AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 978B005R8BH66
(30/09/2011)
4.4/5   5 notes
Résumé :
Ce livre est une oeuvre du domaine public éditée au format numérique par Norph-Nop. L?achat de l?édition Kindle inclut le téléchargement via un réseau sans fil sur votre liseuse et vos applications de lecture Kindle
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Oeuvres poétiquesVoir plus
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
A Monsieur de Montmorency. Ode

Lorsqu'on veut que les Muses flattent

Un homme qu'on estime à faux,

Et qu'il faut cacher cent défauts

Afin que deux vertus éclatent,

Nos esprits, d'un pinceau divers,

Par l'artifice de nos vers,

Font le visage à toutes choses,

Et dans le fard de leurs couleurs

Font passer de mauvaises fleurs

Sous le teint des lys et des roses.

Ce vagabond, de qui le bruit

Fut si chéri des destinées

Et si grand que trois mille années

Ne l'ont point encore détruit,

Avecque de si bonnes marques

N'eût foulé la rigueur des Parques,

Ni peuplé le pays Latin,

Si, depuis qu'on brûla sa ville

Auguste n'eût prié Virgile

De lui faire un si beau destin.

Tout de même, au siècle où nous sommes,

Les richesses ont acheté

De notre avare lâcheté

La façon de louer les hommes;

Mais je ne te conseille pas

De présenter aucun appas

A tant de plumes hypocrites;

D'autant que la postérité

Verra mieux dans la vérité

La mémoire de tes mérites.

Laisse là ces esprits menteurs,

Sauve ton nom de leurs ouvrages,

Les compliments sont des outrages

Dedans la bouche des flatteurs.

Moi, qui n'ai jamais eu le blâme

De farder mes vers ni mon âme,

Je trouverai mille témoins

Que tous les censeurs me reçoivent,

Et que les plus entiers me doivent

La gloire de mentir le moins.

Cette grâce si peu vulgaire,

Me donne de la vanité,

Et fait que sans témérité

Je prendrai le soin de te plaire.

Les dieux, aidant à mon dessein,

Me verseront dedans le sein

Une fureur mieux animée,

Ils m'apprendront des traits nouveaux

Et plus durables et plus beaux

En faveur de ta renommée.

Mais aussitôt que mon désir,

Qui ne respire que la gloire

De travailler à ta mémoire,

Jouira d'un si doux loisir,

Mon astre qui ne sait reluire

Que pour me troubler et me nuire,

Cachera son mauvais aspect,

Et son influence inhumaine

N'a pas eu pour moi tant de haine

Qu'elle aura pour toi de respect.

Mes affections exaucées

En l'ardeur d'un si beau projet,

Recouvreront pour ton sujet

La liberté de mes pensées.

Mes ennuis seront écartés,

Et mon âme aura des clartés

Si propices à tes louanges,

Que le Ciel s'il n'en est jaloux,

Ayant trouvé mes vers si doux,

Il les fera redire aux anges.

Je sens une chaleur d'esprit

Qui vient persuader ma plume

De tracer le plus grand volume

Que Français ait jamais écrit.

Tout plein de zèle et de courage,

Je m'embarque à ce grand ouvrage;

Je sais l'Antarctique et le Nord,

J'entends la carte et les étoiles,

Et ne fais point enfler mes voiles

Avant qu'être assuré du port.

Par les rochers et dans l'orage

De l'onde où je me suis commis,

Je prépare à mes ennemis

L'espérance de mon naufrage;

Mais, que les astres irrités

De toutes leurs adversités

Persécutent mon entreprise,

Je ne connais point de malheur

Qu'au seul renom de ta valeur

Je ne vainque ou je ne me méprise.
Commenter  J’apprécie          10
Contre l'hiver. Ode

Plein de colère et de raison,

Contre toi, barbare saison,

Je prépare une rude guerre.

Malgré les lois de l'univers,

Qui de la glace des hivers

Chassent les flammes du tonnerre,

Aujourd'hui l'ire de mes vers

Des foudres contre toi desserre.

Je veux que la postérité,

Au rapport de la vérité,

Juge ton crime par ma haine.

Les dieux qui savent mon malheur,

Connaissent qu'il y va du leur,

Et d'une passion humaine,

Participant à ma douleur,

Promettent d'alléger ma peine.

La Parque, retranchant le cours

De tes soleils bien que si courts,

Rien que nuit sur toi ne dévide!

Puisses-tu perdre tes habits!

Et ce qu'au parc de nos brebis

Peut souhaiter le loup avide

T'arrive, et tous les maux d'Ibis,

Comme le souhaitait Ovide!

Cérès ne voit point sans fureur

Les misères du laboureur

Que ta froidure a fait résoudre

A brûler même les forêts:

Les champs ne sont que des marêts;

L'été n'espère plus de moudre

Le revenu de ses guérets,

Car il n'y trouvera que poudre.

Tous nos arbres sont dépouillés,

Nos promenoirs sont tous mouillés,

L'émail de notre beau parterre

A perdu ses vives couleurs,

La gelée a tué les fleurs,

L'air est malade d'un caterre,

Et l'oeil du ciel noyé de pleurs

Ne sait plus regarder la terre.

La nacelle, attendant le flux

Des ondes qui ne courent plus,

Oisive au port est retenue;

La tortue et les limaçons

Jeûnent perclus sous les glaçons;

L'oiseau sur une branche nue

Attend pour dire ses chansons

Que la feuille soit revenue.

Le héron quand il veut pêcher,

Trouvant l'eau toute de rocher,

Se paît du vent et de sa plume;

Il se cache dans les roseaux

Et contemple, au bord des ruisseaux,

La bise contre sa coutume

Souffler la neige sur les eaux

Où bouillait autrefois l'écume.

Les poissons dorment assurés

D'un mur de glace remparés,

Francs de tous les dangers du monde

Fors que de toi tant seulement,

Qui restreins leur moite élément

Jusqu'à la goutte plus profonde,

Et les laisses sans mouvement,

Enchassés en l'argent de l'onde.

Tous les vents brisent leurs liens,

Et dans les creux éoliens

Rien n'est resté que le Zéphyre

Qui tient les oeillets et les lys

Dans ses poumons ensevelis,

Et triste en la prison soupire

Pour les membres de sa Philis,

Que la tempête lui déchire.

Aujourd'hui mille matelots,

Où ta fureur combats les flots,

Défaillis d'art et de courage

En l'aventure de tes eaux

Ne rencontrent que des tombeaux;

Car tous les astres de l'orage,

Irrités contre leurs vaisseaux,

Les abandonnent au naufrage.

Mais tous ces maux que je décris

Ne me font point jeter de cris,

Car eusses-tu porté l'abîme

Jusques où nous levons les yeux,

Et d'un débord prodigieux

Trempé le ciel jusqu'à la cime,

Au lieu de t'être injurieux,

Hiver, je louerais ton crime.

Hélas! le gouffre des malheurs

D'où je puise l'eau de mes pleurs,

Prend bien d'ailleurs son origine:

Mon désespoir dont tu te ris,

C'est la douleur de ma Cloris,

Qui rend toute la Cour chagrine;

Les dieux qui tous en son marris,

Jurent ensemble ta ruine.

Ce beau corps ne dispose plus

De ses sens dont il est perclus

Par la froideur qui les assiège:

Epargne, hiver, tant de beauté;

Remets sa voix en liberté;

Fais que cette douleur s'allège;

Et pleurant de ta cruauté,

Fais distiller toute la neige.

Qu'elle ne touche de si près

L'ombre noire de tes cyprès;

Car si tu menaçais sa tête,

Le laurier que tu tiens si cher,

Et que l'éclat n'ose toucher.

Serait sujet à la tempête,

Et les dieux lui feraient sécher

La racine comme le faîte.

Mais si ta crainte ou ta pitié

Veut fléchir mon inimitié,

Sois-lui plus doux que de coutume;

Ronge nos vignes de muscat

Dont les Muses font tant de cas;

Mais, à la faveur de ma plume,

Dans ses membres si délicats

Ne ramène jamais le rhume.

Promène tes aquilons

Par la campagne des Gélons,

Grêle dessus les monts de Thrace;

Mais si jamais tu réprimas

La violence des frimas

Et la pureté de ta glace

Sur les plus tempérés climats,

Le sien toujours ait cette grâce.

Sa maison, comme le saint lieu

Consacré pour le nom d'un dieu,

Rien que pluie d'or ne possède;

Ta neige fonde sur son toit

Un sacré nectar qui ne soit

Ni brûlant, ni glacé, ni tiède,

Mais tel que Jupiter le boit

Dans la coupe de Ganymède

Si tu m'accordes ce bonheur

Par cet oeil que j'ai fait seigneur

D'une âme à l'aimer obstinée,

Je jure que le Ciel lira

Ton nom qu'on n'ensevelira

Qu'au tombeau de la destinée,

Et par moi ta louange ira

Plus loin que la dernière année.
Commenter  J’apprécie          00
Épître au lecteur

Puisque ma conversation est publique et que mon nom ne se peut cacher, je suis bien aise de faire publier mes écrits, qui se trouveront assez conformes à ma vie et très éloignés du bruit qu'on a fait courir de moi. Je sais bien que dans l'aveugle confusion d'une réputation ignorante on a parlé de moi comme d'un homme à périr pour exemple, sans que jamais l'Eglise ni le Palais aient repris ni mon discours ni mes actions. Et depuis qu'il me souvient d'avoir vécu parmi les hommes, je n'en ai jamais pratiqué qui ne me soient encore amis. Tous ceux qui parlent mal de moi ne sont ni de ma conversation ni de ma connaissance. Je me puis vanter d'avoir assez de vertu pour imputer à l'envie les médisances qui m'ont persécuté. Ces outrages ne m'ont point affligé l'esprit ni détourné le train de ma vie. Je sais que les injures de ma fortune ont fait celles de ma réputation. En mon bannissement j'étais infâme et criminel; depuis mon rappel, innocent et homme de bien. Et la même façon de vivre qui s'appelait autrefois débauche, s'appelle aujourd'hui réformation. Les esprits des hommes sont faibles et divers partout, principalement à la Cour où les amitiés ne sont que d'intérêt ou de fantaisie; le mérite ne se juge que par la prospérité, et la vertu n'a point d'éclat que dans les ornements du vice; l'éloquence n'a plus de grâce qu'à persuader la liberté et les mauvais moeurs; la pointe et la facilité de l'esprit ne paraît plus qu'à médire; être habile, c'est bien trahir; la raison est inconnue, la Religion encore plus; le Roi ne voit que des révoltes; Dieu n'entend que des impiétés, tant le siècle est maudit du Ciel et de la terre; les gens de lettre ne savent rien; la plupart des juges sont criminels; passer pour honnête homme, c'est ne l'être point. Dans ce rebours de toutes choses, j'ai de l'obligation à mes infamies qui, au vrai sens, se doivent appeler des faveurs de la renommée. Sur cette foi je ne changerai ni mon nom ni mes pensées; et veux sortir sans masque devant les plus rigoureux censeurs des écoles les plus chrétiennes. Je ne sache ni latin ni français, ni vers ni prose qui redoute la presse ni la lecture des plus délicats; je parle pour la conscience, car du style et de l'imagination, je ne suis ni fort ni présomptueux; et cette publication est plutôt de l'humilité de mon âme que de la vanité de mon esprit.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Théophile de Viau (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Théophile de Viau
Rencontre proposée par Yves le Pestipon. Théophile de Viau, Avis au lecteur, 1623, du début à «suspectes de fausseté».
Il y eut une affaire Théophile de Viau. Les jésuites, et en particulier le père Garasse l'accusèrent, non sans quelques raisons, d'avoir publié des poèmes licencieux. Il fut condamné à être brûlé en 1623, ce qu'il parvint à éviter, mais il mourut trois ans plus tard des suites de son arrestation. Cette affaire est un moment important de l'histoire de la censure, donc de la littérature, en France, parce que Théophile se défendit. Face aux attaques, il écrivit force textes, dont l'«avis au lecteur» de l'édition de ses oeuvres en 1623. C'est un texte magnifique face à la calomnie. Il pourrait être employé aujourd'hui par ceux qui font face aux «mauvais» et «faux bruits», et dont le «silence» seul pourrait passer pour «crime». Très petite bibliographie Libertins du 17esiècle, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1998. Théophile de Viau, Oeuvres poétiques, Classiques Garnier jaune, 2008.
--
08/04/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER

Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (10) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}