Il s'agit d'une retranscription faite par
David Teboul, documentaliste et scénariste, des ses entretiens avec
Simone Veil, ainsi que des entretiens qu'il a organisés entre
Simone Veil et sa soeur
Denise Vernay, résistante, son amie
Marceline Loridan-Ivens, et son ami Paul Schaffer, tous deux camarades et rescapés des camps de Birkenau.
Les deux dialogues les plus longs et les plus forts sont ceux de
Simone Veil avec
David Teboul et de
Simone Veil avec Paul Schaffer.
Ce que dit
Simone Veil à propos de son expérience des camps d'extermination complète ce qu'elle a écrit dans son autobiographie,
une Vie, parue en 2007. C'est bouleversant de vérité et de sincérité.
Ce qui m'a le plus frappé, au delà de l'horreur des camps, c'est le silence des autorités et de la population lors retour des rescapés des camps en France. Comme si rien ne s'était passé, comme si l'expérience vécue était inavouable. Et puis des petits détails poignants, qui nous montrent à quel point cette grande dame si courageuse a souffert de cette expérience terrible. Ainsi, le fait de ne pas supporter la promiscuité, sa répulsion à être frôlé par quelqu'un, son angoisse d'être dans une file d'attente au cinéma. le récit de la carrière de
Simone Veil est moins développé que dans son autobiographie, mais plus mis dans la perpective de son expérience fondatrice. Ainsi pour les attaques contre la loi sur l'IVG, pour sa volonté farouchement européenne...et aussi sur son indépendance d'esprit et son refus de la compromission.
Le dialogue avec Paul Schaffer est aussi passionnant, car il aborde une multitude de points dont certains m'étaient inconnus. Au delà de l'échange sur leurs souvenirs personnels du camp de Birkenau, ils évoquent ainsi l'incommunicabilité de l'expérience vécue par les rescapés, le devoir impérieux de mémoire et la transmission aux générations futures face à la remontée de l'antisémitisme, l'énigme de la folie génocidaire dans un peuple aussi cultivé que le peuple allemand, la survenue des autres génocides du 20ème siècle: Cambodge, Rwanda, Yougoslavie, la question de savoir ce que les alliés savaient des camps, l'hypocrisie de la Croix Rouge et du Vatican, le refus des États Unis d'accueillir en 1938 les juifs fuyant l'Europe, la création de l'état d'Israel, etc..
L'entretien avec sa soeur Denise est extrêmement touchant, car évoquant essentiellement le souvenir de leur enfance et de leurs parents au travers de photos qui nous sont présentées dans le livre.
Enfin, celui avec Marceline nous plonge principalement au coeur de la réalité quotidienne du camp, et d'une façon très précise et détaillée. Dialogue là encore incroyable de vérité et sincérité.
A la fin de la lecture de ce livre, au delà de l'admiration que suscite une femme dont toute la vie exemplaire prend ses racines dans une expérience inimaginable, la leçon à tirer, c'est plus jamais ça, c'est refuser toute forme d'intolérance et de violence: politique, religieuse, de pays d'origine, d'orientation sexuelle, contre les femmes...C'est malheureusement toujours d'actualité dans notre pays. N'oublions jamais l'exemple de
Simone Veil.