Les pierres dorment, les ombres vivent.
Vivre, c'est faire de son rêve un souvenir.
Voyager, ce n'est pas choisir les ordres, c'est faire entrer l'ordre en soi.
Fidèle à l'image de l'impassibilité, saint Augustin prêchait que le bonheur était de « désirer ce que l'on possède déjà »: rien ne vaudrait en somme un chêne sous lequel poser son cul pour l'éternité. Je m'assois quant à moi sur cette pensée mortifère. J'y suis aussi étranger qu'aux charmes de la Jamaïque.
J'ai compris qu'à trop vite divaguer sur les cartes on risquait la déception. Car le voyageur, une fois l'esprit encombré de mythes, ne partira pas pour découvrir des royaumes inconnus mais pour vérifier si ceux-ci ressemblent à son rêve.
Aucune espèce de revendication intellectuelle, rien de situationniste dans l'escalade des cathédrales. Pas de détournement de la ville à des fins artistiques, pas de surréalisme comportemental. Ce qui nous intéressait dans Saint-Germain-Des-Prés, c'était de grimper dessus, pas de penser dessous.
Parfois, à bout de forces ou à court d'idées, j'ai simplement trouvé refuge sur un banc de parc. Ainsi, je me suis rendu compte que les pouvoirs publics avaient travaillé ferme, depuis une quinzaine d'années, à rendre les planches des bancs les plus inconfortables possible au dos des infortunés. Songeons qu'il y a des ingénieurs dont ce fut le soucis quotidien ! Sitôt sautés du lit de plume, ils se consacraient à leur objectif : contrer le repos des clodos. C'est que le bivouac dérange l'État, car il est une manière de ne jamais être là où celui-ci nous attend.
La paix civile, c'est bien connu, c'est quand chacun dort chez soi.
"Je ne comprends pas les voyageurs qui usent du monde comme d'un divan, et infligent à la route l'insulte d'en faire la thérapeute de leurs névroses"
Pour bien vagabonder, il faut peu de choses : un terrain propice et un état d’esprit juste, mélange d’humeur joyeuse et de détestation envers l’ordre établi. Le terrain le plus propice se trouve dans une nature douce : les terroirs tempérés de la Mittle Europa conviennent entre tous, là où s’entremêlent bocages et forêts sombres. Ainsi le vagabond selon que son âme caracole sur le versant obscur ou lumineux de son être balancera de la clairière brumeuse aux chaumes tièdes. L’essentiel pour bien vagabonder est de ne pas le faire dans une nature hostile car la nécessité de survivre aux embûches convoquerait toute l’énergie et ne laisserait au vagabond aucune jouissance de son état de liberté.
Pour retrouver nos racines, il faut remonter dans les branches.