Oui. Mais soixante ans après, ça n'avait pas de sens, si ?
— C'est vous qui le dites : un enfer, on en parle tous les jours. C'est donc qu'on y pense tous les jours. Même pendant soixante ans.
On a tous des petites idées, et surtout la nuit quand on se tourne dans son lit, pas vrai ?
la panique, mère de violences.
Tous deux enfants du Bearn, Adamsberg et Veyrenc avaient hérité de leur montagne quelque matière incassable, souplesse pour l'un, stabilité pour l'autre. Tandis qu'un souffle d'air pouvait emporter Danglard dans les terres de l'angoisse
Ma hiérarchie n’aime pas la panique, mère de violences.
Il y a le des lieux, comme cela, qui accompagne un voyage. Le voyage s'achève et ce lieu s'en va avec lui.
- Trois morts, c'est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n'est pas de notre compétence.
- Ce qu'il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J'ai donc rendez-vous demain au Muséum d'Histoire naturelle.
- Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais dans quelles brumes avez-vous perdu la vue ?
- Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.
- Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l'araignée recluse ?
On dit que ces gars là ont la tête dure, à cause de la montagne. Comme les Bretons, à cause de la mer. Une seule petite erreur et la montagne vous lâche, et la mer vous attrape. Ce sont des éléments trop grands pour l’homme, alors il faut s’endurcir le crâne.
Une petite femme un peu rondelette de quelque soixante-dix ans, appuyée sur une canne, s'approcha du banc. Inquiète ou méfiante, elle s'y assit à plus d'un mètre du commissaire. Elle coinça sa canne auprès d'elle, et la canne tomba. Toutes les cannes glissent, toutes les cannes tombent , se dit Adamsberg, qui la ramassa aussitôt et la tendit en souriant à la femme.
Comme tant d'autres, Adamsberg aimait les voyages en train, qui vous faisaient l'offrande d'une parenthèse, voire d'une excursion fugitive hors du monde.