Contrairement à beaucoup de lecteurs.trices, je n'ai pas vu d'amour dans ces confessions unilatérales écrites par une femme dans une longue lettre. Elle, elle approche la cinquantaine, elle a le sentiment qu'elle a raté sa vie. Rejetée par sa belle-famille, mise sous cloche par sa propre fille, elle vient de devenir grand-mère et refuse ce rôle de potiche. Cette rébellion par rapport à la place des grands-parents pourrait sans doute être l'angle de lecture le plus intéressant du roman, mais il n'est pas traité correctement à mon avis.
Elle entreprend donc de se raconter dans une longue lettre adressée à son masseur/kiné japonais. le contact de ses mains l'a émue, remuée... dit-elle. Ce masseur, dont elle ne connaît que le nom, devient un "objet transitionnel". Cet homme va être paré de toutes les qualités par cette femme, sans que l'on sache réellement (même si on s'en doute) ce qu'il en pense. Et la lettre s'allonge en conséquence, à mesure que la femme exprime toutes ses aspirations et son ressenti(ment).
J'ai eu d'abord la désagréable impression d'assister en voyeur à un étalage malsain (car unilatéral) de sentiments (fatalement) non partagés. Un peu comme le gars bourré qui harcèle une jeune fille en fin de soirée, arguant du fait qu'il est humain et qu'il n'y a pas mort d'homme...
Pire, j'ai eu l'imperession d'être tenu en otage, pris à témoin. Comme si ma présence passive apportait une caution morale, sentimentale àcet étalage. Pire encore... c'est à mon corps défendant que j'assistais à cette diarrhée de sentiments (que je qualifierai presque de superficiels, factices, forcés). J'étais contraint de participer. de voyeur, je devenais acteur.
Et j'ai pensé à ces billets (anonymes en général) intitulés "à toi, belle inconnue" que des hommes (le plus souvent) adressent à des personnes croisées fugitivement au détour d'un train ou d'un métro. Et si la lettre avait été écrite par un homme parlant sous la plume d'un
Moix ou d'un
Beigbeder... comment aurait été le ressenti des lectrices? Confessions intimes et sincères ou manque de maturité flagrant. Bouée à la mer, ultime appel au secours ou aveuglement d'une femme qui n'a pas réussi à faire et à assumer ses choix existentiels...? C'est peut-être là qu'
Amanda Sthers souhaitait que nous arrivions... Mais j'ai un doute. La lecture au 1er degré semble quand même la seule, ou la principale.