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EAN : 9781236726414
40 pages
Rarebooksclub.com (13/09/2013)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Vers la fin de la guerre d'Espagne, je me trouvais à Chiclana, charmant village peu éloigné de Cadix, et renommé par l'efficacité de ses sources minérales;—on m'avait conseillé ces eaux pour parfaire la guérison d'une blessure assez dangereuse, et mon excellent hôte don Andrès d'Arhan, en m'entourant de tous les soins attentifs d'une amitié délicate, me rendait presque ingrat envers la France, car en vérité, j'avais honte de me trouver aussi heureux au fond de l'And... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Pour la postérité, Eugène Sue est resté, et restera pour toujours le grand feuilletoniste social qui signa, de 1842 à 1843, la vaste fresque sociale « Les Mystères de Paris », dont l'immense succès et l'impact auprès du peuple français furent directement responsables de la révolution de 1848, et la chute définitive de la monarchie.
De par la prodigieuse influence de son oeuvre littéraire, Eugène Sue représente à lui seul le pionnier français de ce que l'on appelle aujourd'hui "l'extrême-gauche", un républicanisme contestataire et radical qui s'attaque autant aux pouvoirs politiques bourgeois et aristocrates qu'aux différents clergés qui participent à l'embrigadement des peuples.
On en oublierait presque que cet ardent défenseur du peuple n'en était pas directement issu. Eugène Sue est en effet né dans la soie, étant le fils du médecin et chirurgien personnel de Napoléon, puis du roi Louis XVIII à partir de 1815. Sa marraine est par ailleurs rien moins que l'impératrice Joséphine de Beauharnais en personne.
Son adolescence sous la Restauration est celle d'un dandy mondain, flambeur, collectionneur de femmes, qui n'hésite pas à afficher son attachement à la monarchie, fréquentant et faisant la noce avec des aristocrates de son âge. C'est par ailleurs ce train de vie fastueux qui le conduit au bord de la ruine, après la mort de son père et la dilapidation effrénée de son héritage. L'urgence de se refaire amène Eugène Sue à la littérature.
Il est donc un auteur prolifique depuis douze ans quand il se lance dans l'aventure du roman-feuilleton. Mais qu'a-t-il donc écrit durant ces douze premières années ?
D'abord des romans d'aventures exotiques et maritimes, puis des romans historiques, enfin quelques premiers romans sociaux qui le mèneront ensuite au feuilleton, mais qui restent encore du mélodrame sans aucune portée politique. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette première période littéraire est en général tenue pour négligeable par les admirateurs de l'écrivain. Eugène Sue n'est qu'un conteur de récits divertissants, il n'est pas encore le grand justicier social qui est encore tant admiré.
Pourtant, ses romans maritimes ont étonnamment bien vieilli, bien plus d'ailleurs que ses romans-feuilletons qui accusent la désuétude de leur époque. En témoigne ce qui fut son unique recueil de nouvelles, « La Coucaratcha », transcription inexacte du mot espagnol "Cucaracha" (qui désigne le cafard – l'insecte, et non le surnom donné au chagrin), lequel importé au Mexique et célébré dans une chanson mondialement célèbre, est devenu un synonyme de "marijuana". Cependant, du temps d'Eugène Sue, qui se réfère ici exclusivement au sens originel espagnol, le nom "Cucaracha" était donné à une sorte d'excitation qui donne envie de faire la fête, de chanter, de danser et de faire l'amour, comme si on était soudainement piqué par une petite bête qui nous inoculerait une sorte d'excitant (métaphore par ailleurs totalement diffamatoire : le cafard est un insecte parfaitement inoffensif, qui ne possède ni dard, ni pinces, ni mandibules acérées).
« La Coucaratcha » est un recueil de récits de jeunesse, courtes nouvelles ou longs contes, publié initialement sur deux ans, en trois volumes, et qui par un effet de malédiction qu'aucun éditeur ne semble prêt à corriger, n'a jamais été réédité dans son intégralité après la mort d'Eugène Sue en 1857. Vous ne trouverez donc, depuis 165 ans, que des volumes solitaires, qui ne présentent qu'une sélection de nouvelles, laquelle très souvent varie d'une édition à une autre.
Je parlerai donc uniquement de cette seule édition de 1967, en beau livre relié, présentée dans la collection des Trois Couronnes, publié par Odège-Presse, préfacé par Francis Dumont et enluminé par d'anciennes gravures colorisées en orange vif par Jacques Sternberg, dont on se demande bien ce qu'il allait faire dans cette galère.
Cette édition présente 7 nouvelles qui sont les suivantes :
- « Voyages et Aventures en Mer de Narcisse Gélin » : court récit teinté d'humour noir racontant comment Narcisse Gélin, poète éprise de fantaisie, rêvant d'aventure, s'embarque sur un navire, se désespère durant le trajet qu'il n'y ait ni tempête, ni ouragan, ni attaque de pirates, puis se réjouit enfin que son navire soit attaqué par des pirates. Hélas pour lui, il est extrêmement surpris de les voir piller le navire sans même qu'il y ait de combat, et encore plus surpris d'être pendu haut et court avec le reste de l'équipage.
- « le Présage », chronique d'une bataille navale, où un marin superstitieux, voyant un signe du ciel dans le fait que son couteau pliant se soit ouvert tout seul à deux reprises, commet une série de maladresses, persuadé qu'il va lui arriver malheur, et finit par aller se cacher dans la cale, où il est cueilli par un boulet ennemi.
- « Crâo », chronique sociale montrant un groupe d'aristocrates décadents, qui s'amusent à faire croire à un paysan simplet du voisinage que l'une de leurs femmes est secrètement amoureuse de lui. Celle-ci le convainc qu'il a un réel talent d'acteur, et le pousse à jouer une pièce de théâtre avec elle. Évidemment, tout cela n'est fait que pour se gausser de l'imbécile à peine lettré, qui est en réalité le dindon de la farce. Quand le jeune homme comprend que tout le monde se moque de lui, y compris la femme dont il est amoureux, il se jette sur elle, l'étrangle, puis tirant un couteau de sa poche, il se l'enfonce dans le coeur. Les spectateurs qui assistent à la scène mettent un moment à comprendre que ce à quoi ils viennent d'assister ne fait pas partie de la pièce...
Cette nouvelle est à la fois la plus longue et la plus faible du recueil, tant elle est prévisible et trop simpliste. C'est aussi le seul récit qui ne soit pas maritime.
- « Mon Ami Wolf », l'une des deux meilleures nouvelles de ce récit, nous montre le narrateur, soldat et marin, rencontrant, lors d'une fête sur un navire allié britannique, un autre soldat anglais du nom de Wolf. Les deux hommes sympathisent, s'enivrent plus que de raison et forment une vraie paire d'amis en fin de soirée. Passablement éméché, Wolf raconte alors une histoire qui le tourmente et dont il n'a jamais parlé à personne : quelques années plus tôt, lors d'une permission à Porto-Venere, en Italie, Wolf s'est amouraché d'une fort belle italienne, et après l'avoir longuement courtisée, se préparait enfin à passer la nuit avec elle, lorsque son capitaine, qui le cherchait partout, le rejoignit avec une barque chez son amante pour lui annoncer que par ordre royal, il fallait repartir tout de suite. Wolf tenta au moins de négocier sa nuit d'amour, mais le capitaine fut inflexible, et malheureusement, toute désertion en temps de guerre était punie du peloton d'exécution.
Wolf reprit donc immédiatement la barque avec son capitaine, mais entre temps une tempête s'était levée, la mer était démontée, et une vague bouscula la barque et fit tomber le capitaine dans l'eau, à un mètre d'un inquiétant tourbillon. le capitaine appela à l'aide, mais Wolf, tétanisé, voyant là un moyen de retrouver son italienne, laissa son capitaine se noyer sans l'aider à remonter, et courut rejoindre son amante. le lendemain, à son retour à bord alors que tout l'équipage est inquiet, il prétendit n'avoir pas vu le capitaine, et on en déduisit que l'officier s'était noyé. Son corps fut retrouvé quelques jours plus tard, alors que le navire avait déjà levé l'ancre.
Wolf vit depuis avec la honte d'avoir assassiné indirectement son capitaine, pour une histoire d'amour qui fut hélas sans lendemain, car il apprit que la jeune italienne était morte d'une maladie foudroyante quelques semaines plus tard, lorsqu'il put enfin retourner la voir.
Le lendemain de cette confession, alors que chacun a regagné sa cabine, Wolf provoque en duel son nouvel ami, car, dégrisé, il ne peut supporter la honte qu'une autre personne connaisse son terrible secret. Malgré ses réticences, le narrateur et accepte, et tue son ami Wolf au cours d'un duel au pistolet. Quand il se penche pour regarder l'arme de son adversaire, le narrateur se rend compte que son pistolet n'était pas chargé. Wolf a sciemment voulu mourir.
- « Relation Véritable des Voyages de Claude Belissan, Clerc de Procureur » : deuxième chef d'oeuvre de recueil, et là aussi, une très belle incursion dans l'humour noir. Grand benêt naïf répudié par sa fiancée qui lui préfère un fringant aristocrate, Claude Belissan se réfugie dans un humanisme béat et utopique, rêvant d'une humanité pénétrée d'équité et de fraternité. Son prosélytisme envahissant lui vaut une foule d'ennuis avec des gens qui en sont agacés, au point que fuyant la civilisation à bord d'un navire, où il manque de se faire jeter à la mer à force de prétendre solutionner toutes les injustices qui ont lieu parmi l'équipage, il finit par arriver sur une île habitée par un peuple sauvage, qu'il espère convertir à ses idées. Mais les sauvages, ne comprenant pas un traître mot de ce que dit Claude Bellissan, le jugent seulement gras et appétissant, et comme ils sont cannibales, ils le tuent et le dévorent.
- « Un Corsaire » : Excellente nouvelle également, sur un jeune homme qui se voit présenté lors d'un dîner à un célèbre corsaire qui défrayait la chronique vingt ans plus tôt, et qui se révèle un très embourgeoisé vieillard semblable à n'importe quel petit notable. D'abord dubitatif, le jeune homme se laisse totalement convaincre lorsque le vieillard lui raconte son évasion quasi-désespérée d'un bagne anglais fort sécurisé au milieu de marais périlleux, dans les environs de Portsmouth.
- « Les Montagnes de la Ronda », enfin, dernière nouvelle de ce recueil, narrant les imaginaires démêlés de l'auteur avec Tintilla, une belle bohémienne dont il était épris, et son brigand de père, Hasth'y, avec lequel il fait quelques mauvais coups, moins par nécessité que parce que ces deux personnages l'amusent. Mais à la suite d'une attaque de fiacre, où se trouve une femme d'une exquise beauté que l'auteur ne peut s'empêcher d'admirer, il subit une crise de jalousie féroce de Tintilla qui le fait tomber avec son cheval au fond d'un ravin. Sauvé de justesse par l'équipage du fiacre, il poursuit ensuite son chemin sans plus jamais chercher à revoir Tintilla.
Des années plus tard, alors qu'un ami lui fait visiter la ville de Perpignan, il est invité à une grande noce où un jeune bourgeois local se prépare à épouser la fille d'un baron récemment installé dans la ville. Quelle n'est pas la surprise du narrateur en reconnaissant Tintilla en la promise, et Hasht'y sous les traits du soi-disant baron. Se faisant discrètement reconnaître de Tintilla, terrifiée, il lui propose un marché : il ne révèle rien de leur identité réelle, en échange du droit de posséder une dernière fois Tintilla le soir même, celui de la nuit de noces.
Tintilla est donc obligée de discrètement enivrer son mari durant le repas des noces, jusqu'à ce qu'il tombe inconscient. Demandant alors à l'auteur de l'aider à transporter son mari dans la chambre nuptiale, tous deux placent le mari toujours ivre mort dans un coin de la chambre avant d'inaugurer le lit nuptial. le lendemain, prétextant avoir passé la nuit chez son père après avoir été prise de terreur tant son mari ivre était empressé, Tintilla acceptera finalement les excuses de son mari docile, qui ne se souvient de rien mais se sent sincèrement affligé d'avoir fait du mal à sa femme. Quant à l'auteur, il abandonne Tintilla à sa nouvelle vie, charmé de l'avoir si joliment tenue dans ses bras pour la dernière fois.
« La Coucaratcha » démontre tout l'immense talent de conteur d'Eugène Sue, encore plus à l'aise dans le texte court que dans ses célèbres romans fleuves. Rédigées avec fluidité et inspiration, avec aussi beaucoup de rythme et d'astuce, ces nouvelles au parfum d'aventure n'ont rien perdu de leur vigueur et de leur drôlerie, et l'on espère qu'un jour, on rendra enfin justice à ce magnifique recueil avec une édition complète et définitive.
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L'exagération est un peu ce qui domine toutes les nouvelles de « La Cacouratcha » d'Eugène Sue.

L'exagération d'un homme aux allures fantomatiques, lequel est froid, énigmatique, concentré et calme d'une façon perturbante et qui attire toutes les mauvaises superstitions de matelots ignares et brutaux jusqu'à se voir attribuer tous les sinistres et caprices du temps par sa seule présence sur un navire lors d'une expédition maritime. L'homme disparait en pleine tempête, poussé à se sacrifier par les matelots, comme une offrande qui calmerait les divines colères de la mer.
C'est aussi des scènes de sales orgies, d'ivresses lourdes, d'hurlements de bêtes féroces…

L'exagération plutôt comique de deux nouvelles : celle d'un poète qui, désirant connaitre la mer, se l'idéalise, se dit que tout y est poésie, enchantements et délices… Il s'embarque donc, et tout le désenchante avec ironie.
La seconde est celle d'un fou philosophe pour qui la société est mal établie et qui, vouant une haine à la monarchie, rêve d'une île où les hommes sont égaux. Là encore, ironie du destin, il trouve l'île mais les moeurs primitives des sauvages qui y vivent vont durement briser son idéal.

L'exagération d'un amour torride en Espagne d'un sombre cavalier mystérieux qui rend visite chaque samedi soir à sa belle maîtresse espagnole.
Ne cherchez pas une personnalité à ces amoureux, ils sont amoureux, voilà tout, et de la façon la plus ridicule et extrême qui soit.
Le romantisme de haute volée De Lamartine peut me plaire, mais cette constante exagération qui vibre faussement m'insupporte :
« Mon ange… C'est moi… Ne crains rien… » dit-il d'une voix si baisse qu'elle se perdit aux lèvres de la jeune femme… - mais les lèvres parurent entendre… car elles murmurèrent aussi : « Roméro… Mon ange… ou plutôt mon démon… » et voilà des scènes où elle pleure, elle prie, l'autre la suppliant… du romantisme commercial, soyons sévère car c'est juste de le nommer ainsi, si encore cela avait le mérite de l'originalité…

L'aventurier est tué sous les yeux de sa maîtresse par le mari, c'est alors le début d'une douce folie enivrante pour l'amoureuse qui rejettera inconsciemment le meurtre et maintiendra la présence de son amoureux grâce à cette folie dévorante et apaisante. Elle est bien plus heureuse folle que consciente, et la brusque tentative du mari de lui ramener la raison est des plus cruelle. C'est ce qu'illustre la nouvelle.

« Elle dit à Roméro : — « quel bonheur, dis, mon amour, que nous soyons restés nous deux seuls sur la terre ; car maintenant, vois-tu… le soleil ne brille plus que pour nous deux. Pour nous deux seuls les fleurs sont fraîches et parfumées ; ces oranges vermeilles, ces figures empourprées… Tout cela est pour nous deux seuls, mon Roméro…. Et quand la nuit la lune se lève et répand à flot sa tremblante et pâle clarté que tu aimes tant (…) »

Dit-elle par exemple en pleine crise d'intense folie. Mais folie ou pas, que c'est niais ! Mais surtout, je ne crois pas un instant à la sincérité de ce romantisme.
Qu'ils meurent tous dans d'atroces souffrances ces amoureux mielleux ! ils sont faux, artificiels et plats, je me réjouirais de leur torture, à aucun moment on ne s'attache à ces figures caricaturales.

Peu d'exagération par contre dans le récit historique de la bataille de Navarin en 1827, vu au travers des yeux de marins :
« Jamais je crois, de mémoire de marin, on n'avait vu un tel nombre de vaisseaux de guerre resserrés dans un aussi petit espace, dans une baie qui n'avait pas une lieue de profondeur »
Encore qu'il ne s'agit là que d'un seul tableau de guerre maritime, belle peinture qui s'accompagne d'attitudes gaillardes pas loin d'être grotesques de marins, encore une superstition, mais rien de bien marquant outre mesure dans le style.

L'exagération dans la manière de raconter une confidence intime et secrète d'amour et de meurtre :
(Échange entre deux marins, l'un regrette de s'être tant confié suite à une soirée bien arrosée) :
« J'ai d'abord mille excuses à vous faire d'avoir abusé hier de vos moments pour vous conter une bien misérable histoire »
« Ma foi - lui dis-je (et c'était vrai) - que le diable m'emporte si j'y pensais… mais bah … le madère et le xérès vous auront poussé au roman, mon cher Wolf… Et vous vous serez vanté ; - ne parlons plus de cela… encore une fois je l'avais oublié. »

« Si j'y pensais » penser quoi ? « Je l'avais oublié » - oublier quoi ? Oui je sais qu'il parle de la confidence mais ses effets de style de phrases non terminées sont terriblement agaçantes. « Et vous vous serez vanté », pourquoi utiliser le futur ? Bien des dialogues sont confus et très désagréables à lire. L'idée étant seulement de dire que le marin se serait davantage vanté en fabulant des histoires arrangées que de confier de sincères et graves vérités. Pas si complexe à dire, mais Eugène Sue veut du faux naturel et de la fluidité dans ces dialogues, il nous assomme alors de tous ces petits points, des tirets partout et des phrases non terminées sans doute car cela lui semble authentique ? Ou par paresse d'écriture ? On a des impressions de maladresse et de confusion parfois dans la lecture même si l'on est rassuré de temps en temps par quelques phrases relevant du génie.
Mais le marin ne s'était pas vanté ! Son histoire de meurtre et d'amour racontée était bien réelle, et craignant une fatale indiscrétion de son camarade, il lui propose de la façon la plus flegmatique qui soit un duel. L'un d'entre eux doit mourir, car aucun ne pourra conserver longtemps le secret de l'histoire.

J'ai grandement apprécié par contre l'exagération de Crao, la plus longue nouvelle. Crao, ce nom n'est-il pas mieux encore que Quasimodo ? Est-ce qu'on ne ressent pas mieux toute la laideur repoussante de ce personnage ?
A la différence du Quasimodo de Hugo, rien de compense son corps hideux car même les intentions, le coeur, sont mauvais chez Crao, ce petit être infâme adopté comme un chien errant curieux par le comte de Lussan.
Rodant toujours quelque part dans les salons, l'oeil observateur, Crao amasse goutte à goutte une hargneuse jalousie à l'encontre de cette société de petits nobles et nouveaux riches. Toute cette société égoïste, cruelle, immorale par insouciance, ne recherchant que la séduction et le plaisir, n'a pas la moindre compassion pour l'immonde Crao, qui est moqué et rabaissé dès qu'il se montre.
Un autre original s'invite, un jeune tout aussi sauvage et presque aussi moche que Crao mais noble de naissance, expédié par son père en la demeure du comte de Lussan pour sa bonne éducation.
Ce jeune coeur encore pur sera sournoisement manipulé par le vilain Crao qui lui fera naître l'espoir de séduire la belle Hortense… Une femme d'expérience, mariée, disposant déjà de deux jeunes beaux et spirituels amants… Inutile de développer davantage pour vous faire comprendre que le sauvageon lycéen n'avait que peu de chances.
Toujours dans la farce, Hortense qui s'amuse de lui l'incite à jouer dans une pièce de théâtre pour mieux l'humilier… Mais il jouera étonnement bien, trop bien même, dans un rôle dramatique qui le reflètera à la perfection et se terminera réellement de façon dramatique par une vengeance brutale exécutée d'un seul trait.

Toutes ces nouvelles sont curieuses dans l'ensemble. le style l'est tout autant : un mélange de dialogues confus mais vivants et une manière de conter un peu commerciale, aguicheuse qui déçoit parfois par le manque de substance et même par une certaine puérilité, mais aussi nuancé d'autres fois par de belles trouvailles d'une grande maturité d'esprit :

Le flâneur séducteur à l'amour léger :
"Non, Georges lui parla de l'amour comme d'une jolie distraction, qui aidait à attendre l'heure du bal ou de l'Opéra, comme d'une futilité gracieuse, exquise pour compléter une vie d'élégance et de luxe"

L'amour non conditionné à la réciprocité (plutôt rare de trouver cette idée d'absence de réciprocité dans l'amour) :
"Ce qui fait le charme du dévouement, c'est de se dévouer seule, c'est de ne souffrir aucune réciprocité, je veux donner et qu'on ne me rende jamais"

La subtile distinction entre une vengeance résultant d'une franche colère et une vengeance stérile, inassouvie, pleine d'amertume et de vilaine haine :
"Je conçois la haine quand elle peut conduire à la vengeance ; mais haine cachée, sans espoir, qui ne peut pas même dire tout haut : je hais ! Une haine qui vit sur elle-même, amère nourriture ! Est une triste, triste passion."
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Oui, on a seize ans, on aime le bien, on y croit, on est plein d'espoir et d'amour - on cherche "la soeur de son âme", comme on dit alors, - et puis on rencontre une femme facile qui a l'imagination bien corrompue, le coeur bien ossifié !
Alors on devient amoureux à lier de cette femme ! À elle tout ce rêve d'amour et de jeunesse ! À elle, les belles illusions dorées de ses seize ans ! À elle, à elle seule, ce beau et bon coeur, bien dévoué, bien noble et bien ardent !
Et puis plus tard, si le hasard vous jette une femme tendre et passionnée, qui vous aime avec idolâtrie, vous n'avez plus, pour répondre à cet amour profond et vrai, qu'un coeur flétri, un esprit égoïste et des sens blasés, car vous avez prodigué et épuisé à tout jamais, pour une femme méprisable, ces précieux trésors d'amour et de jeunesse qui, bien qu'on dise, ne se renouvellent plus.
Aussi croyons-nous profondément à cette vulgarité sublime : "On n'aime qu'une fois dans sa vie".
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