Des années que les lecteurs me disent d'essayer, que je suis bornée et pleine de préjugés à propos des mangas.
L'été dernier, je voyais bien que je commençais à m'en approcher: je tournais de plus en plus près du rayon BD, je prenais en note des titres, je posais des questions.
Et lors du dernier RV à la médiathèque "autour des bulles" (de BD pas de champagne), j'ai craqué! Sur les conseils avisés de lecteurs de mangas, j'ai débuté en découvrant
Jirô TANIGUCHI et les deux tomes de Quartier lointain.
Un véritable coup de coeur. Même si au premier coup d'oeil les dessins m'ont fait penser aux dessins animés que je détestais regarder parce que c'étaient ceux de mon petit frère, j'ai vite oublié ces personnages aux visages un peu taillés à la serpe. Les détails sont saisissants de réalisme et surtout très travaillés. J'ai plongé dans le Japon de la modernité mais aussi des années 70.
Alors que le héros (un homme d'une cinquantaine d'années) prend le train pour rentrer chez lui, encore embrumé de ses excès d'alcool de la veille, il se trompe de destination et, par mégarde, prend le chemin de sa ville natale. Ce retour dans le passé ira bien plus loin puisque se rendant sur la tombe de sa mère, il s'assoupit et se réveille dans la peau du jeune homme de 14 ans qu'il a été.
Il va revivre son histoire, revivre une période de sa vie, celle des premiers amours, celle qui précède le départ inexpliqué de son père. Evidemment, l'homme adulte et sa conscience, sa connaissance vont inévitablement influer sur le présent de l'enfant.
C'est une belle histoire où le fantastique est un prétexte à l'introspection. Une fable où il est question de ne pas oublier l'essentiel : que faisons-nous de nos rêves d'enfant? de nos vies? que nous apprend notre histoire? Quelles leçons tirons-nous de l'expérience vécue? Et qu'en est-il de la reproduction de schéma? Car c'est aussi l'occasion de s'interroger sur l'histoire familiale: que savons nous de celle-ci? que savons de nos parents? de ce qui les a réunis? séparés?
Il y est aussi question d'amitié, des amitiés d'enfance qui nous bâtissent, que nous décidons de conserver, de la relation fraternelle qui nous unit, enfants.
Les "Et si...?" pourraient ponctuer chaque scène.
Cet album est d'une rare densité, et il m'a laissé très longtemps songeuse...