Les gens rient… de quoi ? de qui ? de leurs joies ? de leurs plaisanteries ? de moi ? de mes travers ?… Ils rient, c’est tout ce que je vois. La nuance de leur gaieté m’échappe ; j’ai vécu seule, je ne sais pas lire sur le visage des autres ; c’est une étude qu’on fait inconsciemment, avec les années. C’est la vie, en somme, ces mêmes faits quotidiens que chacun comprend et subit. Pour moi, ils sont nouveaux ; je suis comme neuve au milieu de la foule : loyauté, sympathie, affection, désespoir ou haine, vous avez un visage que je ne sais pas reconnaître.
Rêveuse et mélancolique, ses yeux songeurs évoquaient, tour à tour, l’Egypte mystérieuse, les Indes fabuleuses, l’Amérique aux dollars, et chacun voyait en elle ce qu’il lui plaisait le plus d’y trouver.
— Une femme que je n’aimais pas, qui m’était odieuse, avec laquelle j’étais fermement décidé à n’avoir jamais le moindre rapprochement… n’était-ce pas une question de simple loyauté, de rompre tous rapports du premier coup, de ne pas permettre même à son imagination féminine de s’attarder sur moi…
— Oh ! l’odieuse logique masculine. C’est avec de pareils raisonnements qu’un homme piétine un cœur de femme, qu’il jette le désespoir dans une pauvre âme de gosse, qu’il brise la vie d’un être innocent dont le seul tort était d’avoir cru en la toute-puissance d’un mariage avec lui !
Le scénario, cependant, était puéril ; mais ce sont souvent les sujets les plus simples qui sont le mieux accueillis.
Il faudra bien qu’un jour ou l’autre tu arrives à te remarier… Tu ne peux vivre sans descendance. Notre nom ne doit pas périr et puisque ton frère n’a que des filles et que sa femme est privée désormais de l’espoir d’une autre maternité, il faut bien que ce soit toi qui assumes le devoir de la survivance de notre nom.