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sur 3482 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« ... une bête représente la plus belle récompense de la vie ... »
A l'affût du monde animal qui se dévoile dans sa beauté et sa cruauté pour qui sait attendre et voir, Sylvain Tesson, l'explorateur impatient, suit l'exemple de ses compagnons de route. Il écoute, observe et fait silence car, il le sait, l'ultime récompense, l'animal mythique et magnifique — la panthère des neiges — est à ce prix-là.

Dans cette expérience unique et singulière Sylvain Tesson s'interroge sur le sens et l'origine de toutes vies. Ces questions existentielles et métaphysiques, auxquelles il donne des réponses personnelles et sophistiquées, sont celles d'un homme qui élargit sa compréhension du monde, accomplissant un formidable voyage, les yeux, le coeur et l'intelligence grands ouverts.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Je m'étais régalée avec les magnifiques photographies de la faune tibétaine prises par Vincent Munier publiées dans le superbe album Tibet minéral animal avec des poèmes de Sylvain Tesson. Aussi attendais-je avec impatience de pouvoir lire La panthère des neiges de ce dernier, Prix Renaudot 2019. Je dois avouer que je ne l'ai pas autant savouré que je l'espérais. Dans les forêts de Sibérie ou Sur les chemins noirs m'avaient davantage plu.
Nous partons donc avec Vincent Munier, talentueux photographe animalier, sa fiancée Marie, cinéaste, Léo, aide de camp philosophe de Munier et bien sûr Sylvain Tesson qui a accepté de l'accompagner au Tibet, dans l'espoir d'apercevoir la fameuse panthère des neiges. Tesson a dû promettre à Munier, s'il écrivait un livre de ne pas donner le nom exact des lieux : "Ils avaient leurs secrets. Si nous les révélions, des chasseurs viendraient les vider."
C'est sur les hauts plateaux du Tibet que nous retrouvons l'auteur avec ses amis, par une température avoisinant parfois les - 30°C, à l'affût, de la fugace panthère des neiges. Ils vont croiser des antilopes, des yacks sauvages appelés drung, que Munier vénère, des chèvres bleues, des loups... et finiront après de longues attentes dans le froid et le silence par apercevoir cette éblouissante panthère des neiges, cette once, ce magnifique félin dont le "pelage, marqueterie d'or et de bronze appartenait au jour, à la nuit, au ciel et à la terre."
C'est cette approche et cette attente immobile et silencieuse que l'écrivain-voyageur s'attache à nous faire découvrir. "Le principe du guet est d'endurer l'inconfort dans l'espoir qu'une rencontre en légitime l'acceptation."
Beaucoup de poésie dans les descriptions de ce cadre idyllique, de considérations sur la vie et de pensées philosophiques, d'aphorismes, spécialité de Tesson, rencontré lors des Correspondances de Manosque 2019, agrémentent ce récit, mais aussi beaucoup d'amertume et de désillusion sur la nature humaine.
Je retiendrai cette technique de l'affût qui peut devenir un style de vie pour découvrir n'importe où, la beauté de la vie pour peu qu''on veuille bien lâcher-prise.
La lecture de cette belle chronique d'une attente où la patience est récompensée mais sans certitude aucune a été enrichissante et plaisante mais ne m'a pas cependant captivée.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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A moi les grands espaces et le temps suspendu !

Pour mon initiation à l’œuvre de Sylvain Tesson, j’ai bourlingué aux confins du Tibet sur les traces de la panthère des neiges, « le fantôme des montagnes », spécimen mythique et insaisissable d’une espèce classée vulnérable, convoité ici par la « bande des quatre ».

Quatre… braconniers ? Point du tout, qu’on se rassure : un aventurier-photographe, deux de ses comparses, et notre auteur, convié à les accompagner. Rien que des contemplatifs du vivant, des chasseurs de beau, des guetteurs de rare.

« L'affut est un pari : on part vers les bêtes, on risque l'échec. Certaines personnes ne s'en formalisent pas et trouvent plaisir dans l'attente. Pour cela il faut posséder un esprit philosophique porté à l'espérance ».

Ainsi se déroule ce texte à la fois méditatif et concret, reliant la sagesse de Munier, photographe impassible, aux observations de Tesson, néophyte impatient.

C'est un lent récit d'aventures mais plus encore un roman d'émerveillement, tissé d'obstination, de patience et de poésie, prélude à une réflexion on ne peut plus d'actualité quant au rôle de l'humain dans l'époustouflant spectacle de la nature.

Pas toujours très glorieux hein, l'humain, est-il besoin de le préciser ?...


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Je considère la lecture comme une manière de revenir à l'essentiel. L'acte en lui-même demande à ce que l'on change de rythme. Se poser quelque-part, et prendre le temps de lire les premières pages d'un bouquin est souvent synonyme d'apaisement. Ce n'est pas anodin si, par exemple, certaines écoles suspendent, quotidiennement, le tumulte des cours pour laisser place à la lecture. de l'élève au directeur, chacun sort alors son livre et c'est tout l'établissement qui plonge dans un silence apaisant pendant une quinzaine de minutes. Certains lisent des romans, d'autres des bandes dessinées ou des mangas. La seule réelle restriction réside dans l'interdiction de lire sur un écran afin que ce moment (re)devienne un plaisir sain. Cette routine permet à chaque personne de ressentir les bienfaits de la lecture. Et peut-être d'y prendre goût.

À l'opposé de cette manière douce d'entrer en contact avec le monde du livre, il y a l'immanquable rentrée littéraire. Une fureur déferle alors sur les médias dès la fin du mois d'août et atteint son climax au fur et à mesure des remises de prix. Ce bourrage de crâne, où chaque nouveauté se transforme en coup de coeur ou en livre de l'année, a tendance à me faire fuir. La machine publicitaire, bien rodée, n'y va pas avec le dos de la cuillère et colle parfaitement à l'époque puisqu'on ne lit plus un livre non, … on le consomme. Certains me rétorqueront que le monde littéraire a besoin de la rentrée littéraire et de sa visibilité pour (sur)vivre. Mais ne soyons pas dupe, cette fureur commerciale profite surtout aux grandes maisons d'édition, les autres se partageant gracieusement les miettes.

Et pourtant, comme beaucoup de personnes, je reste un être de contradiction. Il y a quelques années, sans ce marketing, mes oreilles n'auraient peut-être jamais entendu le nom de Sylvain Tesson et de son fameux « Dans les forêts de Sibérie ». Un livre et un auteur que dont j'ai appris à apprécier la finesse au fil de ses ouvrages. Quand son dernier récit, La panthère des neiges (1) remporta le prix Renaudot 2019, je décidais avec force conviction de retarder sa lecture afin de laisser passer la folie médiatique qui accompagne un livre fraîchement couronné. Un plus tard, il était temps de voir ce que Tesson avait à nous dire à travers son dernier bouquin. Petite analyse.

Cet ouvrage est une histoire de rencontres. Il y a d'abord celle de deux hommes, Vincent Munier le photographe et Sylvain Tesson l'écrivain, qui projettent, depuis les bords de la Moselle, une expédition au Tibet à plus de quatre mille mètres d'altitude. le but est d'apercevoir le fantôme des montagnes, c'est-à-dire une panthère aussi majestueuse qu'insaisissable. le duo d'aventuriers, accompagné de deux autres personnes, forment un quatuor plus ou moins hétérogène tels les quatre éléments de la Terre: quand l'un est capable de rester tapis dans l'ombre, pendant des heures à l'affût du cliché parfait, l'autre, plus bavard, considère l'attente comme une sacrée expérience en soi.

“ Moi qui aimais courir les routes et les estrades, accepterais-je de passer des heures, immobile et silencieux ?

Tapis dans les orties, j'obéissais à Meunier : pas un geste, pas un bruit. Je pouvais respirer, seule vulgarité autorisée. J'avais pris dans les villes l'habitude de dégoiser à tout propos. le plus difficile consistait à se taire. “

Il s'agit aussi de rencontres entre des animaux et des hommes. Au loin un troupeau de yachts est aperçu entrain de paître, à droite un chat de Pallas fixe ce drôle de quatuor d'humains puis disparait, au bord d'une falaise un loup hurle sa vie. L'équipe est entouré d'une faune que l'on ne trouve quasi plus sous nos latitudes européennes. Et puis surgit la fameuse panthère tachetée de gris dont le pelage se confond avec les masses rocailleuses des montagnes. Sylvain Tesson décrit ce qu'il voit du bout de sa plume poétique, versant parfois dans l'excès par ses tics de géographe et ses nombreux aphorismes. Il n'en reste pas moins que la magie opère, surtout quand l'auteur lâche le trop-plein de mots savants et fait parler son intarissable passion de la nature.

La recherche de cette panthère des neiges est aussi une ode, à peine déguisée, pour un amour enfui dans les catacombes des souvenirs de l'auteur. Partir à la quête d'un animal presque disparu est d'autant plus symbolique que Sylvain Tesson nous confie au détour de quelques phrases émouvantes le décès de sa mère à qui il semble dédicacer cet ouvrage :

“ La vie se rassemblait: naître, courir, mourir, pourrir, revenir dans le jeu sous une autre forme. Je comprenais le souhait des Mongols de laisser leurs morts se décomposer dans la steppe. Si ma mère l'avait dicté j'aurais aimé que nous allassions déposer son corps dans un repli des Kunlun. Les charognards l'auraient déchiqueté avant de se livrer, eux-mêmes, à d'autres mâchoires, et de se diffuser en d'autres corps – rat, gypaète, serpent –, offrant à un fils orphelin d'imaginer sa mère dans le battement d'une aile, l'ondulation d'une écaille, le frémissement d'une toison. “

La panthère des neiges est un récit sur le temps lent. Nous suivons un Sylvain Tesson allant jusqu'à l'immobilisation, et qui regarde la vie du monde sauvage se dérouler sous ses yeux. Ce livre est une invitation à la contemplation de ce qui nous entoure. Nul besoin de parcourir les steppes pour déjà observer les mouvements du cosmos qui perdurent depuis la nuit des temps. Enfin, je ne regrette pas d'avoir laisser passer la tempête médiatique de 2019 suite au succès de ce court roman car ce livre ne se dévore pas, ni ne se consomme, au risque de rester hermétique aux mots qui, certes, sont parfois un tantinet trop alambiqués à mon goût mais cela n'enlève rien au charme des 176 pages. À déguster subtilement, à l'horizontale, les fesses dans l'herbe et le nez pointé vers le ciel. 😉
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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La première fois que j'avais mis les pieds au Tibet, c'était avec Tintin et l'image du capitaine Haddock jurant en trouvant sa bouteille de whisky vide est toujours ancré dans ma mémoire.

Là, je viens d'y repartir avec Sylvain Tesson, je suis restée à l'affût avec d'autres, le tout par -30°, j'en ai eu froid mes mains, mes pieds, mais ça valait la peine de se les geler.

La panthère des neiges est en voie d'extinction, il n'en reste que 5.000 spécimens et si son alimentation vient à manquer, elle disparaîtra elle aussi. Dommage, je viens à peine de faire sa connaissance…

Le voyage était épique, froid, glacial, sans le whisky de ce bon vieux Haddock pour nous réchauffer mais ce qui m'a tenu chaud, c'est la plume de monsieur Tesson.

L'auteur a de la gouaille sur le plateau de la Grande Librairie mais il en a aussi sur le papier ! Utilisant des phrases qui ne sont ni simples, ni simplistes, l'auteur joue avec le français, le déroule sous nos pieds, tel un tapis rouge et c'est avec des yeux avides d'en lire plus que je l'ai dévoré en une courte soirée, telle une panthère des neiges affamée.

On pourrait croire qu'à plus de 5.000 mètres d'altitude, en frôlant les 6.000, même, il n'y aurait pas de vie dans ce désert de neige, de glace ou ce désert tout court.

Détrompons-nous, il y a de la vie, même si elle se cache pour mieux observer l'Homme qui parcourt ces montagnes et ces étendues désertiques. Et si Munier sait nous le montre avec ses jolies photos, Tesson, lui, nous l'explique de ses mots, avec brio.

Ce roman d'aventure, cette enquête policière à la recherche des traces de la panthère des neiges, c'est aussi un récit de patience, d'humilité, d'attente, qui aurait pu ne pas être récompensée car ils auraient pu rester à l'affût des jours et des jours et ne jamais la voir, elle qui sait si bien se camoufler et se fondre dans le décor.

C'est aussi un bon prétexte pour faire de l'introspection, puisque Sylvain Tesson, qui adore causer, devait se taire et observer le Maître Munier qui pense comme une bête afin de mieux la voir.

Si Sylvain dû se taire, ça ne l'empêcha pas de faire quelques calembours et aphorismes et ils ont eux le don de me faire sourire ou de me faire réagir à la Vérité qui s'étalait sous mes yeux.

Plus qu'un roman magnifique, plus qu'un voyage éprouvant, plus qu'une quête d'un animal mythique, plus qu'un plaidoyer pour la sauvegarde des animaux – dont la panthère des neiges – c'est aussi un roman qui parle du respect d'autrui, autant de l'Humain que de l'Animal, de la capacité à se dépasser, à rester immobile, silencieux, à vivre dans un climat hostile et à aller à la rencontre des gens qui vivent dans ces montagnes.

Un roman qui donne envie de découvrir les livres de Vincent Munier et les très belles images qu'il a prises, sans oublier ses récits de photographe.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Lire Sylvain Tesson n'est pas seulement un immense plaisir littéraire, c'est aussi un merveilleux moyen de voyager dans ses pas, patiemment, en suivant son regard toujours à l'affut pour être sûr de ne rien rater de ce monde magnifique.
Dans cet opus, nous le suivons sur les hauts plateaux du Tibet en espérant apercevoir « La panthère des neiges ».
L'écriture est toujours magnifique, précise dans sa narration.

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Vincent Munier est le plus grand photographe animalier de son temps, les scientifiques le regardent de haut, car il considère la nature en artiste. Sylvain Tesson l'accompagne au Tibet sur les traces de la panthère des neiges. S'ils veulent avoir une chance de l'apercevoir, il faut la chercher en plein hiver à cinq mille mètres d'altitude. Il reste 5000 panthères dans le monde, statistiquement on compte plus d'êtres humains vêtus de manteaux faits avec leur fourrure.

C'est donc le récit de cette aventure que nous compte Sylvain Tesson. L'auteur n'épargne personne ni les autorités chinoises accusées d'avoir défiguré le Tibet
« le gouvernement chinois avait réalisé son vieux projet de contrôle du Tibet. Pékin ne s'occupait plus de pourchasser les moines. Pour tenir un espace, il existe un principe plus efficace que la coercition : le développement humanitaire et l'aménagement du territoire. L'État central apporte le confort, la rébellion s'éteint. »

Ni les scientifiques responsables selon lui des méfaits de l'évolution et du développement de notre société.
« Le monde était un coffre de bijoux. Les joyaux demeuraient rares, l'homme ayant fait main basse sur le trésor. »
Mais ce livre ne se limite pas à un plaidoyer écologiste, c'est une formidable rencontre avec la nature dans ce qu'elle a de plus beau et de plus sauvage. Les loups qui chantent, les yaks sauvages qui ont appris à regarder passer les trains à 4000 mètres d'altitude. Et puis la rencontre tant attendue :
« A cinq cents mètres, elle levait la tête et humait l'air, c'était le plus beau jour de ma vie depuis que j'étais mort. »

Sylvain Tesson nous fait partager le quotidien du chasseur d'images, l'attente, savoir disparaître, se tenir aux aguets, mépriser la douleur, ignorer le temps et la fatigue, ne jamais douter. Il nous dresse le portrait d'un homme qui se confond avec la nature.
« Munier, au lieu d'offrir un manteau de fourrure à sa femme, il l'emmène voir directement la bête qui la porte. »

Mais surtout, l'auteur met en avant cette qualité rare : la patience,
« j'ai appris que la patience était une vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée. Elle aidait à aimer le monde avant de prétendre le transformer. Elle invitait à s'asseoir devant la scène, à jouir du spectacle, fût-il un frémissement de feuille. La patience était la révérence de l'homme à ce qui était donné. »

Ce n'est pas un roman, c'est une invitation au voyage, au respect et à contemplation de la nature. Si l'écriture est belle, les mots choisis et les phrases percutantes, parfois les envolées de l'auteur sont un peu trop lyriques et ses attaques incessantes, contre les scientifiques, la modernité et les progrès néfastes qu'ils apportent à l'humanité, sont un peu pesantes.
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Sylvain Tesson est un bavard impénitent. C'est lui-même qui le dit. Il emploie même le verbe "dégoiser".
Quand Munier lui propose de partir à la recherche de la panthère des neiges, au Tibet, il s'engage dans une voie qui n'est pas la sienne, celle du silence et, surtout, de l'immobilité.
Il va découvrir ainsi une autre facette de sa nature : il se met à philosopher.
Une rude randonnée dans ces montagnes pleines de vies : yacks sauvages, chèvres bleues etc.
Page 123 une photo montre au premier plan un faucon. Et, cachés dans la roche, les yeux de la panthère. J'ai mis un long moment avant de la distinguer. Quel mimétisme !
Encore une belle aventure avec Sylvain Tesson.
Bon voyage.
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Sylvain Tesson est un personnage très clivant, je ne comprenais pas pourquoi.
Je viens d'avoir l'idée de lire les avis négatifs: Sur Babelio, 2 lecteurs n'ont QUE cet unique bouquin dans leur liste: des inscriptions uniquement destinées à dire du mal de cet auteur. Bon. Puis il y a quelques personnes visiblement réfractaires à la littérature, cela existe, je peux respecter; le plus grand nombre affiche une détestation d'ordre idéologique, je pourrais comprendre si les arguments tenaient la route. Mais les reproches (d'ego surdimensionné, d'être un "bobo") ne correspondent pas à ce que je lis.
Tesson est foncièrement anticonformiste, mais sa manière de vivre ce trait de personnalité mérite le respect . Sa problématique: une forte incapacité à supporter une routine banale; sa technique: objectiver son mal-être existentiel en allant se mettre dans des situations extrêmes pour y vivre son pire défi: s'obliger à se retrouver en intimité avec lui même. (ce à quoi il ne parvient que dans un environnement fondamentalement hostile).
Sa sensibilité à la nature, à la vie secrète autour de lui, est réelle. Sa culture et son bon français font partie de lui. Sa fascination pour les mystères qui nous entourent est sincère. Son intellect sans repos le fait parfois se disperser en considérations un peu brouillonnes, mais quoi,
qui d'entre nous serait capable de si belles alternatives à la dépression, qui d'autre se donne vraiment la peine d'aller chercher la beauté sous la noirceur de notre vieille planète, quel autre contemporain a l'élégance de partager ses aventures extrêmes avec tous ceux qui veulent les lire, quel autre écrivain est capable de faire exister si concrètement, si spontanément, les émotions nées de ces rencontres improbables avec des créatures inconnues,
?,?,?,?
Merci Monsieur Tesson.
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Puisqu'il faut aller à l'autre bout de la terre, par 5000 m d'altitude et moins 20 degrés de température pour trouver un animal épargné par la domestication, si ce n'est par l'éradication, Sylvain Tesson n'hésite pas, il y va. L'attente, la patience sont contre nature chez lui mais l'idée de trouver un être qui échappe à la mise en coupe réglée de la nature par l'homme balaie ses réticences et comble ses aspirations. Lorsque Vincent Munier l'invite à la rencontre de la panthère des neiges, il n'hésite pas. Il sait qu'il a rendez-vous avec les origines de la création. Même si le rendez-vous n'est pas honoré par l'animal convoité, l'affût sera une quête salutaire. Une quête philosophique qui ouvrira à la réflexion sur la place de l'homme dans ce monde qui l'a vu naître et prospérer.

Prospérer au point d'occuper toute la place. Homo sapiens n'a plus de prédateur. Après avoir éliminé tous ses concurrents, il est au sommet de la chaîne alimentaire. Une chaîne qui est aujourd'hui mécanisée et n'a plus rien de naturel. En dépit des promesses de la publicité qui a investi les écrans et vante une nature aseptisée. Les animaux sont étiquetés dans les oreilles et élevés en batterie. Les herbivores s'habituent tout doucement à consommer des farines animales. À consommer contre nature.

Au-delà de la beauté virginale de la nature, c'est autant l'espoir de rencontre avec un symbole qui pousse Sylvain Tesson à affronter les solitudes glacées du Tibet. Stimulé par son goût de l'aventure, épaulé par tous les philosophes et autres auteurs illustres dont il s'est nourri des écrits, il répond à l'invitation de Vincent Munier. La réputation de ce dernier n'est plus à faire en matière de photographie animalière. Et c'est de nos jours par la force des choses dans les lieux les plus inhospitaliers de la planète que se sont réfugiés les spécimens rescapés de voracité de l'homme.

La panthère des neiges. Beauté et noblesse de l'animal sauvage que l'homme n'a pas encore avili. Que l'homme n'a pas encore entaché de ses jugements à l'emporte-pièce entre le beau et le laid, le bien et le mal, le vice et la vertu, le doutes et la certitude. Quand il est repu l'animal peut dormir une journée entière. Pas besoin de raison pour vivre encore moins de croyance pour espérer. Pas besoin de confort ni de ce superfétatoire qui empuantit la planète à force de consumer ses ressources. C'est la pureté animale. Cette aurore des temps préservée que Sylvain Tesson est venu chercher si loin, si haut, dans le froid mordant. Et se convaincre finalement que les instants de grâce qu'il aura glanés dans ces affûts incommodes et douloureux lui vaudront enseignement pour la vie. Pour l'observation des moineau, cigale et autre gardon qui luttent pour exister dans les interstices que l'aménagement du territoire leur abandonne en leurre de sa bonne conscience de préservation de la nature.

Animal versus homme : instinct de vie contre déterminisme fatal. Avec Sylvain Tesson chaque pas sous toutes les altitudes et latitudes est un pas dans les méandres de la raison pour disséquer cette obstination qu'a l'homme à se précipiter vers sa perte. C'est fort de réflexion et asséné à grands renfort d'aphorismes et de formules comme il en a le secret. C'est scandé comme une marche obstinée sur des sentiers empierrés, martelé dans les pages d'un livre qu'homo sapiens lira dans son canapé, se disant que c'est beau la nature dans les ouvrages de Vincent Munier.

Et l'ouvrage de Sylvain Tesson toujours aussi évident de bon sens désespéré - en peine perdue ? -aride de croyance, cristallisé de pudeur, avec toutefois une pensée aimante pour « sa pauvre mère », mais surtout avec les mendiants du plateau tibétain l'espoir de « ne pas être réincarné en chien, ou pire en touriste ».
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