Un enfant sans histoire /
Minh Tran Huy
La vie est ainsi faite que certains vont d'échec en échec quand d'autres volent de succès en succès. C'est un peu ce qu'illustre ce récit poignant de
Minh Tran Huy, l'auteure qui, romancière fervente adepte de la fiction n'avait jamais imaginé laisser un jour la réalité envahir son écriture avec la naissance de Paul, un beau petit garçon frappé d'un handicap. Non, jamais
Minh Tran Huy n'avait imaginé que l'arrivée de Paul serait pour elle et son époux Adrien une rencontre avec l'autisme.
Il est bon de rappeler que l'autisme n'est pas une maladie, mais un handicap dont les manifestations sont d'origine neurologique avec une altération des interactions sociales et de la communication, avec des intérêts restreints et surtout répétitifs.
Ainsi l'auteure bien malgré elle va devenir une experte en la matière d'autisme et de pris en charge de ce handicap. Elle et son mari vont remuer ciel et terre durant des années pour obtenir un maximum d'informations afin d'essayer de trouver des moyens de conjurer le sort qui a frappé le petit Paul.
Minh Tran Huy, pour nous faire partager son histoire, a construit son récit de la vie de Paul en écho, certes dissonant comme on le découvre au fil des pages, au parcours de la jeune américaine
Temple Grandin, née en 1947 à Boston, autiste également dont le parcours est en tout point étonnant.
Paul, lui, est né en 2013 à Paris 14é dans une famille dont le père est enseignant et la mère, l'auteure, est journaliste et écrivain. L'accouchement fut difficile. Très vite, les hurlements constants et les insomnies de l'enfant intriguent les parents.
Pour Temple, ce fut son mutisme et sa violence qui intriguèrent les parents chez l'enfant grandissant. Les spécialistes consultés conclurent à une schizophrénie infantile ! La prise en charge par une équipe spécialisé donne peu à peu des résultats encourageants. Temple commence à parler…La suite est une constante embellie… Études sérieuses, diplômes, chercheuse, Temple se consacre aussi à l'écriture. («
Ma vie d'autiste »). En écrivant son autobiographie elle tente d'aider ceux qui souffrent du même mal qu'elle mais n'ont pas eu les mêmes chances. Elle vit sa vie, elle est différente, mais elle assume son autisme résiduel.
Par contre pour Paul, l'incommunicabilité reste totale et le condamne vite à la solitude. Minh Tran sait que la moitié des enfants autistes n'accèdent jamais au langage et même ceux qui y accèdent, conserveront une vie très diminuée.
Paul a six ans, Minh Tran voit l'avenir se profiler : il n'aura pas de scolarité normale, il n'aura pas de carrière, pas de camarades, pas de compagne, pas de descendance. Elle écrit : « Mon pauvre petit enfant défectueux qui ne progressera jamais jusqu'à disposer d'une autonomie suffisante, aura besoin d'un lieu où il pourra mener une existence abritée des dangers et des cruautés du monde extérieur. »
Un récit et un témoignage personnel bouleversants mais d'une grande dignité et profonde humanité.
Dédiant son livre à son petit Paul,
Minh Tran Huy écrit dans les dernières lignes du récit : « J'aurais voulu t'offrir mieux ou plus, mon amour, qu'un petit tas de signes noirs sur du papier blanc que le vent finira par disperser… J'aurais voulu t'offrir une vie plutôt qu'un livre… »