Le dictio-maire

Se ralliant à la forme inusable du dictionnaire, qui rencontre ici l'occasion d'un joli jeu de mots, Françoise Verchère revient sur quelque vingt-cinq années de vie politique, particulièrement à la tête de la mairie de Bouguenais (1993-2007), ville accueillant un aéroport quand sa première magistrate avoue avoir peur en avion.
L'ironie, ici, est de mise, à son propre endroit surtout, et Françoise Verchère n'hésite pas à dire ses erreurs personnelles, à parler de ces «sales moments» où l'on s'aperçoit que l'opposition avait raison…
Cocasses ou émouvantes, rapportées avec une clarté et une justesse remarquables d'écriture – on devine la latiniste, on reconnaît l'ancienne «prof» de lettres –, les anecdotes «croquignolettes» sont légion, de la sous-préfète qui manque l'arrivée de Fabius (et, qui sait, sa carrière…) au braqueur venu demander à celle qui s'est engagée dans le «métier de maire» de lui faire sauter une contravention, en passant par le singe échappé et perché sur le toit du Crédit Agricole…
Aux entrées "Clientélisme", "Strass et paillettes", "David et Goliath", "Discours" ou "Politique" répondent des définitions et commentaires particulièrement réussis qui embarquent le lecteur dans les coulisses de la gestion d'une ville «de plus de 10 000 habitants» (plus de 15 000 en l'occurrence) dont le capitaine est une femme, fait peu courant encore.
Au delà de l'humour, c'est une belle honnêteté de propos et de pensée qu'offre l'actuelle vice-présidente du conseil régional de Loire-Atlantique (déléguée à l'environnement), sur les gens du voyage, par exemple. Ni angélisme, ni fermeture d'esprit pour évoquer les questions épineuses, même si sa préférence va clairement à la prévention et à la pédagogie patientes, opiniâtres, plutôt qu'à la répression : «Expliquer, expliquer encore et savoir résister. Car celui qui est à blâmer n'est pas celui qui demande mais celui qui cède.»
Honnêteté dans ces pages, et fidélité à ses convictions (de gauche, est-ce utile de le préciser?), mais aussi dans l'action, quand la femme politique de Bouguenais dénonce pratiques dispendieuses et privilèges, tous partis confondus.
Toujours pertinents, astucieux et, bien sûr, drôles, les dessins de Frap apportent une distance supplémentaire aux textes de celle dont les bêtes noires s'appellent clôtures, cravates ou réunionite, qui épingle la langue de bois de… Lang, qui moque enfin le principe de précaution, le tutoiement, les lieux communs, les sigles, les euphémismes et autres manies de la gent politique.

Chronique parue dans" Encres de Loire" n° 50 page 25, hiver 2009-2010

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