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sur 219 notes
« La belle amour humaine » Lyonel Trouillot (Actes Sud 160p)
Haïti. Thomas, chauffeur de taxi et guide pour touristes, conduit Anaïse, jeune occidentale juste débarquée de l'aéroport pour se rendre sur les traces de sa famille paternelle dans une bourgade côtière, à des heures de voiture de la capitale. Elle n'a guère connu son père, né dans ce village avant de s'exiler tout jeune vers un pays plus riche, puis de disparaitre ensuite quand elle avait trois ans. Remontant sa trace, elle espère aussi comprendre ce qui est arrivé à son grand-père inconnu, décédé depuis des années dans ce coin perdu dans des circonstances très troubles. Ce voyage en taxi est l'occasion d'un très long monologue (les 4/5ème du livre) du chauffeur. Thomas parle, parle, il lui raconte ce village, ces gens, ce pays où règne une pauvreté endémique, produit d'une corruption invraisemblable et de la brutalité sans limite d'une police tortionnaire ; les tontons macoutes de Papa et Bébé Doc sont visiblement toujours là et aussi nuisibles. Pourtant c'est dit « comme ça », sur un ton ostensiblement neutre, sans révolte affichée, juste comme une réalité, et cette apparente distance est particulièrement saisissante. Ce qui est plus marqué, c'est une joie de vivre et une solidarité communautaire entre pauvres qui existent malgré la misère. En contrepoint on saisit aussi dans cette culture un autre rapport à la vie et à la mort, à ce qui est essentiel ou négligeable, aux liens entre les gens. Et aussi une critique acide d'une forme de tourisme occidental parfois hautain et méprisant.
Mais petit à petit, dans les mots de Thomas, l'ombre d'un drame ancien se dessine. Il faudra qu'Anaïse arrive à bon port pour commencer à en démêler les fils.
Le ton est loin de tout misérabilisme ou de toute plainte. Et la langue est sublime, vivante, colorée, chatoyante, poétique. C'est un livre magnifique de la littérature francophone, avec tout ce qu'elle peut apporter à la langue française. Lyonel Trouillot, une très belle première rencontre, à renouveler.
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Toujours aussi charmée par l'écriture de Lyonel Trouillot.

Ce court roman se passe à Haïti où nous suivons deux personnages, un guide local et une jeune femme en quête de ses racines. La première partie correspond à un monologue incroyable du guide, avec sa verve tel un slam, son regard critique et lucide sur les touristes étrangers qui viennent sur son île, son amour pour les locaux. La jeune femme est quant à elle venue pour en savoir plus sur son père qu'elle n'a pas connu. Et en apprend plus sur son grand-père et son ami qui sont tous les deux décédés dans un incendie.

Un très beau récit !
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C'est du pur Trouillot. Je veux dire avec sa belle écriture poétique propre à lui. Cette fois, il dénonce le comportement du touriste nanti. Il y a ceux qui ne cessent de râler parce que le confort n'y est pas et il y a ceux qui trouvent que la pauvreté fait pittoresque.
Un guide haïtien emmène une jeune femme vers un village perdu en bord de mer. Celle-ci espère découvrir pourquoi les propriétaires des villas 'les Belles Jumelles' sont morts incendiés dans leurs maisons, réduits à deux tas de cendres. L'une était habitée par un colonel à la retraite, l'autre par un homme d'affaires, son grand-père. Et pourquoi le fils a-t-il disparu dans le même temps ?
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Lyonel Trouillot, une des grandes plumes haïtiennes contemporaines, nous emmène sur son île, à la découverte de la vie d'une communauté d'habitants, à travers l'histoire de la rencontre improbable de deux personnes provenant de mondes différents : Anaïse, une jeune occidentale vient à la recherche de ses origines paternelles et Thomas, haïtien, lui sert de guide et de chauffeur. Pendant ce trajet assez long, de la capitale où Anaïse a débarqué jusqu'au petit village côtier de Anse-à-Fôleur, on entend d'abord la voix de Thomas qui raconte le village, "une poignée de vivants", son atmosphère, les villas jumelles du grand-père Robert Montès et de son acolyte Pierre André Pierre, colonel à la retraite ; il se demande si la belle jeune femme a raison de vouloir savoir ce qui est arrivé à son grand-père puis à son père.
Qu'est-ce que la vérité ? Est-ce important de la connaître ? La connaît-on vraiment jamais ? Voilà les questions que pose Thomas, et il a sa propre façon de répondre.
Anaïse a écrit à l'oncle de Thomas et elle est attendue ; "Mais mon oncle pense que tu es spéciale, que ce que tu cherches au fond, plus qu'une origine, ce pourrait être un idéal. Que la vraie question que tu te poses, en passant par de longs chemins, c'est celle qu'il avait faite à l'enquêteur : quel usage faut-il faire de sa présence au monde ? C'est pour cela qu'il m'a demandé de fixer avec toi les détails du voyage."
Puis s'élève la voix d'Anaïse ; a-t-elle compris ce que Thomas a dit ? Et repartira-t-elle avec ce qu'elle était venue chercher ?
Une belle écriture, imagée et pleine de bon sens donne à cette fable philosophique et poétique écrite par un conteur génial, une merveilleuse et passionnante humanité. C'est de la très belle littérature !
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Haïti. Anaïse, une jeune femme étrangère, se fait conduire depuis la capitale jusqu'au village de pêcheurs lointain d'Anse à Fôleur, où son grand-père Robert Montès, un homme d'affaires retraité, a trouvé la mort mystérieusement, vingt ans plus tôt, dans l'incendie inexpliqué de sa maison, sinistre qui a dévasté en même temps celle jumelle du colonel Pierre André Pierre, un militaire prédateur et sans scrupules, son meilleur ami. La jeune femme veut comprendre les origines de sa famille, aller sur les traces de son père, un adolescent révolté et timide, qui a quitté le village après ce drame n'ayant pourtant guère ému la population locale.
Son chauffeur, le narrateur, lui parle, lui explique son île, sa misère, son humanité, les regards bornés des touristes, lui fait le portrait de ces deux disparus si peu regrettés, symboles des maux qui accablent le pays, de la violence, de l'impunité, du chantage et des richesses mal acquises. Il lui dresse un tableau sobre de la simplicité tranquille de la vie de ses amis villageois, de leur hospitalité, de leur densité humaine, de leur sens de la justice et de la beauté : la seule question qui vaille n'est-elle pas : "quel usage doit-on faire de sa présence au monde ?"
Thomas, le chauffeur, et Anaïse arrivent au village pour assister à la mort paisible de l'oncle du narrateur, un peintre qui lui a toujours tenu lieu de père. Ce deuil est l'occasion d'une fête collective où s'exprime "la belle amour humaine" au milieu des chants et des danses.
Anaïse, prenant à son tour la parole, comprendra le mystère de sa famille, et reviendra peut-être vers son pays moderne et sans âme, porteuse d'une richesse insoupçonnée, offerte par les habitants de l'Anse à Fôleur, qui ne possèdent rien d'autre que le miracle quotidien de leur existence.
Une écriture simple et poétique à la fois, un livre qui n'ignore rien des drames du pays le plus pauvre de la planète, mais rien non plus de ses richesses immatérielles, une poignante mélancolie qui étreint le lecteur. Un beau texte.
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Dans La belle amour humaine, un personnage a l'habitude, lors d'une première rencontre, de s'adresser ainsi à son interlocuteur : "De quoi parlions-nous ?" Comme une invitation à poursuivre une conversation en dépassant les présentations d'usage. le roman de Lyonel Trouillot est composé d'un premier monologue assez long, d'un second plus bref et, enfin, de la narration d'une veillée mortuaire aux accents poétiques. L'écrivain haïtien raconte son pays avec une ironie tranchante, son dénuement, sa solidarité, son humanité. Mais aussi, de façon subtile, ses hiérarchies sociales et le racisme larvé, mulâtres face aux noirs ébène, qui, avec la corruption, gangrènent la société haïtienne depuis des lustres. Et puis, Trouillot s'en prend aux touristes, ces visiteurs bardés de certitudes, qui s'apitoient ou rudoient, mais ne comprennent strictement rien aux valeurs de cette nation. Quant aux deux figures du passé qui "surplombent" le livre, celles d'un colonel et d'un homme d'affaires, qui "prennent tout et ne laissent rien aux autres que des restes, quand il reste des restes", ils sont comme le symbole de tous ceux qui ont dirigé Haïti, dictateurs sans vergogne, et qui ont fait son malheur. "Quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?", telle est l'interrogation qui revient à plusieurs reprises dans La belle amour humaine. Il n'y a pas plus de réponse à cette question qu'à cette quête d'identité de la jeune femme qui, dans le roman, cherche où sont plantées ses racines. La langue élastique et insolente de Trouillot s'entortille autour de l'âme haïtienne comme un serpent. Bien beau livre, en vérité.
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Deux hommes, deux salauds, vont brûler dans leur maison d'Anse-à-Fôleur à Haïti, l'un d'eux est le grand-père d'Anaïse qui part à la recherche de ses racines et cherche à comprendre pourquoi son père a rompu avec son propre père. Dans cette quête sous forme d'enquête Lyonel Trouillot pose la question « quel usage faut-il faire de notre présence au monde ? » et malgré une lecture attentive je n'ai pas trouvé de pistes de réponse, ni d'endroit où chercher. Si chaque phrase de ce livre mérite d'être soulignée tant son intensité est forte, la dramaturgie du roman n'a pas vraiment pris pour moi. Je reste donc mi-frustrée parce que j'ai aimé l'écriture, j'y ai puisé des citations qui ont du sens mais suis passée à côté de l'histoire et de son éventuelle profondeur.
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" Il faut croire qu'il est des lieux qui restent en toi, qui t'habitent pour toujours, une fois que tu y a mis les pieds."

Une fois de plus, les Éditions Actes Sud ont réussi à me séduire grâce à la plume poétique de Lyonel Trouillot. Quel magnifique récit que celui de Thomas, guide, chauffeur de taxi et "aide-au -bonheur". il explique avec toute la sincérité des habitants de Anse-à-Fôleur, la vie des grands-parents et du père de cette jeune fille qui arrive de la ville.

L'histoire des deux hommes, un colonel à la retraite violent et un homme d'affaires véreux (le grand-père de la jeune fille), exprime bien que ces deux êtres représentaient une erreur en ce territoire de gentillesse. Ils ne pouvaient pas se fondre dans le paysage. Leurs maisons jumelles ne s'intégraient pas dans ce village de pêcheurs.

Qui a donc incendié leurs maisons? Justin, ce philosophe qui crée des lois visant à faire régner le bonheur, la femme de l'homme d'affaires qui, trompée se réfugie dans la lecture, le fils taciturne qui a jeté à la mer les cadeaux de son parrain, le colonel, ou cette charmante Solène qui court et danse dans la forêt?

"Mensonge ou vérité, tout ce que je te dis sur leur mort, ça change quoi au fond des choses?"

Thomas décrit si bien la différence entre la vie de son village et les habitudes des gens de la ville qui viennent ici pour le soleil et le pouvoir. La description d'une famille qui descend de l'avion et utilise son taxi permet à l'auteur de faire passer son avis sur les touristes.

Après le récit de Thomas, Anaïse, la jeune fille de la ville lui répond avec ses mots et son rythme urbain. Mais elle, elle est venue chercher autre chose. Elle regarde, elle écoute et sait comparer ce qu'elle perçoit et ce qu'on lui a appris à l'école.

" Je viens d'une ville de lumières inventées qui trichent avec la nuit à coups de lampadaires, de néons et de phares."

Elle découvre cette joie de vivre jusque dans l'accompagnement de la mort, cette hospitalité et ce partage.

C'est un poème, un conte, une allégorie sur le vrai sens de la vie, un texte magnifique que je vous conseille.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Étonnant récit: le narrateur est un conducteur de taxi très bavard qui décrit un petit village d'Haiti où se rend sa passagère. Il y a eu un incendie qui a détruit la maison de deux notables. il y a beaucoup à raconter tout autour.
C'est une succession de très courts chapitres, des descriptions très imagées que je vois comme des poèmes en prose. ça va au delà de la simple description. ça prend vie. mais ça fait toute une mosaïque d'histoires, comme les pièces d'un puzzle. le lecteur enfile les pièces du puzzle sans arriver à prendre le recul pour y voir clair. C'est une expérience troublante mais assez inédite. On voit tellement de détails qu'on perd de vue l'ensemble, on est dans le microscopique. mais c'est beau. C'est raconté avec amour.
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Un roman, publié en 2011, qui repose en grande partie sur le monologue initiatique et poétique de Thomas, chauffeur de taxi et guide qui accueille, à l'aéroport, Anaïse, une jeune Française venue en Haïti sur les traces de son père, et de son grand-père paternel Robert Montès. L'homme d'affaires fut retrouvé mort dans l'incendie de sa maison, qui brûla en même temps que celle de son meilleur ami et voisin, le colonel André Pierre, lui aussi disparu. L'enquête menée à l'époque laissa l'affaire non élucidée. Anaïse veut comprendre, pour éclairer le destin de son père, parti d'Haïti au lendemain du drame pour ne plus y revenir.

Le chauffeur la conduit dans le village de l'Anse à Foleur, un village dans le nord du pays, où les habitants vivent en complète empathie, situé à 7 heures de route de Port-au-Prince durant lesquelles Thomas n'arrêtera pratiquement pas de parler. Une véritable initiation à la vie et la survie, en Haïti, entre bruit et silence, riches et pauvres, blancs et noirs, puissants et serviteurs ... Ces différences explosent dans une écriture dense et rythmée, mais aussi poétique, qui les fait apparaître peu à peu au cours du récit sous la forme d'un long monologue du guide auquel Anaïse tentera à son tour de répondre, "J'aimerais écouter et comprendre."

J'ai trouvé ce livre époustouflant de vérité par rapport au ressenti que j'ai eu lors de mes trois séjours en Haïti. Lyonel Trouillot sait parfaitement utiliser toutes les possibilités qu'offre la langue française : les mots, les rythmes, les suggestions de sentiments, la poésie... L'exemple le plus frappant est celui de sa description de Port-au-Prince par des phrases courtes faisant ressortir le bruit qui résonne dans la tête, l'animation, les contradictions, etc. Je revois la première fois (en 1981) où je suis arrivée, en tant que géographe, dans cette ville, dont je ne peux pas m'empêcher de citer un extrait de l'auteur :
"Attends de voir le centre-ville. Il nous faudra le traverser, patauger dans le bruit jusqu'à la gare du Nord. Les étrangers souvent y perdent leurs oreilles (...)Les pots d'échappements. Les crieurs qui marchandent tout, des élixirs aux antibiotiques en passant par les crèmes éclaircissantes et les pilules qui font grossir. Les porte-voix des fonctionnaires de la santé publique qui vantent les vertus du lait maternel et du lavage des mains. Nul ne peut écouter tant de bruits en même temps, qui s'opposent, se contredisent, te crèvent les tympans pour fourrer dans ta tête l'illusion du mouvement.(...) Au centre-ville, le bruit c'est comme la pauvreté, on n'en a jamais fait le tour".

Il a également cette magnifique phrase qui en dit long : "Une voix qui raconte, c'est plus vrai qu'une photo." Dans la seconde partie du livre, Anaïse répond à sa façon également par un monologue, mais beaucoup plus court ... Je vous recommande vivement la lecture de ce livre qui ouvre les yeux, je suppose, à ceux et celles qui ne connaissent pas Haïti. Chaque fois que j'y suis allée, j'ai écouté les histoires, j'en ai raconté, j'ai commencé à comprendre, un peu plus à chaque fois et alors je me suis posée encore plus de questions, auxquelles je n'ai pas encore eu toutes les réponses... On ne sort pas indemne d'un séjour en Haïti...et la véritable question reste toujours, comme jusqu'au bout de ce récit : "quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?"
Lien : https://mesailleurs.wordpres..
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