Citations sur La steppe (79)
Pendant le repas, la conversation fut générale. De cette conversation Iégorouchka déduisit que ses nouveaux amis, malgré les différences d’âge et de caractère, avaient quelque chose en commun, qui les faisait se ressembler entre eux : c’étaient tous des gens avec un passé admirable et un présent déplorable ; sans exception, ils parlaient de leur passé avec enthousiasme et traitaient leur présent quasiment avec du mépris.
Le Russe aime se souvenir mais n’aime pas vivre ; Iegorouchka ne savait pas cela, et avant que la soupe ne fût mangée, il croyait fermement que les gens qui l’entouraient étaient des humiliés et des offensés du destin.
Iegorouchka était couché sur le dos, et les mains derrière la tête, regardait le ciel au-dessus de lui. Il vit s'allumer puis s'éteindre les lueurs du soleil couchant ; les anges gardiens, couvrant l'horizon de leurs ailes d'or s'installaient pour dormir ; la journée s'était écoulée heureusement, une nuit paisible et heureuse s'était faite et ils pouvaient tranquillement rester tranquillement chez eux au ciel... Iégorouchka vit le ciel s'obscurcir peu à peu, les ténèbres descendre sur terre, les étoiles s'allumer une à une.
Lorsqu'on regarde longuement un ciel profond, sans en détacher les yeux, on ne sait pourquoi les pensées et l'âme s'unissent en un sentiment de solitude. On commence à se sentir irréparablement seul [...]
[Anton TCHEKHOV, "La Steppe. Histoire d'un voyage" / "Степь. Исто́рия одно́й пое́здки", 1888, traduit du russe par Vladimir Volkoff, éditions LGF-Le Livre de Poche, coll. "libretti 2 €", 1995 - chapitre V, pages 78-79]
On ne se rend compte de l'insondable profondeur et de l'infini du ciel qu'en mer, ou alors dans la steppe, la nuit au clair de lune.
[Anton TCHEKHOV, "La Steppe. Histoire d'un voyage" / "Степь. Исто́рия одно́й пое́здки", 1888, traduit du russe par Vladimir Volkoff, éditions LGF-Le Livre de Poche, coll. "libretti 2 €", 1995 - chapitre IV, page 54]
À l’aube d’un beau jour de juillet, une calèche quitta N., chef-lieu de district de la province de Z., et s’engagea à grand fracas sur la route postale. C’était une vieille calèche sans ressorts, toute déglinguée, une de ces calèches antédiluviennes dans lesquelles ne voyagent plus maintenant en Russie que les commis, les éleveurs et les prêtres pauvres. Chacun de ses mouvements était ponctué d’un grand vacarme et d’affreux grincements auxquels faisait lugubrement écho un seau attaché à l’arrière-train. Tout ce bruit qu’elle faisait et les lambeaux de cuir jaune qui pendaient de son corps pelé montraient à quel point elle était décrépite et bonne pour la casse.
Si Dieu n'existait pas, les hommes l'auraient inventé. :-)
Un milan vole en rase-mottes, battant harmonieusement des ailes, et s'arrête soudain en l'air, comme pour réfléchir à l'ennui de vivre, puis il les secoue et file au-dessus de la steppe comme une flèche, sans qu'on sache pourquoi il vole ni ce qu'il veut.
Il voyait si bien que la steppe qui paraissait un désert brun était pour lui
toujours animée et pleine de vie .
- Qu'est-ce que l'être ? L'être est ce qui est par soi-même et ne nécessite aucune intervention extérieure pour sa réalisation.
Lorsqu’on regarde longuement un ciel profond, sans détacher les yeux, on ne sait pourquoi les pensées et l’âme s’unissent en un sentiment de solitude. On commence à se sentir irréparablement seul, et tout ce qu’on avait naguère cru proche et cher devient infiniment lointain et perd tout prix. Ces étoiles, qui regardent du haut du ciel depuis des millénaires, ce ciel insaisissable et les ténèbres, indifférents qu’ils sont à la vie brève de l’homme, lorsqu’on demeure seul à seuls avec eux et qu’on essaye d’en comprendre le sens, accablent l’âme par leur silence. On songe à la solitude qui attend chacun dans la tombe, et l’essence de la vie apparaît désespérée, atroce.
On ne peut apercevoir l 'immense profondeur et l 'infini du ciel qu 'en mer
ou dans la steppe nocturne ,éclairée par la lune .