Un roman graphique tout en contrastes! L'idée classique, un brin usée, du voyage dans le temps, l'exploitation de la nostalgie de l'enfance, cela ne laissait guère pressentir les subtilités de cette histoire. J'ai eu peur un instant d'un dénouement style "vis tes rêves, crois en toi" mais non, c'est - heureusement - plus complexe.
L'histoire n'est qu'un prétexte pour nous interroger sur le destin, la possibilité de choisir, et les rapports intra-familiaux. Et là, il faut reconnaître que c'est plutôt bien joué, et qu'il n'y a pas de conclusion toute faite.
Un bon point aussi pour les personnages féminins. Alors que les masculins sont au final, assez prévisibles, presque caricaturaux (les profs évidemment sévères mais bienveillants, Masao le fan de moto, les salarymen forcément alcooliques) les femmes représentent un éventail de caractères plus large, et moins attendus. Si certaines sont soumises, d'autres apparaissent libres, comme la savoureuse serveuse de bar ou la jeune Kyôko, aussi attachante qu'insupportable.
Taniguchi ne peut que nous toucher: impossible de ne pas penser à ses propres parents. Poignantes questions que de se demander s'ils ont été heureux, s'ils ont vécu la vie qu'ils auraient voulu avoir, et, au final, qui ils étaient vraiment? Questions auxquelles nous n'aurons jamais de réponse certaine...
Le trait fait montre aussi de contrastes, certainement voulus: si les personnages sont dessinés à la ligne claire, si leurs mimiques frôlent parfois le style manga, voire dessin animé japonais fruste des années 80, les paysages et les villes sont délicats, pointillistes. du
Roy Lichtenstein qui aurait copié sur Seurat, avec, cerise sur le gâteau, un splendide noir et blanc. Une réussite!