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Citations sur Mary Tempête (22)

Des cadavres, Mary en a vu souvent, mais elle n'en a jamais transporté. Rudy lui paraît lourd, si lourd qu'elle a l'impression que la mort l'a rempli de plomb. Titubant le long des coursives et se cognant aux poutres à chaque envolée ou chute du Roosendhal, la jeune femme et un marin peinent à ramener le corps sur le tillac. Sitôt à l'air libre, elle prend la tempête en plein visage. Le ciel est couleur de suie ; une mer d'encre se cabre en soulevant des vagues énormes. Le grain a crevé, et une trombe d'abat hache le navire. Cramponnés aux drisses et aux écoutes, les gabiers achèvent d'enverguer les basses voiles et bordent plat les huniers et les cacatois. Puis ils redescendent en se laissant filer le long des étais. Le capitaine est agrippé à la rambarde de la dunette, assisté du second et du bosco, qui s'égosille à redistribuer les ordres à l'équipage.
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Les autres voient mal, ils ont les yeux à ras de terre depuis si longtemps qu'ils ne sont plus capables de les lever et de les diriger vers le soleil.
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- Ça nous rapportera quoi, à nous ?
- Une raison de plus de savoir pourquoi vous exécuterez un jour la danse sans plancher.
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Sa tête dans les mains, un bourdonnement intolérable lui martelant les tempes, Emma relit pour la troisième fois la lettre que lui a envoyée la vieille Davon. Pour la troisième fois, chaque mot tire au canon sur elle. Emma se passe les mains sur le visage, se frotte les yeux, avec l’espoir qu’elle ne verra plus la lettre en les rouvrant, que celle-ci n’est qu’un mauvais rêve, l’aboutissement-cauchemar de ses appréhensions depuis la mort de Willy. Mais elle est bien là, la missive, blanche et brutale sur la table, barrée de deux plis en croix. Emma se vide dans un soupir sans fin. Jane Davon veut voir son petit-fils avant de rendre l’âme. « Willy est tout ce qui me reste de John, grince la lettre, et j’espère qu’il lui ressemble beaucoup. »

— La guenon ! La truie ! L’horrible bique ! enrage Emma en écrasant les mots sous ses dents.

Elle avale sa salive. Une coulée de fiel. Il n’y a plus de Willy, et la bourse de la vieille va se refermer d’un coup. Que faire ? Répondre à Jane Davon que Willy est malade et qu’il ne peut voyager ? Cela ne tiendra qu’un temps. Et puis la grand-mère peut débarquer sans crier gare. Découvrant l’existence de Mary et, se rendant compte de la disparition du garçon, la vieille va piquer une colère et traîner sa bru en justice. Ce sera la prison pour Emma ! Quant à Mary… ! Mary ?

Le regard de la mère se pose sur sa fille. Un regard de louve. Sauvage et maternel à la fois. La fillette joue à la poupée près de l’âtre. Elle est grande pour son âge. De la même taille que Willy. Une idée germe. Qui grandit à la vitesse de l’éclair. Qui fait suffoquer tant elle est folle. Folle, mais parfaitement réalisable. Emma plisse les yeux afin d’évaluer la silhouette de sa fille. Le tour de hanches, les épaules… pas de problème. Pour la ressemblance, il faudra voir une fois les cheveux coupés.

— Mary !

La gamine lève un œil.

— Viens ici ! ..
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Si par malheur tu en parlais, je te couperais la langue, et nous n’aurions plus que des rats à bouffer.

Mary hoche la tête. Elle s’est déjà mordu la langue, ce n’est pas cela qui l’inquiète. Mais bouffer des rats crevés, ah non alors !
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Debout devant la mer, Mary.

Dans ses bras, sa poupée. Une poupée de chiffon que lui a offerte un homme au tricorne noir. Dans sa main, une pierre plate. Une pierre à l’angle tranchant qui lui blesse la paume tant la fillette la presse entre ses doigts. Mais elle a besoin d’avoir mal, Mary, pour oublier le vent qui la transperce de son froid.

Du haut de ses six ans, elle regarde la mer. Une mer qui ronfle et fait le dos rond avant d’étaler des coups de langue sur les bancs de sable et de tremper les jambes des ramasseurs de varech.

Un sourire éclaire soudain le visage de la gamine.

— Le voilà ! annonce-t-elle à sa poupée. Willy a eu raison de m’envoyer sur la plage pour surveiller la mer à sa place.

Un navire blanc creuse sa route dans les flots. Il a surgi d’un coup, semblable à une grande mouette brusquement tombée du ciel. Mary ne voit plus que lui sur l’eau. Effacés, les bateaux de pêche pas plus gros que des moineaux ! Le regard de Mary passe à travers les ramasseurs d’algues et leurs charrettes attelées à des bœufs, et il va s’ancrer sur les voiles de la frégate qui pénètre dans l’estuaire.

— Papa est enfin de retour, dit-elle avec l’impression d’avaler des bouffées d’air. Papa revient ! Papa est là ! se met-elle à claironner à la cantonade, appelant les hommes et les femmes à partager le bonheur qui l’étouffe.
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Elle court comme une enfant qui découvre une aire de jeux, comme un mousse qui monte sur son premier navire et l'explore du tillac à la soute. Elle court, heureuse. Elle court sur ses vingt ans.
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Mary insiste. Elle clame le retour de son père avec des mots qui claquent au vent. Les hommes haussent les épaules, les femmes se cassent en deux pour reprendre leur labeur et charger les carrioles de longs serpents bruns gluants. La joie de Mary se mue en colère. Comment ? C’est tout ce que ça leur fait, à ceux-là, que son père rentre au bercail après toutes ces années d’absence ? La fillette leur en veut de saper son exultation. Elle plisse son front et lance du plus profond d’elle-même :

— Vous mentez ! Vous êtes jaloux ! Espèces de… de… de chiures de mouche !

Un gaillard se redresse. Il en a plus qu’assez d’entendre la petite piailler.

— Ton père, l’océan l’a avalé ! fait-il en mimant avec les mains deux mâchoires qui se referment. Le bateau qui le transportait n’est jamais arrivé à destination. Il a coulé lors d’une tempête ou il a été attaqué par les pirates.

— C’est pas vrai ! réplique Mary. Il est là, son bateau ! appuie-t-elle en montrant le vaisseau qui remonte le rivage. Il va s’arrêter et me rendre mon papa.
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Le Diable a abattu sa carte. Et bran pour les mauvais joueurs !
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La nuit ricane dans le marais. Les crapauds poussent des coassements qui éclatent à la surface des étangs tels des borborygmes, des pets monstrueux dans l’eau. Si Willy ne pèse pas lourd dans les bras d’Emma, la bêche fait son poids dans les mains de Mary. La fillette ahane, elle a du mal à suivre les enjambées de sa mère, surtout avec la boue qui aspire ses souliers dans un bruit évoquant un baiser mouillé. L’air est tranchant, l’effort pousse à tousser, mais la gamine se retient, effrayée à l’idée d’avaler la maladie de son frère. Elle n’a pas envie de cracher du sang et de mourir noyée à l’intérieur d’elle-même.

Emma s’arrête enfin. Elle jette un regard rapide autour d’elle, puis dépose son fardeau au sol. Elle saisit la bêche et, d’un coup sec du talon, l’enfonce dans le sol.
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