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Éric Chédaille (Traducteur)
EAN : 9782351788134
448 pages
Gallmeister (05/05/2022)
4.2/5   161 notes
Résumé :
Pour certains, La Vie obstinée est bien le chef-d'œuvre de Wallace Stegner, qui obtint le prix Pulitzer en 1972 pour Angle d'équilibre. On y retrouve Joe Allston, croisé dans Vue cavalière, toujours aussi incertain, mécontent de sa vie, de sa civilisation comme de son métier et qui se cherche avec élégance, en des endroits où il n'est jamais allé. Cet insatisfait chronique s'est installé en pleine nature non loin de San Francisco pour y couler, avec sa femme, ce qu'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
4,2

sur 161 notes
De la fenêtre de son bureau, Joseph, notre narrateur, regarde la pluie assombrir et noyer l'horizon. Ce temps maussade s'accorde aux sombres pensées qui l'accaparent. Quelques heures avant, sa femme Ruth et lui sont rentrés du cimetière. Il note la désolation qu'offre ce mois d'octobre sur la végétation. Seul un cerisier moribond tente désespérément une dernière floraison hors saison ; un gauphre a mangé ses racines.
Sur le retour, la maison voisine et la cabane de Peck évoquent déjà de tristes souvenirs, ceux contre lesquels Joe pensait se prémunir en se terrant ici, dans ce coin choisi de Californie. Sa femme et lui se contentaient alors de balades, de jardinage, bricolage et lectures. Mais la sérénité que Joe cherchait après le décès de son fils a été gravement mise en péril par l'arrivée de Peck, puis, dans un tout autre domaine, par l'installation de la famille Catlin et plus spécialement par l'aura émanant de Marian.
« Je suis transi comme je l'ai été à la mort de Curtis. Cependant, alors que la disparition de mon fils m'avait poussé à trouver un terrier où me glisser, celle de cette jeune femme, que j'ai connue un semestre à peine, ne cesse de me forcer à sortir à découvert, et je déteste cela. »
Existe-t-il, quelque part, un sanctuaire hermétique à la souffrance morale ? Colères et chagrin se sont insinués dans sa vie paisible de retraité, alors il écrit, fouille au fond de lui-même, analyse, fait son autocritique et soulève ainsi la pierre, matière minérale qui le caractérisait, enfin c'est ce qu'il croyait.

– Roman végétal d'où s'extraient les senteurs capiteuses de la luxuriante végétation californienne. Au gré des promenades du couple, les environs s'animent et prennent du relief sous la plume époustouflante de l'auteur. La richesse du vocabulaire vient combler quelques lacunes personnelles !
À côté de l'extase d'un printemps précoce, des concertos d'alouettes et moqueurs, cette nature est aussi qualifiée de défectueuse par notre narrateur qui voudrait un véritable paradis. du côté végétal, le sumac venimeux, les sarments de concombre sauvage, le liseron, du côté animal, la mite du chêne, le gauphre avec ses dents jaunâtres, autant de nuisibles dont il se fait l'exterminateur.

– Roman choc sur les limites à tolérer des personnes dont on ne peut partager les idéaux, le mode de vie. Au détour d'une balade, ce choc est artistiquement dépeint lorsque Peck, campé sur sa moto, vient demander l'autorisation de camper au creux du vallon. Derrière une voix douce, un sourire flottant partiellement caché par sa barbe noire, son arrogance exaspère Joe mais il cède à la demande de l'étudiant. Cette présence indésirable, qui viendra se gonfler d'autres spécimens hippies, ne fera qu'attiser sa colère à l'encontre de ces jeunes en recherche, souvent excessive et trop libérale, d'un monde meilleur. L'antipathie de Joe, sa contrariété évidente, contrastent avec la pondération de Ruth et son ouverture d'esprit vis-à-vis des jeunes.
« Ce n'est pas un farfadet, c'est un farfelu. » dira Joe à sa femme.

– Roman de la difficulté et l'impuissance parentales face à un fils instable, courant inéluctablement à sa perte. L'agressivité de Joe n'est-elle pas tristement attisée par ce qu'il ne peut éviter de ressentir comme un échec vis-à-vis de son unique fils ? Responsabilité ou fatalité ?

– Roman de la vie tout court, ni bonne, ni mauvaise, défendue par Marian, cette jeune femme lumineuse, au regard si vif. Si frêle et en même temps si pleine de vitalité. Partisane d'un beau jardin livré à lui-même, arrivera-t-elle à adoucir les réactions acides et épidermiques de Joe ? Alors qu'il ne voit que les inconvénients et nuisances causés par les hippies « Elle les voyait comme des gosses jouant à l'utopie. »
Une chose est sûre, le terrier de Joe sera désormais ouvert à tout vent.

– Roman de la conversion d'un homme où les opposés s'affrontent, dans l'aversion ou dans l'amour. Où son impuissance face aux nuisibles trouve une répercussion sur la force vitale qui peut animer chaque végétal, chaque animal. Où la souffrance, amenée par une disparition, ne peut être écartée sans renoncer à des moments chers et chaleureux.

Un roman magnifique, à l'écriture grandiose, à l'histoire déchirante qui nous crie de ne pas sommeiller dans son terrier mais de vivre.
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"LA VIE OBSTINÉE" de Wallace Stegner
Traduit par Eric Chédaille - Éditions Libretto

Comment parler de ce chef-d'oeuvre sans le trahir ? C'est un livre auquel il me faudra (en tout cas pour moi) plusieurs lectures pour en saisir toute la portée et là, je n'en suis qu'à la première... alors j'ai la désagréable sensation de n'avoir qu'effleuré le génie de Wallace Stegner.

Joe Allston, le narrateur, est un éditeur retraité de 65 ans, avec un caractère ronchon, qui porte un regard cynique sur lui-même et ce qui l'entoure :

"Recalé en sympathie, j'ai eu à peine mention passable en stoïcisme. En revanche, j'ai décroché le premier prix d'ironie - cette calamité, cette escampette, cette cuirasse, ce moyen de rester planqué tout en jouant les esprits forts."

 Avec son épouse Ruth, il s'est installé dans les collines, encore sauvages, proches de San Francisco :

"Je m'étais retiré... d'une société par trop robotisée pour me cacher au fond d'un cul-de-sac derrière un panneau ."

Joe passe son temps à faire la chasse aux thomomys, des rongeurs qui s'en prennent aux racines des végétaux nouvellement plantés dans le jardin :

"On s'échine à bêcher, à fumer, à planter, à traiter, à tailler, à bichonner, pour qu'une vermine aveugle vienne se promener par là-dessous, détruisant tout sur son passage !"

Mais voilà qu'un jeune hippie, Jim Peck, qui campe illégalement sur son terrain et l'installation d'un jeune couple, les Catlin, dans une propriété voisine va bouleverser la petite vie pépère de Joe...

Le thème principal du livre, c'est la fracture entre l'homme moderne et la nature. L'homme qui plante des végétaux exotiques et fragiles dans des environnements non adaptés, l'homme qui détruit par inadvertance les prédateurs naturels des nuisibles, l'homme qui détruit tout court par avidité...

C'est un livre exigeant mais le cynisme de Joe Allston apporte l'humour nécessaire pour alléger la lecture. Et l'écriture est magnifique.

Un dernier mot sur la traduction d'Éric Chédaille : EXCEPTIONNELLE !!!
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Attirée par la 1ère de couverture présentant la vue de troncs d'arbre et le titre « La vie obstinée » (quoique différent du titre américain « All the little live things ») (1967) de Wallace Stegner, alors que j'avais déjà lu « Une journée d'automne » du même auteur, je n'ai pas hésité plus longtemps à découvrir ce roman.
Joseph Allston et sa femme Ruth viennent de s'installer en pleine nature, loin de la ville (San Francisco) aspirant à une vie plus au calme, loin de la ‘'civilisation'' pourrait-on rapidement résumer, acceptant la présence de voisins s'ils ne se montrent pas trop envahissants. Si Joe est un vieux grincheux, sa femme se montre plus ouverte et tolérante et elle doit souvent calmer les acrimonies et irritabilités de son mari.
Agent littéraire à la retraite, Joe s'imagine écrire ses mémoires, pendant que sa femme, la douce Ruth, ferait des bons petits plats. Ils lisent, vont souvent faire des promenades (quand le temps le permet, sinon elles se réduisent en ‘'balades hygiéniques'' en faisant plusieurs fois le tour de la maison). Il s'occupe de son jardin, mais râle contre les bêtes à poil -en l'occurrence les thomomys- ces rongeurs qui osent attaquer son potager et ses fleurs. La nature oui, mais sans ses contraintes. On l'aura compris, il veut être tranquille et oublier les aspérités et désagréments de la vie.

L'arrivée à la fois de Peck, un jeune étudiant hippie dont Joe va avoir le malheur d'accepter qu'il s'installe sur son terrain -et qui va vite prendre ses aises et ses mauvaises habitudes de hippie (filles, musique, drogue et tout le tralala), mais également celle de la famille Catlin dont Marian, la jeune maman trentenaire, vont bousculer ses repères, sa façon de concevoir les choses et sa vie (pour ne pas dire la vie).
La narration faite par l'adorable râleur Joe, insatisfait chronique qui se double parfois d'une parfaite mauvaise foi -mais qui n'en est pas moins conscient de ses défauts et faiblesses- donne aux premiers chapitres une croustillance réjouissante. Ses remarques sur ses voisins et Peck -débonnaire insouciant très agaçant- (et ses acolytes de la même veine) sont de la crème d'humour d'une saveur qui reste bien en bouche.
Je ne puis d'ailleurs m'empêcher de citer une de ses remarques, une des petites pépites du roman : « Ma vie trouble l'espace qui m'entoure. Je suis un sachet de thé oublié au fond de la tasse : le produit de ma macération ne cesse de devenir plus opaque et plus amer. »

Que Stegner choisisse l'emploi d'un narrateur -en l'occurrence Joe- et non un récit à la troisième personne intensifie bien entendu le ressenti du lecteur. On est aux côtés de Joe, aussi bien lors de ses balades en forêt, parmi les champignons, le sumac vénéneux et les étourneaux, que durant les pérégrinations de ses pensées parfois sombres et désabusées.
L'antipathie ressentie pour Peck par ‘'le vieux schnoque'' (comme le retraité se définit lui-même) va s'accroitre de manière proportionnelle à l'attachement de Joe et Ruth pour Marian. La jeune femme est une personne solaire, amoureuse de la vie dans son entièreté, toujours avec le sourire et les yeux pétillants. Les nombreuses discussions avec elle notamment sur les rapports humains (notamment intergénérationnels, par la présence de Peck qui rappelle à Joseph son fils décédé), l'écologie et ‘'toutes les petites choses vivantes'' vont amener Joe à reconsidérer ses propres jugements et son rapport aux autres.

Et si le roman commence avec beaucoup d'humour et quelques éclats de rire devant les remarques du vieil ours mal léché, on se tromperait en le croyant uniquement léger. Autant les réflexions sociales ou philosophiques que les émotions vont presque prendre le pas sur l'humour cynique du retraité, et monter crescendo au fur et à mesure des chapitres et des évènements.
Avec ce roman, Wallace Stegner nous offre un beau récit, riche à différents niveaux. C'est tout d'abord lié à Joe, ce narrateur grincheux, drôle et cultivé pour qui on s'attache à la première seconde. Et ce plaisir à s'immerger dans ce texte s'explique aussi par l'écriture dense et ciselé, le vocabulaire relevé et l'alliance parfaite entre humour, tendresse, émotions, interrogations existentielles subtiles (je n'ai malheureusement pas le niveau de Stegner pour appuyer mon argumentaire d'adjectifs plus exquis et rutilants).
En 1976, parait « The spectator bird » ( « Vue cavalière » en France) où on retrouve ce couple Allston, et qu'il me reste pour ma part à découvrir.

Pour quelques heures, on plonge avec bonheur en plein coeur de la forêt, on s'installe dans un fauteuil de la terrasse, pas très loin de Joe, avec les autres protagonistes, et on prend part à leurs échanges sur la vie (et qui résonnent forcément sur nos propres « petites choses de la vie »…)
La tonalité particulière de ce roman fut telle que je me suis vue le replacer dans ma bibliothèque avec une sorte d'affection, proche de celle que j'ai eue pour Joseph et Ruth.
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Je crois toujours que Wallace Stegner est un auteur à lire.. en tout cas, il me fait toujours autant de bien! J'y retrouve les descriptions de la nature ( ah, les jardins californiens...), la finesse d'analyse de sujets oh combien complexes que sont les conflits de générations, les rapports familiaux avec toutes leurs erreurs- et surtout tous leurs non-dits qui se perpétuent, tout cela sans aucun pathos, avec même de l'humour...

Donc, les deux volumes La vie obstinée et Vue cavalière sont à lire ensemble. A mon avis.
La Vie obstinée a été publié aux Etats-Unis en 1967 et Vue cavalière (qui a obtenu le National Book Award) en 1976. On y retrouve le même narrateur, Joseph Allston, un homme d'une soixantaine d'années, et sa femme Ruth, un vieux couple lié par une complicité et une tendresse remarquables.
Agent littéraire en retraite, Joe Allston et sa femme se sont retirés dans la campagne californienne, au sud de San Francisco. Comme Wallace Stegner.
Liens rompus avec le passé.. à voir. C'est leur entourage, en particulier deux personnages, un campeur un peu sans gêne et une jeune femme , Marian, qui aime la vie mais est en train de mourir, qui vont donner l'occasion à Joe Allston de voir plus clair en lui-même. Et cela rouvre sans cesse la même blessure que le temps n'a jamais vraiment guérie, la mort du fils et l'incapacité qu'a eue le père à lui manifester son amour, à trouver avec lui le moindre lien.
Cela n'a rien d'un roman ( ou un roman selon la définition de Philippe Forest..), c'est tout à fait autobiographique . Et déchirant de lucidité.

Vue cavalière se situe donc quatre ans plus tard. C'est la lecture par Joe à sa femme d'un journal entrepris, vingt ans avant, lors d'un voyage au Danemark sur les traces de ses origines , sa mère étant une émigrée danoise ( la rencontre avec la baronne Blixen est un régal, on est loin du sourire de Meryl Streep..);
C'est le temps de l'acceptation de ce qui aurait pu être et n'a pas été.
Comment se construit une vie.. le hasard bien sûr et d'abord. Et puis, un luxe, les choix. Et la dernière étape, pouvoir accepter de ne pas les regretter..
Bon, mon commentaire ressemble à de la philosophie pour les nuls, mais je vous promets que ce n'est pas du tout le cas de ces deux livres...

"Même de son vivant, jamais son apologie d'un perfectionnisme biologique n'a pu me convaincre. Elle n'a jamais réussi à me persuader d'ignorer ou de simplement regarder comme des plaisirs âpres le mal que je ressens dans chaque rouille, charbon, nuisible qui infeste mon jardin- et que pour ma part je ressens comme un crapaud posé sur mon coeur. Songez à la force de vie, oui, mais songez aussi à la part de ténèbres qui s'y tient tapie . Il y a dans le lait de la baleine un élément qui annonce la souffrance et la mort.
Et alors? La flagrante évidence est admise, et puis quoi? Effacerais-je, si je le pouvais, Marian Catlin de ma conscience imparfaite? Renoncerais-je au plaisir de sa compagnie pour m'épargner la tristesse de sa disparition? En reviendrais-je à ma propre solution ,qui était le sommeil crépusculaire, afin d'esquiver la souffrance qu'elle apporta avec elle?
Jamais de la vie. Ainsi donc, malgré quelques grincements de dents, je reconnais la réalité de ma conversion. Il se passe pour moi ce qu'un jour je lui ai dit qu'il se passerait pour sa fille. Je serai, toute ma vie durant, plus riche de ce chagrin."
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Bizarre que je sois passée à côté de Wallace Stegner lors de mes explorations littéraires américaines ces dernières années, merci à la maison Gallmeister (et au challenge Totem!) de me l'avoir fait découvrir: on tient un grand bonhomme, là!
Ce roman va beaucoup plus loin que son pitch, déjà attrayant en diable : revenu de tout et désabusé, le narrateur qui a fui le bruit du monde découvre un jour, atterré, qu'un hippie est venu squatter son petit coin de paradis californien, sans l'ombre d'une envie de lever le camp.
Paradis, il faut le dire vite : le bruit du monde se rapproche dangereusement avec ce voisin qui joue du bulldozzer avec la joie bruyante de ceux que les valeurs liées au respect de la nature en touche une sans bouger l'autre.
La nature, parlons-en : à l'image du sumac contre lequel notre héros mène un combat perdu d'avance, elle est invasive, brutale, agressive, prolifique: la vie obstinée, qui s'accroche.
Autre combat perdu d'avance : convaincre les plus jeunes, le hippie et ses copains en l'occurrence, que leur utopique illusion de changer la vie l'est tout autant : la vie juvénile, renouvelée, qui renverse la table.
Perdus aussi les illusions, l'espoir de rattraper les échecs, le fils mort que l'on a pas su accompagner.
Et puis arrive Marian : jeune, belle, diaphane, aimant de tout son être la vie pour la vie, sous toutes ses formes. Face à elle, voilà que l'ami Joe se retrouve comme un con avec son fusil anti taupes à la main, perd ses moyens et ses dernières illusions face à ce qui advient dans sa vie à elle.
Un roman bouleversant, intelligent, drôle, triste, qui met nos petites personnes en abyme dans une nature magnifique, à la fois dominatrice et fragile.

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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
- Joe, dit-elle en posant sa main fraîche sur le dos de la mienne, ne soyez pas triste. [...] Il est juste que la mort existe, c'est tout aussi naturel que le fait de venir au monde. Nous faisons tous partie d'un grand fonds commun de la vie, nous sommes débiteurs de l'espace que nous occupons et des substances chimiques qui nous constituent. Dès lors que l'on admet qu'il ne s'agit pas d'une abstraction, mais bien de quelque chose dont on est redevable à titre personnel, cela ne devrait plus être un drame. [...]
C'est quand même compliqué, vous ne trouvez pas d'être un humain ? reprit-elle. Les animaux semblent renoncer à la vie de si bonne grâce. Même quand c'est violent, cela n'en paraît pas moins naturel. Ils atteignent l'âge adulte, ils se reproduisent, beaucoup des jeunes meurent, mais quelques-uns survivent, de sorte que le phylum est préservé et que les aînés peuvent mourir, comme le saumon épuisé par son périple ou le vieux caribou assailli par les le loups, et c'est bien, c'est ce à quoi ils s'attendent et c'est ce qu'exige la nature.
[...]
Je crois que la conscience fait de nous des individus, et que, parce que nous sommes des individus, nous avons perdu cette faculté d'accepter notre sort.
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Ici, même le temps qu’il fait est un agent de cette monotonie. Les matins s’enchaînent une, deux, trois semaines durant sans que varient la température, la lumière, les couleurs , l’humidité, ou, si variations il y a, elles s’opèrent par d’infimes gradations prévisibles et parfaitement négligeables. Jamais une tempête, un orage, un coup de vent ; jamais, à cette époque de l’année, le moindre cumulus. Guère de signes indiquant que l’été fait place à l’automne, si ce n’est le vert intense des madias, qui, aussi avant en saison et comme en se riant de la sécheresse, apposent leurs taches crues sur les versants recuits par le soleil. Le parfum de cette herbe s’impose en même temps que sa couleur ; il recouvre bientôt tout le coin, se laisse porter par les petits courants d’air, vous entête, imprègne chaussures et pantalons, le chat qui a musardé, les placards où l’on a rangé chaussures et pantalons, les mains qui ont caressé le chat.
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Liberté absolue, mon oeil. On ne peut ouvrir la bouche ou remuer la main sans se conformer à des règles, et généralement édictées par autrui. [...] C'est le début de la sagesse que d'admettre que le mieux que l'on puisse faire est de choisir à quelles règles on va se conformer; et c'est de l'imbécillité persistante et aggravée que de prétendre pouvoir vivre en dehors de toute contrainte.
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J’ai retrouvé cette lettre il y a quelques jours dans mon bureau sous une pile de vieux papiers. Je ne l’avais pas finie, ni signée, ni expédiée. Mais elle me remet en mémoire que déjà au milieu de l’été Marian, par force ou par cajolerie, avait commencé de me faire sortir du terrier où je vivais avec les thomomys, les taupes et autres créatures de l’obscurité.
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Cuisante leçon que j'ai apprise, si toutefois je l'ai retenue : c'est réduire notre humanité que de nous défiler face à la souffrance, que ce soit la nôtre ou celle d'autrui. Que de nous débiner devant quoi que ce soit. Telle était la maxime de Marian. Sois ouvert et disponible, expose-toi, jette bas tes oripeaux et jusqu'à ta peau. Ta peau ? Promène-toi en écorché.
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