Il s'agit d'une histoire en 12 épisodes, les 6 premiers dans ce tome, les numéros 7 à 12 dans
The twelve, Tome 2. le scénario est de JM Strasczynski, les dessins de
Chris Weston et l'encrage de
Garry Leach.
Le 25 avril 1945, les forces alliées pénètrent dans Berlin, accompagnées par les superhéros américain, Captain America en tête le hasard veut que 12 superhéros qui ne se connaissaient pas ou peu investissent ensemble le quartier général de la Schutzstaffel (SS). Il tombe dans un piège qui a pour conséquence qu'ils se retrouvent en animation suspendue. le 02 août 2008, une pelleteuse en train d'exécuter une excavation disparaît dans un fontis, ces 12 rescapés du passé sont découverts et ramenés à la vie. le gouvernement des États-Unis s'engage à leur fournir le gîte et le couvert pendant un an, pour services rendus, le temps qu'ils reprennent contact avec le monde actuel et qu'ils se trouvent une situation. Suivant les individus les réactions sont différentes. Aux 2 extrémités des réactions, il y a d'un coté Dynamic Man (personnage créé en 1940) qui se met immédiatement à faire le superhéros pour le compte du gouvernement. À l'autre extrémité, Captain Wonder (Jeff Jordan - créé en 1943) apprend le décès de sa femme et de ses 2 enfants tués (comme soldats pendant la guerre du Vietnam). Outre ces 2 superhéros, l'équipe se compose de Blue Blade (Roy Chambers - 1942), Black Widow (Clair Voyant - 1940), Electro (contrôlé par le professeur Philo Zog - 1940), Fiery Mask (Jack Castle - 1940), Laughing Mask (Dennis Burton - 1941), Master Mind Excello (Earl Everett - 1940), Mister E (Victor J. Goldstein - 1941), Phantom Reporter (
Richard Jones - 1941), Rockman (Daniel Rose - 1941) et Witness (inconnu - 1941).
En 2007, les éditeurs de
Marvel Comics (toujours soucieux de faire fructifier leur catalogue de personnages) proposent à JM
Straczynski d'écrire une histoire permettant de ramener dans le monde moderne 12 héros masqué oubliés créés dans les années 1940 (l'époque du Golden Age des comics), alors que Marvel s'appelait encore Timely Comics. Ce qui intéresse
Straczynski dans le projet est de pouvoir jouer avec ces individus déplacés dans le temps et d'opposer leur système de valeur à celui de notre époque (les années 2000).
En 10 pages, les 12 héros se retrouvent donc en 2008, et l'histoire peut commencer. Comme le lecteur peut s'en douter,
Straczynski est son propre ennemi dans cette histoire : le défi narratif est de jongler avec 12 personnages quasi nouveaux, plus les autres qui leur permettent de réagir au monde moderne. Autant dire qu'il n'y a aucun espoir que l'un ou l'autre développe plus qu'un semblant de personnalité. Phantom Reporter sert d'ancrage au récit et plusieurs scènes sont vécues à partir de son point de vue et de ses réflexions internes. Heureusement
Chris Weston a un style très appliqué grâce auquel il donne un visage aux traits spécifiques à chaque personnage, ainsi que des costumes très faciles à reconnaître. La contrepartie un peu bizarre est que la plupart des personnages conserve son costume à l'époque moderne, alors qu'ils pourraient s'habiller en civil avec des vêtements modernes (ce serait même plus logique par rapport au scénario). Il y en a même un qui conserve ses vêtements civils des années 1940.
D'une manière générale, le style de dessins très prosaïques et détaillés donne vraiment l'impression au lecteur de se trouver devant de véritables individus (malgré leurs goûts vestimentaires saugrenus). L'approche réaliste et minutieuse de Weston permet au lecteur de se sentir à coté de chaque personnage, dans la même pièce, à chaque fois dans un endroit spécifique et tangible. La densité d'informations visuelles est assez élevée. La mise en page est très sage, à base de cases rectangulaires juxtaposées, sans décomposition d'action ou d'effets cinématiques. Et sn style appliqué lui permet de glisser de ci de là un détail savoureux tel le nazi en train de tâter subrepticement la poitrine de Black Widow alors qu'elle est artificiellement endormie.
Grâce à la forte personnalité graphique de chaque personnage et à une gestuelle éloquente, il suffit d'un petit effort de dialogue pour qu'ils acquièrent une personnalité psychologique, chose que fait très bien
Straczynski. Pour le reste le résultat est assez mitigé. Il y a bien sûr le personnage qui a du mal à se faire à la modernité, surtout le mouvement incessant et généralisé, sans parler du bruit. Il y a celui qui n'arrive pas à se faire à la mort de ses proches. Il y a celui qui est pressé de se remettre au boulot, celui qui n'était pas forcément très bien dans sa tête, même à son époque d'origine, etc. Finalement
Straczynski met en scène la confrontation des systèmes de valeurs de manière assez douce, et même discrète. Il valait peut être mieux d'ailleurs car pour lui les individus des années 1940 arrivent avec un système de valeurs assez rigide et très tranché, difficilement conciliable avec une forme de permissivité qui règne à notre époque actuelle. le principe sous-jacent serait que la nature humaine évolue avec les décennies, ce qui n'est pas une hypothèse admise par tout le monde. Heureusement
Straczynski rétablit une forme d'équilibre en montrant que parmi ce groupe disparate de héros formé par le hasard, il se trouve aussi des individus aux motivations un peu moins pures ou angéliques, et plus opportunistes que les autres. Finalement
Straczynski utilise les 12 personnages pour montrer que tous ne sont pas animés par les mêmes objectifs, les mêmes valeurs et les mêmes motivations. Mais à nouveau la multiplicité des personnages fait qu'il n'a pas le temps de s'appesantir sur grand-chose ; il s'agit plutôt d'un survol à chaque fois. Et là le lecteur se dit que plutôt d'obéir à un impératif éditorial de réintégrer 12 personnages supplémentaires au catalogue Marvel,
Straczynski aurait peut être été plus inspiré d'écrire une histoire indépendante de la continuité sur les premières années de retour à la vie moderne de Steve Rogers (Captain America) juste après son dégel.
Straczynski et Weston proposent au lecteur une histoire qui sort de l'ordinaire de superhéros dans la mesure où ce sont les personnalités des héros et leur situation d'individus en dehors de leur époque qui fournissent le moteur de l'histoire (au lieu d'une opposition contre un supercriminel). Les dessins méticuleux de Weston permettent au lecteur de s'immerger dans le quotidien de ces 12 exilés de leur époque. le nombre important de personnages offre à
Straczynski la possibilité de multiplier les réactions au déplacement dans le temps, mais il l'empêche dans le même temps de développer l'une ou l'autre des situations.