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Citations sur Résurrection (105)

Un des préjugés les plus répandus est celui qui consiste à croire que chaque homme possède en propre certaines qualités définies : qu'il y a des hommes bons ou mauvais, intelligents ou stupides, énergiques ou apathiques, et ainsi de suite. Les hommes ne sont pas faits ainsi. Nous pouvons dire d'un homme qu'il se montre plus souvent bon que méchant, plus souvent intelligent que stupide, plus souvent énergique qu'apathique ou inversement ; mais il serait faux d'affirmer d'un homme qu'il est bon ou intelligent, et d'un autre qu'il est méchant ou stupide. Et cependant c'est ainsi que nous jugeons. Cela est faux. Les hommes sont semblables aux rivières : toutes sont faites du même élément, mais elles sont tantôt étroites, tantôt rapides, tantôt larges ou paisibles, claires ou froides, troubles ou tièdes. Et les hommes sont ainsi. Chacun porte en soi le germe de toutes les qualités humaines et manifeste tantôt un côté de sa nature, tantôt l'autre, souvent même, en conservant sa nature intime, il apparaît tout différent de ce qu'il est.

Première partie, Chapitre LIX.
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Au cabaret il avait rencontré un serrurier, ivrogne, également sans travail depuis un certain temps déjà. Une nuit, complètement ivres, tous deux avaient brisé la serrure de cette remise et pris la première chose tombée sous leurs mains. On les avait arrêtés ; ils avouèrent. En prison, le serrurier mourut et maintenant le gamin était jugé comme un être dangereux dont il fallait préserver la société.
« Un être aussi dangereux que la condamnée d'hier », songeait Nekhlioudov en observant ce qui se passait devant lui. « Eux sont dangereux et nous ne le sommes pas ?… Et moi, un débauché, un être dissolu, un menteur, et nous tous, et tous ceux qui me connaissent tel que je suis et qui, loin de me mépriser, m'estiment ? […]
Il est certain que ce n'est pas un criminel de profession, mais un homme comme les autres et qui en est arrivé là seulement parce qu'il s'est trouvé placé dans les circonstances qui engendrent des individus semblables. Aussi est-il clair que, pour éliminer de tels êtres, on doit s'efforcer de supprimer les circonstances qui leur donnent naissance.
Or, que faisons-nous ? Nous nous saisissons au hasard d'un de ces malheureux, en sachant fort bien que des milliers d'autres restent en liberté. Nous les jetons en prison, où ils sont contraints soit à une oisiveté totale, soit à un travail malsain et stupide en compagnie de gens comme eux affaiblis et brisés par la vie. Puis, mêlés aux plus dépravés criminels, nous les déportons aux frais de l'État, du gouvernement de Moscou dans celui d'Irkoutsk.
Nous ne faisons rien pour supprimer les conditions qui créent de tels êtres. Bien plus, nous favorisons les établissements dans lesquels elles prennent naissance. Ces établissements […] sont bien connus de tout le monde. Non seulement nous ne les supprimons pas, mais nous les jugeons indispensables, nous les protégeons, nous veillons à leur bon fonctionnement.
Nous formons ainsi non pas un, mais des milliers de criminels, et lorsque nous en avons empoigné un, nous nous imaginons avoir fait quelque chose, avoir mis une barrière entre lui et nous. En le transportant du gouvernement de Moscou dans celui d'Irkoutsk, nous croyons avoir accompli notre devoir. »

Première partie, Chapitre XXXIV.
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La terre ne saurait être l'objet d'une propriété privée, elle ne saurait être objet de vente et d'achat, pas plus que l'eau, l'air ou les rayons du soleil. Tous les hommes ont un droit égal sur la terre et sur tous les biens qu'elle produit.

Deuxième partie, Chapitre VI.
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Il est évident que toutes les misères du peuple, ou tout au moins la cause principale et immédiate de ces misères, réside dans ce que la terre qui nourrit le peuple ne lui appartient pas, mais se trouve entre les mains de gens qui jouissent de ce droit de propriété, qui vient du travail d'autrui. La terre, si indispensable au peuple qu'il meurt faute d'en avoir, est toutefois cultivée par ces gens réduits à l'extrême besoin, pour que le blé qu'elle produit soit vendu à l'étranger et que les propriétaires fonciers puissent s'acheter des chapeaux, des cannes, des calèches, des bronzes…

Deuxième partie, Chapitre VI.
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« Si on posait le problème psychologique : comment faire pour que les gens de notre époque, les chrétiens, les humanitaires, les gens simplement bons accomplissent les plus horribles forfaits sans se sentir coupables, une seule solution serait possible : il faudrait créer ce qui existe actuellement. Il faudrait que ces gens fussent gouverneurs, officiers, directeurs, c'est-à-dire qu'ils fussent d'abord persuadés qu'il est une chose appelée service de l'État, qui permet de traiter les êtres comme des objets, sans aucun rapport humain et fraternel, et deuxièmement que ces gens au service de l'État fussent solidaires, de telle sorte que la responsabilité des conséquences de leurs actes ne retombe sur personne séparément. En dehors de ces conditions, il n'est pas possible, à notre époque, que s'accomplissent des forfaits comme j'en ai vus aujourd'hui. Tout vient de ce que les gens s'imaginent qu'il existe des circonstances dans lesquelles on peut traiter sans amour ses semblables : or ces circonstances n'existent pas. Avec les choses on peut se comporter sans amour : on peut couper des arbres, faire des briques, forger sans amour ; mais avec des êtres humains on ne peut se comporter sans amour, […] parce que l'amour réciproque des êtres humains est la loi fondamentale de la vie. […] Si tu ne sens pas d'amour pour les hommes, alors reste tranquille, pensait Nekhlioudov, occupe-toi de toi-même, d'objets, de ce que tu voudras, excepté des hommes. »

Deuxième partie, Chapitre XL.
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{Nouvelle dédicace spéciale à ceux qui, comme moi, ont des voisins musiciens très, très assidus…}
Nekhlioudov se fit conduire à la prison et se rendit directement à l'appartement du directeur. Il entendit, comme à sa première visite, les sons d'un mauvais piano. Ce n'était plus la rhapsodie, mais une étude de Clementi, exécutée avec une vigueur extraordinaire, avec la même précision et la même rapidité.
[…] Bientôt entra le directeur, le visage triste et las.
— Je vous en prie, que puis-je faire pour vous ?
— […] J'aimerais voir Maslova.
— Markova ? demanda le directeur, que la musique avait empêché d'entendre.
— Maslova.
— Oui, oui, je sais !
Le directeur s'approcha de la porte derrière laquelle s'entendaient les roulades de Clementi.
— Maroussia, arrête-toi au moins un peu, dit-il d'une voix qui trahissait que cette musique était la croix de sa vie. On ne s'entend pas.
Le piano se tut. Quelqu'un marcha de mauvaise humeur et entrouvrit la porte du salon pour y jeter un coup d'œil.
Comme soulagé par l'arrêt de la musique, le directeur alluma une grosse cigarette de tabac doux. […]
Il n'avait pas encore achevé de revêtir le manteau que lui présentait une femme de chambre au bandeau sur l'œil que déjà résonnaient les roulades de Clementi.
— Elle était au Conservatoire, mais il y a eu là-bas du désordre. Elle a de grandes dispositions, fit le directeur en descendant l'escalier. Elle veut jouer dans les concerts. […] Évidemment, le talent doit être développé, il ne faut pas le laisser perdre. Mais dans un petit appartement comme le nôtre, c'est souvent bien pénible.

Première partie, Chapitre LI.
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On s'imagine à tort que les voleurs, les assassins, (les espions), les prostituées, jugent défavorablement leur profession et en éprouvent de la honte. Il n'en est rien. Les hommes que leur destin et leurs fautes placent dans une situation déterminée, si répréhensible soit-elle, se bâtissent une conception générale de la vie où leur situation particulière apparaît éminemment utile et respectable. Dans le but de soutenir leur point de vue, ces gens s'appuient instinctivement sur un milieu qui admet leur conception de la vie en général et leur place dans cette vie en particulier. Cela nous étonne de voir des voleurs s'enorgueillir de leur adresse, des prostituées de leur corruption, des assassins de leur cruauté. Mais nous ne sommes étonnés que pour autant que le milieu de ces gens est limité, et surtout parce que nous n'en faisons pas partie. Et cependant le phénomène n'est-il pas le même avec les riches s'enorgueillissant de leurs richesses (c'est-à-dire de leurs rapines), avec les chefs (de guerre) s'enorgueillissant de leurs victoires (c'est-à-dire de leurs assassinats), avec les puissants s'enorgueillissant de leur puissance (c'est-à-dire de leur tyrannie) ?

Première partie, Chapitre XLIV.
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— Ne fréquentez pas les gens détenus ici. Il n'y en a pas d'innocents. Tous sont des dépravés. Nous sommes payés pour le savoir, dit-il d'un ton qui n'admettait pas la moindre possibilité de doute. (Et en fait il n'en doutait pas, non parce que c'était la réalité, mais parce que, s'il en avait été autrement, il aurait dû se reconnaître non pas un héros très respectable achevant dignement une belle vie, mais une canaille qui a vendu sa conscience et qui continue de la vendre dans sa vieillesse.)

Deuxième partie, Chapitre XIX.
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— Les prisons ne peuvent nous assurer notre tranquillité, car les détenus n'y sont pas incarcérés éternellement, on les relâche. Au contraire, dans ces établissements, on les pousse au plus haut degré de péché et de vice, c'est-à-dire qu'on augmente le danger.
— Vous voulez dire que le système pénitentiaire doit être perfectionné ?
— Il ne peut être perfectionné. Le perfectionnement des prisons coûterait plus d'argent qu'on n'en dépense pour l'instruction publique, et il ne serait qu'une charge nouvelle, toujours pour le peuple.

Deuxième partie, Chapitre XXXIII.
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Comme tous les autres hommes, Nekhlioudov était fait de deux êtres contradictoires : un être moral, préoccupé seulement de biens qui satisfissent à la fois lui-même et les autres, et un être bestial prêt à sacrifier l'univers entier à son seul plaisir.

Première partie, Chapitre XIV.
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