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Il y 'a des romans qu'on lit comme on mange des chips; on sait bien que c'est pas bon, voire même dégueulasse, mais une fois qu'on commence on ne peut pas s'arrêter. Pour les hips, c'est la combinaison sel/gras/croustillage ; pour les romans, suffit de mettre de la violence, du cul et des cliffhangers à chaque fin de chapitre. On sait qu'on bouffe de la daube industrielle de merde, mais on le fait quand même, parce que ça détend.

Et puis tu as les écrivains. Les vrais. Ceux qui mettent un point d'honneur à te construire une symphonie d'histoires qui se croisent et se recroisent et qui, quand tu les lis, te donnent l'impression qu'ils ne te prennent pas pour un abruti fini à la pisse d'Hanouna.

C'est le cas pour Mario Vargas LLosa , et la plupart des bouquins que j'ai lu de lui. Aujourd'hui, "La maison Verte" qui non seulement détonne par sa qualité d'écriture (tout est bon là dedans, TOUT) mais surtout par l'asynchronie des récits. On ne sait jamais vraiment, sur les premiers chapitres, si on est avant le chapitre d'avant, ou après, on y vient peu à peu, et ça c'est respecter le lecteur. Respecter son intelligence. Etre ambitieux et dépeindre le Pérou colonial, les orphelinats de bonnes soeurs, les kidnapping d'enfants, les trafics dans la forêt, la corruption, la prostitution, la drogue, l'alcool...et la beauté de la forêt amazonienne. Une putain de claque.
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Les eaux boueuses du río Marañón comme les pluies sablonneuses de Piura, capitale provinciale du nord du Pérou, charrient légendes et mythes ("(qui) sont dans la forêt comme ses arbres et ses fleurs : ils naissent vite, acquièrent en un clin d'oeil une scandaleuse vitalité et mettent la même rapidité à pourrir et à disparaître pour laisser la place à d'autres."*).

En enchevêtrant les fils de plusieurs histoires entre jungle amazonienne et quartiers populaires de l'oasis urbaine -la ciudad del eterno calor-, Vargas Llosa chante la complainte verte et jaune d'une terre gangrénée par la violence. Car l'écheveau qui sort de ses mains est garancé d'un sang maudit, celui des tribus indigènes spoliées et celui des femmes profanées : l'avilissement des plus faibles. La plaie fluviale qui lacère la forêt, les brouillards dunaires qui ouatent la ville colportent meurtres et viols, pillages et rapt d'enfants, exactions commises aux noms de Dieu, de la Loi ou du Progrès.

Dans son récit exubérant, l'écrivain tisse sur plusieurs dizaines d'années la chronique navrante d'une poignée de créatures dévoyées : un barbare trafiquant de caoutchouc atteint de la lèpre, le très conradien Fuschia ; un chef indien martyr de la cupidité d'exploiteurs, l'hagard Jum ; une bande de vauriens avinés, les Indomptables ; une harengère tenant bordel, l'intimidante Chunga, ou encore une naïve victime de la "civilisation", la douce Bonifacia qui passera du dortoir d'une Mission catholique aux pageots d'un boxon...

Il y a deux maisons vertes dans ce roman fleuve : le lupanar qui donne son titre au roman et, bien sûr, l'enfer luxuriant de la forêt amazonienne. Les deux s'entendent à nécroser les âmes et corrompre les chairs. Quand le mystérieux Don Anselmo, venu de nulle part, érige son viride bobinard dans les sables de Piura, on pense bien évidemment au Sutpen's Hundred d'Absalon, Absalon.

Marañón vs Mississippi : Vargas Llosa s'est patemment abreuvé aux sources faulknériennes pour tricoter son récit baroque. Même goût de l'humide et du pourri, du sec et du boucané, même prédilection pour les fautes originelles et la chute de l'homme, même phraséologie contournée. Qu'on ne s'y méprenne, La Maison verte n'est cependant pas un exercice de style. C'est un grand livre original et captivant qui entrelace les époques et les témoignages, se joue du lecteur (des personnages portent le même prénom, un autre est nommé différemment au cours du roman...) et le laisse souvent harassé bien que ravi de l'excursion.

Souillées, prostituées ou violées, les femmes du roman -à l'instar de la forêt matricielle- se régénèrent : elles oublient les maux subis, pardonnent les outrages et retrouvent une virginité précaire. Ce sont, nous glisse le romancier, les héroïnes de l'histoire qui se fait.

L'écriture fascinante, précisément confuse, assaille et magnétise. Certaines scènes -souvent rapportées dans une polyphonie stridente- scarifient notre mémoire d'un entrelacs d'émotions : le kidnapping d'une fillette, la défloraison d'une autre, la putridité d'un léprosé, une partie de roulette russe ou le ballet incessant de mouches avides.

Organique et sensuel, répugnant et brutal, La Maison verte nous hante comme la cuisson d'une morsure d'insecte, d'une peur ancienne ou d'un désir inassouvi.

* "Les Secrets d'un Roman", M. Vargas Llosa, 1971-2003
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Nocturne du Pérou (BWV quelque chose)

Lecture extrêmement exigeante, où la violence règne sur un pays qui semble maudit : voué à la prostitution, à la sauvagerie, la perdition et la honte, au racisme et aux enlèvements de natifs ... à une forme de fascisme, inébranlable, fuligineux et suintant de la jungle et du désert. Une haine religieuse, politique et sociale qui gangrène un pays, celui-là même qui est le personnage du roman. Même quand on ne lui demande pas, Vargas Llosa nous le donne.

Ici, le récit se fait multiple, polyphonique, sur plusieurs temporalités. La structure est d'une merveilleuse complexité. Il y a trois (ou cinq, c'est selon) histoires principales, plusieurs temporalités, et tout est mélangé, ou plutôt agité.
Parce c'est que cherche à faire Vargas Llosa. le but n'étant pas d'épater la galerie en explosant la narration, mais d'en faire une matière qui se déforme et se reforme en permanence : humide (fluviale), aride (désertique), poisseuse (alcoolisée)...

Si le lecteur est maltraité, c'est parce que c'est tout ce (foutu) pays qui l'est. le bordel qui anime la vie de Piura la détruit par sa simple existence. Bientôt viendra le temps des torches, des maladies, des maitresses, captifs, aveugles, lépreux... et cet ensemble, à priori hétérogène, à priori le possible d'un roman linéaire, est essoré en permanence par la luxuriance de la jungle et la sécheresse de la ville. Par les rites des natifs et ceux des soldats violeurs natifs migrants fuyards contrebandiers, tout ce qu'à à proposer le livre en matière de personnages.

Est-ce que c'est pénible ? Ça l'est. le lecteur doit prêter attention à chaque moment, ne pas se laisser distraire par une putain un peu trop présente ou un brigand un peu trop bavard. Ce qui se passe est parfois plus sinueux.

Est-ce que c'est pénible (bis) ? Non. C'est une tornade. La Maison verte est au Pérou (ç'aurait pu être un autre pays latino-américain) ce que Absalon, Absalon ! (Faulkner) est au Dixieland. Même étrange individu qui vient construire une maison, mêmes questionnement autour de son origine, de ses moeurs, même mélange de temporalités et de pièges dans les constructions de phrases. Même type d'épopée de personnages "secondaires" (ici, une descente de fleuve), même constat.

La vie décrite dans le roman est tellement forte, tellement brutale, tellement vivante de par le génie de la construction et des descriptions (à la limite de l'odorama), qu'elle en devient un prurit équatorial, des salves continues d'abandon et de points d'accroche, de suffocations de soupirs et, souvent, de points d'orgue. Tonitruants. A répétition.
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J'aime ces livres où l'on doit se creuser la tête pour savoir qui parle, revenir en arrière pour ne pas perdre le fil, allonger ainsi le temps de la narration alors même que, tendu dans une extrême contention d'esprit, la perception du temps du lecteur se modifie. Les dialogues s'entrecroisent, se répondent dans une temporalité à plusieurs niveaux, les techniques narratives sont variées. Comme le dit la quatrième de couverture , résumer le livre par le prisme d'un personnage serait vain. Disons que la maison verte est de ces lieux où l'on peut prendre un verre, en écoutant un orchestre local, et lorsqu'on a été mis en train par le pisco et la musique, rendre une visite de courtoisie à une de ces dames de l'étage supérieur. C'est clairement le plus Faulknerien des livres de Vargas Llosa qu'il m'ai été donné de lire. le livre fait 420 pages dans la collection L'imaginaire Gallimard, c'est écrit en tout petit, donc c'est un vrai pavé qui n'en as pas l'air. Les grands romans se méritent, il demande une dévotion du lecteur, une lecture suivie, régulière, fidèle. La Maison verte est de ceux-là.
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Mario Varga Llosa nous raconte la vie de Piura petite ville amazonienne du nord du Pérou sur une trentaine d'année.
Le fil conducteur de cette histoire est la Maison Verte, une maison close ouverte par Don Anselmo.
Mario Varga Llosa nous dresse un portrait au vitriol de cette société provinciale péruvienne des années 1930 à 1960, dans laquelle se côtoient des Soeurs qui sous prétexte d'évangélisation enlèvent des fillettes indiennes, des militaires qui font régner la loi à leur manière, des notables dont la malhonnêteté ne fait aucun doute, des bandits dont la forêt est le refuge.
La forêt amazonienne et ses habitants en tout genre (indiens, serpents, scorpions, et autres bestioles) tiennent aussi une part importante dans cette chronique.

Une lecture compliquée que j'ai failli abandonner à plusieurs reprises.
Un style narratif assez indigeste, un foisonnement de personnages et surtout une construction du livre assez difficile à suivre, dans un même paragraphe on peut être sur plusieurs époques différentes c'est donc déjà pas simple à suivre et très confus, et pour en rajouter un peu plus les personnages ont plusieurs surnoms, on finit par ne plus savoir qui est qui.

Au final, je suis incapable de dire si ce livre m'a plus ou non, mais une chose est sure je n'ai pas tout compris, trop de gymnastique pour mes petits neurones
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Pour qui aime Vargas Llossa, c'est dans son top 5 !

Tout le Pérou s'y retrouve dans cette comédie humaine.

Mais qu'est-ce cette "maison" ?

Prenez le plaisir de lire...
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LA MAISON VERTE de MARIO VARGAS LLOSA
C'est un exercice impossible que de résumer ce roman foisonnant, le plus Faulknérien que me semble avoir produit Llosa. Des lieux multiples, Piura, la ville entourée de sable, Santa Maria de Nieva, un comptoir, le fleuve, le Rio Maranon, autour duquel tout s'organise. Piura va être le théâtre d'un bouleversement avec l'arrivée de Don Anselmo, sorti de nulle part, qui une fois que les habitants l'auront accepté, va construire la Maison Verte, un bordel! Les passions vont alors se déchaîner avec le père Garcia, le curé du coin qui sera bien isolé pour se battre avec les hommes de la ville et les Mangaches, descendants des esclaves malgaches et africains. A Santa Maria de Nieva ce sont les bonnes soeurs qui sont à la manoeuvre, n'hésitant pas à enlever des païennes de tribus locales pour les évangéliser à leur façon, jusqu'au jour où l'une d'entre elles s'enfuit. Et puis, autour du Rio Manaron, il y a les trafiquants de caoutchouc, de peaux, de tout ce qui peut se monnayer. N'oublions pas les représentants de l'autorité( dont Lituma que l'on retrouve dans plusieurs romans de Llosa) grands consommateurs de la Maison Verte et manipulateurs en tout genre, ils forment un groupe que l'on nomme les indomptables.
Barbarie, inculture et injustice sont les arguments autour desquels Llosa a construit son roman. C'est ce qu'il dit dans ses commentaires sur son livre.
Un des plus difficiles à lire en raison du nombre de personnages et du nombre de lieux dans lesquels se passent les actions, car il y a de nombreuses histoires entremêlées et une multitude de points de vue sur chaque action.
A noter l'hommage appuyé rendu à Faulkner par Llosa en préface de cette Maison Verte.
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A l'image d'un satellite positionné sur la cordillère des Andes, il tricotte son roman aux multiples facettes en usant de manière déroutante de « narrations télescopiques » et de « vases communicants ». Allant de façon chaotique de la forêt amazonienne à la zone urbaine de Piura, ville au milieu d'un désert. Il use de ce style qui a fait de lui sa renommée et qu'il abandonnera plus tard au profit de tournures littéraires plus conventionnelles.
Après avoir lu une dizaine d'ouvrages du même auteur, j'ai eu quelques difficultés à le suivre dans ses sautillements d'un personnage à l'autre, il y a effectivement beaucoup de monde. Pour saisir le message que Vargas Llosa veut transmettre, il est nécessaire de connaître son vécu. Tout particulièrement sa jeunesse car ses premiers romans reflètent cette période.
Il montre une autre facette du Pérou en échappant aux stéréotypes. le nord du Pérou reste encore assez méconnu et loin de l'influence Quetchua. Ceci lui permet de s'évader du carcan de l'indigénisme qu'il dénonce, notamment au travers de l'oeuvre d'Arguedas qu'il décrira par la suite dans un de ses livres, l'utopie archaïque.
On peut déceler peut-être quelques relents marxistes, convictions dont les auteurs du boum latino-américains étaient empreints suite à la montée du Castrisme. La volonté de mélanger des cultures originelles, les sauvages de la « selva » et des Mangaches, esclaves « Malgaches » bien présents sur le littoral péruvien et dont personne ne parle jamais. L'exploitation des indigènes de la forêt auxquelles les missionnaires catholiques donnent les premiers outils nécessaires à la vie en société, la conversion vers la civilisation précaire qui n'a d'autre horizon que la « Casa Verde », le bordel de Piura.

Lien : https://eric.bonnave@gmail.com
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