J'ai enfin gravi
la montagne en sucre de Stegner.
Mes deux précédentes incursions chez l'auteur avaient été de purs moments de délice grâce à son écriture posée, d'une douceur teintée d'amertume comme la musique de la vie qu'il nous décrit si bien. J'ai immédiatement retrouvé ce plaisir mais arrivée au sommet de cette montagne de 800 pages, mon enthousiasme s'est trouvé sérieusement émoussé.
Le livre s'ouvre en 1904, la jeune et naïve Elsa arrive dans la ville de Hardanger dans le Dakota. Sa mère est morte depuis peu et son père s'est déjà remarié avec une jeune femme de son âge. Elle vient vivre avec son oncle dans l'espoir d'une vie meilleure. Là, elle rencontre et épouse Bo Mason. le cours de sa vie va être déterminé par ce mariage.
Bo est agité et ambitieux. Trop fier pour travailler pour quelqu'un d'autre, trop impatient pour persévérer, trop idéaliste pour se contenter de ce qu'il a. Il veut sa montagne en sucre : la réussite, la fortune, le rêve américain. Et tandis que Elsa rêve d'un foyer stable, aspire à tenir une maison, à élever leurs deux fils, Bo fait des plans sur la comète. Il traîne sa famille partout dans l'Ouest américain et canadien, à la recherche de LA grande opportunité. Un hôtel dans une ville, un restaurant dans une autre, une ferme plus loin, de la contrebande d'alcool…. Ils déménagent tous les quelques mois et ne peuvent jamais nouer de relations étroites. Leur vie sera un perpétuel déracinement.
Stegner écrit simplement et magnifiquement. L'air de rien il décortique la psychologie de ses personnages mais malgré les variations de point de vue dans la narration de l'histoire c'est long, terriblement long. Parce que l'intrigue du livre est répétitive, frisant l'obsession :
1 - papa propose un plan farfelu pour devenir riche
2 - le schéma tombe à l'eau
3 - papa se met en colère et la tragédie et le chagrin s'ensuivent.
Répétez et répétez encore… puis encore, et encore et encore.
Chaque fois que la tragédie frappe, Stegner sonde les profondeurs du malheur. Comme un joaillier tournant une pierre précieuse sous sa loupe, chaque coin de douleur, de souffrance et de chagrin est exploré dans les moindres détails comme s'il craignait de négliger la moindre petite angoisse. Tout sonne très juste dans cette vaste fresque d'inspiration autobiographique mais le rythme lent (que j'affectionne pourtant) aura eu raison de mon intérêt.
Traduit par Éric Chédaille