre. Avec sa prose poétique et son lyrisme en conducteurs, il semble étirer parfois le réel vers un ailleurs, comme s'il cherchait dans les différentes époques une raison à l'humanité.

« Ari ouvre les yeux au son d'un chant qui lui semble venu de très loin. Il met longtemps à se réveiller vraiment, en tout cas, suffisamment pour distinguer le sommeil de la veille, le rêve du réel, et voilà sans doute pourquoi, l'espace de quelques instants, il pense que cette mélodie n'est pas de notre monde, il pense que cette nuit, les frontières entre les univers ont été abolies et que maintenant, les défunts chantent à son intention, si magnifiquement, pour l'aider à sortir du sommeil et l'envelopper de douceur avant que la réalité ne le percute. »

En tout cas une chose est sûre avec cet auteur, les étoiles s'allument à chaque fois que je le lis, à commencer par celles de Babélio.
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Ari a pris une chambre à l'hôtel de l'aéroport de Keflavik, dans les prochains jours il rendra visite à Jacob, son père, dont les jours sont comptés. Je retrouve le narrateur que j'avais quitté, en août 2015, après ma lecture de D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds, j'ignorais alors que c'était le premier tome d'un diptyque. Comme dans le premier livre, le narrateur n'arrête pas de me balader entre aujourd'hui, les années soixante, les années quatre-vingt et le temps jadis ; je renoue aussi avec tous les personnages de cette saga familiale.
Cette fois encore, j'ai été sous le charme de la prose poétique de Jón Kalman Stefánsson.
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Lorsque j'ai décidé de lire A la mesure de l'univers de Jon Kalman Stefansson, je ne connaissais cet auteur que par les critiques élogieuses que j 'en avais lues sur Babelio.
J'avoue que j'ai été surprise lorsque j'ai commencé la lecture du roman et qu'il m'a fallu opérer un certain lâcher-prise avant de me laisser entraîner dans l'histoire de cette saga familiale sur trois générations. Stefansson balade sa lectrice ou son lecteur à différentes époques et opère un télescopage temporel qui va de l'entre deux guerres à l'époque actuelle. Même chose pour les lieux : Reykjavik, Keflavik - petite ville où débarque le héros principal Ari sur la demande de son père mourant, Jakob - parfois aussi quelque part dans l'univers...
Pourquoi ai-je accepté aussi facilement de perdre pied et de suivre Ari dans ce retour vers ses racines familiales ?
Les raisons sont multiples. Mais la plus évidente est la force et la densité de l'écriture de Stefansson lorsqu'il évoque ses obsessions majeures.
Celle de la mort, présente dès les premières pages du livre dans une très belle scène où une petite fille demande à sa mère si ça fait mal de mourir. Difficile dans une évocation comme celle-la de ne pas tomber dans le pathos ou le mièvre. Eh bien, non, Stefansson nous offre un tableau à la fois tragique et d'une incroyable douceur.
La violence physique exercée sur les femmes, sur les enfants ou tous ceux dont le seul défaut est d'être différent, irrigue également tout le roman et scande littéralement tous les moments forts.Mais il ne s'agit jamais d'une violence gratuite ou dépeinte avec une certaine complaisance. Stefansson n'en donne pas non plus une explication simpliste. Bien sûr il fait la part belle à l'alcoolisme apparemment omniprésent en Islande, sur fond de misère sociale. Ce n'est pas la seule explication. En arrière-plan, derrière les gifles et les coups assénés aux plus faibles, se dessine l'image d'une virilité masculine abusive qui ne trouve pas d'autres moyens que cette violence incontrôlée et incontrôlable pour exprimer son désarroi ou son mal-être. Et là encore comment ne pas être profondément ému lorsque le père d'Ari, Jakob, va accepter de laisser couler des larmes salvatrices : celles qu'il n'a jamais pu verser à la mort de sa femme... et qu'il va verser dans les bras de sa dernière compagne, Anna. Un très beau moment romanesque pour la lectrice ou le lecteur qui n'en pouvait plus de la violence de cet homme tout en tensions et non-dits.
Les figures féminines sont d'ailleurs de très beaux personnages dont la fragilité et la force cohabitent dans une belle promiscuité. J'ai été vraiment touchée par Margret, la grand-mère d'Ari, une femme vibrante, courageuse mais aussi dévoreuse de vie car elle n'hésitera pas à aimer deux hommes en même temps, ce qui dans les années trente n'était pas vraiment dans les moeurs surtout pour les femmes... L'amour transgressif est très présent dans le roman et il fait un beau contraste avec l'amour mère-enfant, leit-motiv, qui revient en boucle, notamment, dans l'évocation des relations d'Ari avec sa mère, morte alors qu'il avait cinq ans. Cela donne lieu à de très beaux passages fantasmagoriques, qui, dans une sorte de ralenti, évoquent les derniers moments de complicité passés entre eux. Moments vécus ? rêvés ? fantasmés ? On ne sait pas, on perd pied mais pour mieux se retrouver dans une autre dimension : "celle où l'univers nous traverse". C'est beau, consolant, apaisant et quel merveilleux contrepoids à la noirceur et au désespoir également omniprésents.
Dernier clin d'oeil de Stefanssoon à la fin du roman : le narrateur s'en va, quitte Ari ou plutôt il disparaît sans qu'on sache là non plus s'il a vraiment existé ou s'il n'a été tout au long de l'histoire qu'un double d'Ari et non un parent comme on le pensait. Trait d'humour habilement glissé et qui laisse le lecteur sur le chemin avec ses questionnements, ses doutes et peut-être l'envie de lire la suite des aventures d'Ari ;-)
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Quel roman magnifique !

Un récit où il est question d'amour, et de mort, de musique, beaucoup, de poésie aussi, beaucoup – il faut dire que les Islandais y portent une attention toute particulière, beaucoup plus que nous, qui avons perdu de vue l'importance d'en lire. Il souffle un vent de nostalgie sur ce roman qui parle de destinées, d'enfant orphelin, de morts injustes, des étoiles la nuit, de l'alcool qui entraîne la violence et les coups parfois sur ceux ou celles qu'on aime.

On va croiser Margret et Oddur, le grand-père d'Ari, les femmes Veiga, Lilla, Sigga, mais aussi Tryggvi, et Jakob, le père d'Ari, Anna, sa dernière compagne, mais aussi Pordur, Svavar, Arni et bien d'autres.

Ari rentre en Islande pour voir son père Jakob, qui va bientôt mourir. On découvre alors Reyflavik, une ville de pécheurs, parce que pécher du poisson c'est important.
« Si nous oublions de tirer le poisson de la mer, ce poisson qui compte de plus en plus et qui, bientôt, sera plus important que l'agriculture, eh oui, qui l'eût cru, nous peinerons de plus en plus à survivre et notre rêve d'indépendance ne se réalisera pas. » pense Oddur, alors que son fils Pordur, très doué pour l'écriture, rêvasse sur le bateau où Oddur règne en maître. Et c'est le drame. « Oddur souffle. Il s'approche lentement du poisson que Pordur vient d'abîmer, l'examine, l'attrape par la nageoire caudale, puis s'avance sans hésiter vers son fils qui lève les yeux, la tête ailleurs, toujours ce sourire aux lèvres – et là, Oddur le frappe. de toutes ses forces. L'énorme poisson rebondit sur la joue de Pordur si bien que la chair de l'animal est endommagée, elle éclate, il le frappe si fort que Pordur fait tomber son crocher et manque de passer par-dessus bord. Puis, c'est le silence. »

Jon Kalman Stefansson entremêle les époques – on suit trois générations d'islandais, des Fjords de l'Est jusqu'à Reyflavik, qui va beaucoup changer elle aussi, en une sarabande qui nous fait comprendre les connections, les legs qu'une génération donne à l'autre. le destin de ceux et celles qui avaient en eux ce besoin d'écrire, très souvent contrecarré comme Pordur face à son père Oddur. Parfois on n'est perdus : dans le même chapitre sont entremêlés plusieurs époques, mais ce sont comme les maillons d'une longue chaîne qui défile sous nos yeux, une continuité de destin dans cette saga familiale qui n'en finit pas.

Il y a des personnages de femmes magnifiques. Qui rêvent, qui aiment, qui lisent et écrivent, qui bataillent dans ce pays où le vie est dure et cruelle, qui ont des enfants, les chérissent, et disparaissent parfois beaucoup trop tôt.

Et puis il y a tous ces titres de chapitres, j'aimerais tous les citer : « quel fardeau la mort est pour la vie …aussi longtemps que quelqu'un est vivant », Qu'adviendra-t-il de la justice et de la beauté si les idéaux périssent ? » « Quelque part, à proximité de l'univers », « Quelqu'un pleure et Elvis a le pouvoir d'ouvrir les coeurs » « Comment est-il possible de créer une telle quiétude » ...

Encore un mot pour signaler une originalité sur la forme : l'auteur n'est jamais loin dans ce récit. Il se glisse auprès d'Ari, nous prend par la main pour nous entraîner à sa suite, et se retire, à la fin, comme à regret. « Je vois tout cela », nous dit-il, « la pierre qui devient terreau, Ari qui se gare devant la maison où sa belle-mère vit avec Mani. Je vois tout cela tandis que je m'unis peu à peut à l'averse de neige. Et je m'unis si radicalement à elle qu'on dirait que jamais je n'ai vraiment existé. » … Comme l'auteur, on se retire sur la pointe des pieds à la fin de ces 438 pages.

Il y aurait encore tant à dire pour vous convaincre de découvrir l'écriture de Jon Kalman Stefansson. Parler de nostalgie, de personnages très loin géographiquement, mais tellement proches qu'on croit, en fermant le livre, les avoir côtoyés de près.
Magnifique, oui, vraiment.

Lien : https://versionlibreorg.blog..
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Indicible, c'est le mot qui me vient à l'esprit pour décrire mon ressenti à la lecture de ce roman. Indicible, c'est ce que je ressens au plus profond de moi.

Encore une fois Jon Kalman STEFANSSON me touche au-delà de tout.
Vous dire en quoi, est difficile à expliquer. Ce sont les mots, tout simplement, l'atmosphère... La magie a une nouvelle fois opérée. Ce livre est empreint de nostalgie, de mélancolie, mais aussi d'espoir. Les portraits des femmes sont magnifiques. C'est peut-être cela qui fait que j'aime particulièrement cet auteur.

Par petites touches, et tout au long des deux volumes STEFANSSON nous raconte ce qu'a été la vie de chacun de ses personnages. Ceux de la famille d'Ari mais également ceux qui gravitent autour d'eux, et ce, sur trois générations. Petit à petit tout prend corps, tout s'explique. L'histoire de chacun est tellement forte en émotion, qu'il n'était pas possible de tout raconter en une fois. Et le charme n'aurait pas opéré de la même façon.

Je l'ai acheté à sa sortie, mais j'attendais le moment propice pour le lire. Car un livre de Jon Kalman STEFANSSON ne se lit pas n'importe comment. Il faut le déguster, avoir le temps de se l'approprier.

J'attends la suite avec impatience ! Parce que pour moi, il doit y avoir une suite. Tout n'a pas été dit dans ce deuxième opus. Qu'en est-il des amours d'Ari et de Pora ?

Comme pour le précédent, ma critique n'est pas à la hauteur. J'aurais tellement aimé vous communiquer ce qu'il y a d'indicible et de ce que j'ai pu palper en me plongeant dans cette lecture. Vous pouvez vous référer aux citations que j'ai relevées tout au long du livre pour vous donner une idée de la dimension de ce roman.

De nouveau, une superbe traduction d'Eric BOURY.
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Car la littérature nordique, ce n'est pas que des polars…

La suite « D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds », une saga islandaise du 20e siècle.

Sur un coup de tête, Arni est parti vivre au Danemark et est devenu éditeur. Sur une lettre de son père mourant, il revient en Islande des années plus tard. Les événements se mêlent aux souvenirs de jeunesse, les amours, les amis et la société islandaise.

Un roman d'émotions et d'introspection, mieux vaut avoir lu le premier tome, car les histoires sont tout à fait imbriquées.

Une belle écriture (chapeau à la traduction), un roman intense, de plongées dans l'âme humaine et de réflexions sur le destin.
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Une formidable saga familiale, que je poursuis après la lecture du premier opus «D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds».
Aux portes d'un passé, douloureux et magique à la fois, Jon Kalman Stefánsson nous entraîne d'une époque à une autre, d'une tranche de vie à une autre, d'une ambiance joyeuse à une autre bien plus sombre, et il le fait si bien, avec tant de fluidité et de souplesse, que les pages de ce roman sont une véritable invitation au voyage.

J'ai retrouvé avec plaisir sa plume poétique et délicate et cette atmosphère si unique si intense si calme et apaisante, si troublante parfois, qui se baigne d'une si belle musicalité dans laquelle, une nouvelle fois, je me suis délectée.

Il nous parle de la vie, ses moments magiques, ceux tragiques et ceux plus joyeux, dans lesquels on s'abandonne, ses désespoirs, ses déceptions, ses amours meurtries, ses plaies ouvertes et douloureuses, et ses espoirs aussi, dont celui de trouver la bonne place dans ce monde, sa place. «Chaque homme doit trouver sa place dans la vie, faute de quoi il est malheureux. C'est douloureux de voir un être humain à la mauvaise place dans la vie.»

Les passages avec la mère du narrateur, Ari, sont empreints d'une vive émotion et m'ont emportée bien loin, dans le monde des souvenirs...

Le tourbillon de la vie par Jon Kalman Stefansson, c'est quelque chose !

Une expérience littéraire belle et intense ! À tenter...à renouveler, pour ma part ;-)

Petite anecdote, en écrivant ce billet, j'ai relu beaucoup de passages, notamment ceux qui suivent, et pour vous témoigner à quel point l'écriture de Stefánsson est un voyage, où l'on oublie le temps, rien qu'en relisant ces passages, il m'a embarquée dans son monde, à tel point, que ma fille, d'un coup de téléphone (cruel ;-) m'a rebranchée à notre terre et m'a gentiment signalé qu'elle poireautait depuis dix minutes devant le gymnase. J'en avais oublié ma fille !! C'est aussi ça l'effet Stefánsson...
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Comme pour chacun de ses livres, la lecture de Stefansson est un enchantement. Son écriture poétique décrit à la perfection l'existence laborieuse de ces habitants de l'Islande aux conditions de vie plutôt difficiles, marqués par des générations de pêcheurs, tirant leur existence de la mer, du poisson, du rêve. Des vies parfois brisées, quelques moments de douceur, de tendresse, environnés par le silence de ceux qui ne savent pas parler, par la violence parfois, la trahison, la mort d'un enfant, l'incompréhension des proches, la folie…

Deuxième volet d'un diptyque, il continue l'exploration de l'histoire d'Ari à travers plusieurs générations, mêlée à celle de l'Islande. Un combat pour l'accomplissement des individus comme d'un pays, trop longtemps dépendants, d'une langue pas assez portée par la littérature, que l'auteur défend admirablement. A travers lui les voix d'hommes et de femmes trop longtemps oubliés, des paysages sublimes bien que très austères, des vies rudes mais traversées d'émerveillement comme celui de la grand-mère Margret découvrant le ciel étoilé à travers un télescope…

Le texte nous porte, plein de ces réflexions profondes sur la vie, de ces évidences essentielles qu'on ignore alors qu'y réside la sagesse. Et alors tout s'illumine, la complexité de l'âme humaine devient fluide, les sentiments s'expriment même s'il semble être un peu tard, mais il n'est jamais trop tard tant qu'on est vivant…
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« A la mesure de l'univers » poursuit la chronique familiale débutée avec « D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds ». On y retrouve donc Ari, de retour dans sa ville natale de Keyflavik après des années passées au Danemark. Ari qui s'apprête à revoir son père mourant, qui vient de quitter sa femme et ne sait plus vraiment où il en est. Et à travers Ari on remonte l'histoire de sa famille sur trois générations, entre « aujourd'hui », « jadis » (c'est-à-dire dans l'entre-deux-guerres) et les années 80. Les chapitres alternent les époques, les lieux et les personnages, montrant chacun à un moment crucial, un moment où il va falloir faire un choix, où tricher avec soi-même ne va plus être possible.

Oddur le grand-père capitaine d'un bateau de pêche, Margret la grand-mère irrésistiblement attirée par le directeur d'école, Pordur leur fils passionné de littérature mais qui ne pourra s'extraire de sa condition de marin, Jakob, le père d'Ari qui deviendra maçon, mais aussi l'horloger Gunnar, Erin, Tryggvi, Aslaug, Svavar, Asmundur ou encore Ana. Des islandais habitués à l'âpreté et aux vents contraires qui ont plus de facilités à affronter les éléments déchaînés que leurs propres tempêtes intérieures.

Stefansson tisse sa toile, comme d'habitude brillamment mais avec moins de flamboyance que dans ses romans précédents. L'écriture est plus sèche, le lyrisme plus contenu et les aphorismes, qui étaient un peu sa marque de fabrique, quasi inexistants. Une évolution certaine et pourtant le lecteur n'y perd pas au change. Parce que ce diable d'homme sait parler comme personne de la mort, de l'amour et du temps qui passe. Et puis il lui suffit d'une scène, d'une image pour saisir la grâce d'un moment, pour faire plonger dans l'océan un ivrogne décidé à cueillir la lune, pour décrire un visage conservant malgré les années « le souvenir imprécis d'une certaine beauté » ou pour exprimer la tristesse d'une femme à l'enterrement de son mari, « cet homme taciturne, râblé, et aussi dur qu'une pierre » qui ne viendra plus poser une couverture sur ses épaules quand elle regardera les étoiles.

Du grand Stefansson, tout simplement.


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Je commencerai cette chronique par j'aime profondément l'écriture et les histoires de cet écrivain. Découvert en 2017, me semble-t-il avec La Tristesse des anges.
J'aime son écriture poétique, imagée, à la fois pure et riche, épurée et si précise, sauvage et pourtant si stylée, si ouvragée, ouverte à tous les vents, lumineuse une ligne puis sombre l'autre ligne. Je m'y sens bien. Cette écriture permet de rassembler toutes les émotions, celles du présent et aussi celles du souvenir. Oui, vraiment, je m'y sens bien. Je pourrais lire ce roman en deux jours. Non, je prends le temps car je relis les pages, par bien être.
Alors, me direz-vous, elle est bien gentille Asaï, mais ça parle de quoi ?
Justement, là ça se corse. Il s'agit ici d'une longue histoire qui s'étale dans la durée, presque un siècle, une espèce de saga revisitée. Nous suivons surtout le trajet, le destin de Ari. Qui s'est séparé de sa famille, qui a fui un milieu islandais peu propice à l'épanouissement individuel, qui avait envie d'écriture, de poésie, et qui aura à accomplir ce que des oncles, pères ou grands-pères, n'auront pas réalisé, car le poids social et culturel a trop pesé sur leurs épaules.
Le roman est très complexe à travers cette histoire familiale. C'est pourquoi il est difficile de le "résumer". le résumer ce serait le réduire à une sorte de romance. Or il est une approche philosophique de l'Islande contemporaine. En effet, une grosse partie du livre tourne autour de Kejflavik, la base américaine installée avec 5000 militaires étatsuniens pendant la guerre froide.
Les allers-retours que le livre opère selon les chapitres montrent la complexité de l'histoire islandaise.
Les rapports familiaux et autour de la transmission (notamment celle de la pêche) permettent une réflexion sur ce qu'est notre vie, notre notion du bonheur et celle de la mémoire intergénérationnelle.
C'est donc un livre d'une profondeur aussi digne, aussi sombre et tout autant lumineuse, que les plus beaux fjords d'Islande.
D'une construction complexe, néanmoins... petit crayon et petit papier pour noter au moins au début les personnages et leurs liens ne seront pas superflus.
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