Un trajet en traîneau la nuit, dans les bourrasques de vent et sous les chutes de neige semble être un motif de la littérature russe - je pense au moins à la "Tempête de neige" de
Pouchkine. L'important, ce n'est pas le but, l'arrivée semblant s'éloigner au fur et à mesure que les personnages se déplacent - ici, ils tournent en rond, arrivant deux fois dans le même village, mais bien le trajet lui-même et la façon dont il transforme moralement, voire spirituellement les personnages.
En effet, face à la tempête, les caractères s'affirment et chacun est confronté à une épreuve.
le cheval Moukhorti - oui, c'est un personnage, il a un prénom, est forcé d'obéir à ses maîtres qui le dirigent mal alors que lui, d'instinct, connaît le chemin. Il doit s'efforcer à survivre alors que les autres ne le considèrent que comme un moyen à leur service. Nikita, le serviteur, est confronté à l'alcoolisme qu'il a fait voeu de combattre pour s'apaiser et arrêter ses crises de démence. Quant à Vassili, le Maître, il cherche à plier la nature à ses désirs, faisant passer ses intérêts d'affaires avant la sécurité, refusant par deux fois la nuit à l'abri qu'on lui propose - car il est un Maître, et les moujiks sont prêts à le satisfaire. Il y a donc indirectement plusieurs serviteurs.
Mais n'y aurait-il pas plusieurs maîtres ? Ou en tout-cas, un Maître suprême, au-dessus de Vassili lui-même, Dieu ? Sa présence est partout dans la nouvelle, et s'impose aux personnages, permettant la rédemption.