La
Résurrection est celle du Christ, après avoir subi la Passion.
Dans cette oeuvre baignée de religion et de spiritualité chrétienne, les deux personnages principaux aussi subissent une forme de Passion. le roman est celui du châtiment, après le crime qui a déjà eu lieu pour reprendre le titre du roman de
Dostoïevski. La Maslova est accusée d'avoir tué un de ses clients, elle qui est prostituée. Son chemin de croix sera donc d'assister à un jugement et à une condamnation - elle qui est innocente, puis de suivre toutes les étapes de la déportation aux travaux forcés en Sibérie, sous la chaleur écrasante de l'été d'abord, dans le froid et le typhus de l'hiver ensuite.
Pour Nekhlioudov, son châtiment est de se sentir coupable du sort de la Maslova, lui qui l'a violée puis abandonnée enceinte en ne lui laissant qu'une centaine de roubles - le texte dit qu'il l'a séduite ; la scène est décrite de telle façon qu'il s'agit bien d'un viol, la Maslova a peur, elle s'enferme, elle pleure. Même si elle aimait Neklioudov, elle ne voulait pas lui céder.
Cependant, la transformation du barine fat, sûr de lui, jouisseur, homme du monde, en pénitent sentimental voire sentimentaliste prêt à donner toute sa fortune aux pauvres et à vivre une vie de misère parce qu'il estime que c'est son devoir, sa rédemption, est trop rapide. J'aurais sans doute aimé que la narration se focalise sur la Maslova plutôt que sur son ancien amant, sur ses pensées à elle - après tout, on n'est jamais sûr de ce qu'elle pense, c'est Neklioudov qui interprète ses réactions.
Cependant, j'ai eu l'impression que Tolstoi était peut-être dépassé par l'ampleur du sujet, au lieu de centrer le récit sur le procès et le voyage de la Maslova. Ainsi, il va multiplier les expériences de Nekliodov pour qu'il soit confronté à toutes les formes de misères et d'injustices possibles, des souffrances des paysans à celles des filles mères, de l'alcoolisme qui ronge la classe ouvrière à la corruption et l'imbécilité des dirigeants. Pour moi, Tolstoï a voulu faire une oeuvre totale, mais ce qui fait que sur le plan romanesque, l'intrigue n'avance que doucement, avec des répétitions, la multiplication de personnages secondaires et de récits dans le récit à l'intérieur desquels je me suis un peu perdue.
"Dans un pays où règne l'esclavage, le seul endroit convenant à l'honnête homme est la prison". En effet, les seules figures sincères, droites, positives, du roman, sont celles des prisonniers politiques qui pensent aux autres avant de penser à eux-mêmes, et qui sont portés par des idéaux.
Néanmoins, je regrette le message religieux trop appuyé, martelé même notamment à la fin. J'avais davantage apprécié Souvenirs de la maison des morts de
Dostoïevski, au plus près des détenus déportés.