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Fuyant une conjuration contre les anarchistes, Lucio Doria s'enfuit de Naples, « une ville pleine de couleurs et de parfums », pour le Mexique, en compagnie d'un groupe hétéroclite avec qui il va fonder une commune agricole. Quatre-vingts ans plus tard, il fait le voyage inverse pour retrouver les « fantômes » de ses compagnons disparus et raconter les événements tels qu'il se les rappelle, tels qu'il les invente, tels qu'il les reconstruit.
Pour eux, le XXe siècle a commencé sur le navire qui les conduit à Veracruz, en provenance de la Havane. Ils débarquent dans le Mexique de Porfirio Diaz : « Une dictature, ce n'est pas seulement une structure de pouvoir verticale construite sur la peur, l'armée et la répression, les curés, les apparences, le contrôle de l'information, le mensonge et l'habitude, la fausse promesse d'un progrès dont personne ne sera soi-disant exclus ; c'est aussi tout un réseau de passe-droits, de complicités, de copinages, de fraudes et d'accommodements qui huilent la machine de haut en bas de la pyramide. La dictature c'est de la merde. »
Rapidement, ils comprennent que le gouverneur Teodor Dehesa leur a concédé la propriété des Magnolias dans le but de déclencher un conflit avec les Indiens, qui servirait de prétexte pour dépouiller ceux-ci de leurs terres. « Les titres de propriété, c'est bon pour se torcher le cul avec », a expliqué au sorcier celui qui se fait appeler le curé Marco, déclaration de Genève de la Première Internationale à l'appui. Mémé Grimaldi, elle, défend une égalité des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, mais dans la différence. Elle se prononce aussi pour une répartition égalitaire du travail et aussi pour prendre partie aux côtés des Indiens, car « celui qui est témoin d'une injustice sans agir n'est qu'une canaille, un stronzo et un puzzolente ».

Ignorant tout de l'agriculture, il s'emploient à confectionner un alambic pour distiller de l'alcool de noix et de nance, une variété de prune locale, et volent dans les églises pour acheter des armes… avec la bénédiction de don Marco. Tous offrent souvent leur nudité au soleil, pour bronzer.
Mais comme l'avait écrit le journal dirigé par les frères Flores Magon, « de toutes les plaies qui frappaient l'État de Veracruz, la fièvre jaune, la variole, Dehesa était la pire. » L'expérience tourne court. Lucio reste le seul dernier survivant de la communauté au Mexique. Il sera pharmacien, instituteur, imprimeur clandestin, journaliste, commentateur de baseball, vendeur de fruits, croisera Che Guevara dans la file des cubains qui embarquaient sur le Granma et Pancho Vila à El Paso, recevra deux balles en Espagne, engagé dans le bataillon Garibaldi.
Régulièrement un « choeur antique », composé de deux ou trois commères napolitaines occupées à étendre du linge à leurs fenêtres, ponctue le récit de leurs commentaires. « Pour elles, les grands propriétaires sont des casses-couilles partout dans le monde, la chose étant de notoriété publique bien que la télévision n'en parle pas. »
Et quand Lucio revient à Naples, à quatre-vingt-treize ans, sa langue maternelle, le dialecte napolitain, lui revient spontanément. Cette ville lui rend le sourire : « Les gens ont cassé les feux de signalisation et proclamé l'anarchie de la circulation. Et ça marche. » Hanté par le souvenir de ses amis, il cherchera en vain leurs traces, poussé comme beaucoup par le « besoin de remplir ce misérable cimetière que sont devenues nos vies, de le peupler d'archanges flamboyants et de héros à la mesure d'autres temps ». « Notre époque a perdu le goût de l'héroïsme, le sens tragique de cette vie qui n'est rien de plus qu'une farce romantique aux conséquences inévitables. Disparus, ces hommes et ces femmes qui vivaient avec l'exigence que rien, rien du tout, pas un cheveu, ne sépare leurs paroles et leurs actes ; ces êtres humains qui ont traduit en actes chacun de leurs mots. »


Sébastien Rutés, le traducteur, fin connaisseur de l'oeuvre de Paco Ignacio Taibo II, dans une postface brillante, recense les figures anarchistes dans les romans de celui-ci, ce « panthéon de gauche » qu'il s'est employé à bâtir. Il analyse les thématiques régulièrement évoquées de l'échec politique de 1968, de la légitimité de la violence révolutionnaire, du choix de l'action individuelle ou de l'action collective, de la fraternité.

Remarquable travail d'édition, notamment par l'apport d'illustrations, culs-de-lampe discrets, gravures en pleine page, magnifiques et marquantes.
Paco Ignacio Taibo II nous emporte dans une nouvelle épopée virevoltante, avec sa virtuosité coutumière, se confronte à ses vieux démons, dans une langue toujours aussi luxuriante.


Article à retrouver sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Une petite communauté d'anarchistes napolitains s'établit au Mexique et tente de donner vie à ses idéaux dans le cadre d'une commune agricole. Ils se heurteront vite à la répression du dictateur en place qui avait pour objectif de les instrumentaliser contre les Indiens.
C'est cette histoire que raconte le vétéran Lucio Doria de retour à Naples.
C'est une succession de courts chapitres, focalisés sur un événement ou un personnage, c'est raconté avec humour et la sympathie militante de l'auteur est évidente.
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"Une dictature, ce n'est pas seulement une structure de pouvoir verticale construite sur la peur, l'armée et la répression, les curés, les apparences, le contrôle de l'information, le mensonge et l'habitude, la fausse promesse d'un progrès dont personne ne sera soi-disant exclu; c'est aussi tout un réseau de passe-droits, de complicités, de copinages, de fraudes et d'accommodements qui huilent la machine de haut en bas de la pyramide. La dictature, c'est de la merde."

Bonheur de lecture, pépite et tutti quanti !
« Revenir à Naples » est un savoureux mélange d'humour, d'histoire, de drame et d'engagement politique dans le contexte historique du Mexique du début du XXeme siècle.

Alors que le pays est dirigé par Porfirio Díaz, le gouvernement, par l'intermédiaire des consulats, invite des européens à venir coloniser et cultiver des terres appartenant aux autochtones.
C'est dans ce contexte que débarque à Veracruz un groupe d'anarchistes napolitains qui voient là l'opportunité de fuir la faim et les prisons italiennes. Malheureusement l'agriculture n'est pas vraiment leur domaine. Parmi eux il y a un curé, une prostituée, un équilibriste, un philosophe et même un chasseur de lapins!
Viscéralement allergiques à toute forme d'injustice et d'autorité, cette petite communauté n'a pas fini de faire parler d'elle au grand dam du gouverneur et Lucio, le plus jeune du groupe, va commettre un péché qui le forcera 80 ans plus tard à retourner dans sa Naples natale.

Un court roman, composé de 68 chapitres aussi brefs que incisifs. A travers l'histoire du retour au pays de Lucio, l'auteur se moque des puissants, souligne la corruption et affiche sa sympathie envers les idéalistes et ceux qui se révoltent. C'est totalement réjouissant mais attention la farce pourrait bien se transformer en drame…

Traduit par Sébastien Rutés

Une très belle édition agrémentée de gravures et d'illustrations qui me donne furieusement envie de découvrir le reste du catalogue des éditions Nada
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La couverture et le résumé m'ont intrigué, mon libraire me l'a chaudement recommandé.. et je ne l'ai pas regretté.
Un groupe d'anarchistes italiens fuyant leur pays viennent tenter l'aventure au Mexique dans la région de Veracruz en 1900.
Les chapitres, courts alternent entre l'histoire de ces anarchistes et de Lucio alors adolescent, de Lucio à quatre vingt treize ans de retour à Naples à la recherche du pardon, les aventures du comte Cheli, conseiller du très corrompu gouverneur du Veracruz au service du président dictateur Diaz et enfin les commentaires de deux napolitaines.
L'histoire est prenante, impossible de le lâcher avant de connaître la fin. la traduction est de très bonne qualité. Un bon moment de lecture.
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j'ai été attiré par la couverture de ce roman, (ce qui n'est pas conseillé habituellement) et par la 4ème de couverture, je l'ai donc acheté.
Au début j'ai douté et puis au fil des pages j'ai été happé par la manière de raconter de l'auteur. Certains chapitres ne font qu'une page, et le livre s'égrène comme un collier de perles. Au fil des perles ont suit l'histoire de Lucio Doria, anarchiste italien du début du vingtième siècle, qui va d'espoir en désillusion et revient à la fin de sa vie à Naples. une très belle découverte que cet auteur.
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Mouais ! C est special ! Parfois on ne comprend pas trop la liaison entre chapitre ! Ca semble sans queue ni tete ! l'histoire pourrais etre tres interessante pourtant ...un brin historique ..mais c est assez étrange.
Chapitres courts du coup ca se lit vite.
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Nous avons attendu longtemps, longtemps "Revenir à Naples". Paco Ignacio a mis dix ans à écrire ses 170 pages. On y retrouve tout son univers mais de façon très elliptique. Si vous n'avez pas lu au moins 15 autres de ses bouquins (romans et biographie), je ne vous le conseillerai pas. Commencez par le début. Malgré tout c'est un indispensable pour les amoureux de Paco Ignacio et de l'amérique latine. La critique du diplo dit tout du bouquin et je ne ferai pas mieux
Lien : https://www.monde-diplomatiq..
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