Citations sur Sur les chemins noirs (903)
Un jour, il y a trente ans, cheminant par les Abruzzes, le loup était revenu dans le Mercantour. Certains esprits s’étaient mis en tête de le protéger. Les bergers en avaient été furieux car la présence du fauve les contraignait à renforcer la veille. « Les amis du loup dorment au chaud dans les villes », s’étaient plaints les éleveurs. Il fallait à présent installer dans les alpages des machines imitant le coup de fusil pour protéger les herbivores des fauves rentrés chez eux. Je serais un loup, je me dirait : « Le progrès ? Quelle farce. »
[p23].
Je vais sortir. il faut oublier aujourd’hui les vieux chagrins, car l’air est frais et les montagnes sont élevées. Les forêts sont tranquilles comme le cimetière. Cela va m’ôter ma fièvre et je ne serai plus malheureux dorénavant.
Thomas de Quincey
Confessions d’un mangeur d’opium
Épigraphe
Moi, je trouvais désinvolte d'avoir couru le monde en négligeant le trésor des proximités.
Goisque convenait qu'il y avait le signe d'une désorganisation mentale à se sentir des îles Kouriles quand on venait de Cambrai.
- Moi dictateur, ajouta Humann, je forcerais chaque enfant à traverser la France à pied. Cela prémunirait de l'obésité et chacun connaîtrait le nom des plantes.
- Et les hommes politiques ! dit Goisque.
On devrait toujours répondre à l'invitation des cartes, croire à leur promesse, traverser le pays et se tenir quelques minutes au bout du territoire pour clore les mauvais chapitres.
Une seule chose était acquise, on pouvait encore partir droit devant soi et battre la nature. Il y avait encore des vallons où s’engouffrer le jour sans personne pour indiquer la direction à prendre, et on pouvait couronner ces heures de plein vent par des nuits dans des replis grandioses.
Il fallait les chercher, il existait des interstices.
Il demeurait des chemins noirs.
De quoi se plaindre ?
Folio épilogue.
Dans une maison d’hôtes d’Azay-sur-Indre, je tombai sur une histoire du bagne de Cayenne. J’y découvris l’antienne des condamnés : « Le passé m’a trahi, le présent me tourmente, l’avenir m’épouvante. » La marche dans les bois balayait ces effrois. J’aurais pu recomposer la ritournelle : « Le passé m’oblige, le présent me guérit, je me fous de l’avenir. »
Folio p142
Je me passionnais pour toutes les expériences humaines du repli.
Folio p139
L’inscription latine gravée au revers du crâne disait la même chose que la plaque de Barjac : »Je fus ce que tu es, tu seras ce que je suis. »
Folio p102
Le dispositif était la somme des héritages comportementaux, des sollicitations sociales, des influences politiques, des contraintes économiques qui déterminaient nos destins, sans se faire remarquer. Le dispositif disposait de nous. Il nous imposait une conduite à tenir insidieusement, sournoisement, sans même que l’on s’aperçût de l’augmentation de son pouvoir.
Folio p100
(…) Leur lecture m’avait appris qu’on pouvait s’ouvrir au monde dans le secret d’un jardin, fonder un système de pensée en regardant les herbes, passer à la postérité protégé de la rumeur du monde et développer une philosophie totalisante qui ne propulsait pas l’homme au sommet de toute considération. Un insecte est une clé, digne de la plus noble joaillerie, pour ouvrir les mystères du vivant.
Folio p78