Un vieux livre trouvé dans un grenier des Pyrénées Orientales, lu par curiosité. C'est bien gentil, avec un peu d'humour, complètement dépassé aujourd'hui.
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Une longue auto, à conduite intérieure, de couleur sobre mais de forme irréprochable, s’allongeait dans la cour d’allée d’un grand hôtel particulier de l’avenue Marceau à Paris.
Assis sur le marchepied, le nez plongé dans une brochure, le chauffeur, un grand jeune homme blond d’une trentaine d’années, attendait des ordres.
Il y avait plus d’une heure que l’homme lisait quand, du haut du perron majestueux descendant de l’hôtel, apparut Michelle Jourdan-Ferrières, la fille de l’ancien fabricant de conserves, bien connu, aujourd’hui, dans le monde de la finance internationale.
Elle était un peu grande, si fine, si distinguée dans son tailleur sombre que les yeux s’accrochaient à elle, involontairement, pour la détailler avec plaisir.
La petite tête altière, au profil régulier, se rejetait en arrière, avec un charme hautain fait de réserve et d’orgueil.
L’immense fortune de son père, brave homme, mais d’intellectualité médiocre, qui se croyait d’essence supérieure pour avoir su réaliser sur des fournitures de conserves, à l’État, des bénéfices atteignant le taux, normal pour lui, de trois cent cinquante pour cent, avait fait de Michelle un être particulier, mi-cynique, mi-naïf.
Foncièrement honnête et droite, elle n’admettait pas cependant qu’un seul de ses désirs pût être mis en échec.
Une mère aurait pu atténuer, peut-être, ce que son caractère avait de trop volontaire et de trop orgueilleux. Mais Michelle avait perdu sa mère alors qu’elle était encore très jeune, et son père, s’étant remarié quelques années après, ne lui avait donné pour belle-mère qu’une femme jolie et insignifiante, trop coquette pour être bonne éducatrice, trop imbue de sa petite personne pour penser à celle des autres.