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Guido Saba (Éditeur scientifique)
EAN : 9782915937206
513 pages
Editions Classiques Garnier (01/05/2008)
3.88/5   8 notes
Résumé :

Théophile de Viau n'est plus à découvrir ou à réhabiliter : il est l'une des voix importantes de la littérature française, en particulier de celle du XVIIe siècle. Cette édition se propose d'offrir au lecteur une véritable édition critique de ses Œuvres poétiques et de sa tragédie Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé. L'éditeur a suivi le texte qu'il a établi pour son... >Voir plus
Que lire après Oeuvres poétiques et Les Amours tragiques de Pyrame et ThisbéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il est parfois bien agréable de se pencher sur des oeuvres poétiques que le temps, l'indifférence des hommes ou des conjonctures malheureuses ont précipitées dans une forme d'oubli.
Elles sont là pourtant, attendant qu'un lecteur les découvre ou les redécouvre comme le fit Théophile Gautier pour les poèmes de Théophile de Viau.
Oublié à l'époque classique, Théophile de Viau (1590-1626), dramaturge et poète baroque du XVIIe siècle, fut redécouvert par les romantiques, au XIXe siècle, notamment par l'auteur du « Capitaine Fracasse ».
La fatale erreur de ce brillant poète de la cour de Louis XIII fut sans doute d'avoir voulu chanter l'Amour, les corps qui s'unissent, les plaisirs de la chair avec toute la fougue, la ferveur et l'ardeur d'un esprit libertin.
Sans doute aussi que ses écrits satiriques, ses engagements amicaux et politiques, son dédain pour les nouvelles contraintes poétiques des auteurs classiques et son refus d'imiter les « Auteurs Anciens » ont largement prévalu à son abandon et son bannissement.
Théophile de Viau revendique liberté de ton et modernité des rimes :
« Je veux faire des vers qui ne soient pas contraints,
Promener mon esprit par de petits desseins,
Chercher des lieux secrets où rien ne me déplaise,
Méditer à loisir, rêver tout à mon aise,
Employer toute une heure à me mirer dans l'eau,
Ouïr comme en songeant la course d'un ruisseau,
Écrire dans les bois, m'interrompre, me taire,
Composer un quatrain, sans songer à le faire. »

Persécuté, accusé d'athéisme et d'homosexualité, il connut l'exil et la prison. Miné, accablé, il mourut très jeune, à 36 ans. Et sans doute sentait-il déjà la disgrâce dans laquelle son époque allait le projeter : « Ô mort, quand tu voudras je suis prêt à partir / Car je suis assuré que je mourrai martyr / Pour avoir adoré le plus bel oeil du monde. »

Théophile de Viau est un libertin ; ses poèmes le sont aussi. Mais de cette sorte de libertinage qui est avant tout une philosophie de vie, qui contemple et s'émerveille, qui célèbre une nature exubérante, étrange et fantaisiste, qui acclame le murmure d'une eau douce, qui magnifie le front d'albâtre d'une femme… « Toi seule est le trésor et l'objet précieux / Où veillent sans repos mon esprit et mes yeux ».
Ses odes glorifient la Beauté, ses poèmes lyriques exaltent un esthétisme précieux, ses sonnets, stances et élégies se parent d'allégories, de rêveries vagabondes…
Des rimes qui ne portent pas toujours au plus profond de l'âme mais qui babillent gentiment dans les coeurs, harmonieusement accordées, chantantes comme des gazouillis d'oiseaux, comme de petits cailloux bigarrés que l'on regarde un instant briller au fond de soi.
Des sonnets qui tintent comme les sons limpides d'un cristal de Bohême, purs, naturels, angéliques, argentins…Des vers libres et modernes désirant s'affranchir des règles imposées et des contraintes des auteurs classiques.
Il y a de la fraîcheur dans cette poésie claire, transparente, éthérée, une odeur de sous-bois, des danses de sylphides, des arabesques joyeuses et enthousiastes, des étreintes ferventes et exaltées.
« L'Amour qui ne va que nu / Ne souffre point qu'on se déguise / Les Nymphes au sortir des eaux / D'un peu de jonc et de roseaux / Se font la coiffure et la robe / Et les yeux du Satyre ont droit / de regretter encor l'endroit / Que le vêtement leur dérobe. »

Mais il y a aussi dans la poésie de Théophile de Viau une face sombre et torturée, celle du poète qui se sait maudit et incompris.
« J 'ai choisi loin de votre empire/ Un vieux désert où des serpents/ Boivent les pleurs que je répands/ Et soufflent l'air que je respire. »
C'est la triste colère d'un homme exilé, éreinté par les critiques acerbes. C'est le froid mépris affiché pour les calomniateurs qui s'accordent à donner de lui l'image d'un être vil, licencieux, sodomite.
Ce sont alors des vers qui disent l'affliction, la tristesse de la séparation, la douleur d'un coeur rejeté : « Justes cieux, qui voyez l'outrage / Que je souffre peu justement / Donnez à mon ressentiment / Moins de mal ou plus de courage. »

« Ce qu'on voit, ce qu'on peut ouïr/ Passera comme une peinture »
La poésie baroque de Théophile de Viau n'est pas comme ces peintures aux couleurs éteintes et délavées qu'infligent l'Histoire ou le temps ; elle n'est pas encore passée…
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Les amours tragiques de Pyrame et Thisbé

Un nouveau théâtre apparaît en France au milieu du XVIe siècle, qui balaie le théâtre du Moyen-Age. Puisant ses sources dans l'antiquité, modèle insurpassable à imiter, s'inspirant du théâtre italien, qui le premier est retourné aux sources antiques, ce théâtre humaniste, initié par la Pléiade, va créer un certain nombre de tragédies et comédies.

Mais au début du XVIIe siècle, ces conceptions sont de plus en plus contestées, de nouveaux auteurs et théoriciens aspirent à une autre vision plus moderne du théâtre, correspondant davantage aux goûts du public de l'époque. de nouveaux sujets et de nouvelles façons de construire les pièces sont débattues et expérimentées.

C'est ainsi que Théophile de Viau, poète sulfureux et contestataire, fait créer sa pièce, l'année de la première représentation n'étant pas connue, la première publication date de 1623. Les contemporains y ont vus une évolution, une rupture importante, et elle a produit la tradition de la tragédie élégiaque dans laquelle les amants ne se retrouvent que dans la mort.

La pièce s'inspire des Métamorphoses d'Ovide. Thisbé et Pyrame sont deux amoureux, dont les parents sont ennemis. Ils bravent les interdits familiaux en communiquant par une fissure dans le mur qui sépare leurs maisons. Un jour, ils décident de s'enfuir ensemble, et se donnent rendez-vous auprès d'un tombeau à l'extérieur de la ville de Babylone. Thisbé arrivée la première, se sauve à l'arrivée d'une lionne, et perd son voile. La lionne s'acharne sur ce voile, et comme elle a la gueule ensanglantée, elle le laisse lacéré et plein de sang. Pyrame qui arrive à son tour, voit ce voile, et pense que sa bien aimée a été victime de bête sauvage, et se poignarde. Thisbé, revenue, n'a plus qu'à se poignarder à son tour.

Théophile a introduit une nouvelle trame dans l'histoire d'origine : le Roi aime Thisbé et la poursuit, et projette de faire tuer Pyrame. La trame de l'abus de pouvoir familial se conjugue avec la trame de l'abus du pouvoir politique ; les deux sont mis en cause par la pièce et renvoyés dos à dos en quelque sorte. L'amour passion, excessif et extrême trouvant sa conclusion dans la mort quasi inévitable. Une indéniable sensualité irradie de la pièce, en rapport avec la nature (jardin, désert…). L'amour pulsion irrépressible ne trouvant sa conclusion que dans la mort.

Pièce d'un auteur original et personnel, malgré une certaine façon de s'accommoder des règles, elle est assez passionnante, que ce soit dans le fond que dans la forme. J'aimerais beaucoup la voir jouée pour voir ce que cela peut donner sur scène.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je viens dans un désert mes larmes épancher,
Où la terre languit, où le Soleil s’ennuie,
Et d’un torrent de pleurs qu’on ne peut étancher
Couvre l’air de vapeurs et la terre de pluie.

Là le seul réconfort qui peut m’entretenir,
C’est de ne craindre point que les vivants me cherchent
Où le flambeau du jour n’osa jamais venir.

Théophile de Viau.
(1590-1626)
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Mon espérance refleurit…

Stances

Mon espérance refleurit,
Mon mauvais destin perd courage,
Aujourd’hui le Soleil me rit,
Et le Ciel me fait bon visage.

Mes maux ont achevé leur temps,
Maintenant ma douleur se range,
A la fin mes vœux sont contents,
Amour a ramené mon ange.

Dieux que j’ai si souvent priés
Sans me vouloir jamais entendre;
Je vous ai bien injuriés
D’être si longs à me la rendre.

J’excuse votre cruauté,
Je perds le soin de vous déplaire,
Le retour de cette beauté
A fini toute ma colère.
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L'autre jour inspiré d'une divine flamme

Sonnet

L'autre jour inspiré d'une divine flamme,
J'entrai dedans un temple, où tout religieux,
Examinant de près mes actes vicieux,
Un repentir profond fit soupirer mon âme.

Tandis qu'à mon secours tous les Dieux je réclame,
Je vois venir Phyllis : quand j'aperçus ses yeux,
Je m'écriai tout haut : ce sont ici mes Dieux,
Ce Temple, et cet Autel appartient à ma Dame.

Les Dieux injuriés de ce crime d'Amour
Conspirent par vengeance à me ravir le jour ;
Mais que sans plus tarder leur flamme me confonde.

Ô mort, quand tu voudras je suis prêt à partir ;
Car je suis assuré que je mourrai martyr,
Pour avoir adoré le plus bel oeil du monde.
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A Cloris

S'il est vrai, Cloris, que tu m'aimes,
Mais j'entends que tu m'aimes bien,
Je ne crois point que les Rois mêmes
Aient un heur comme le mien :
Que la mort serait importune
De venir changer ma fortune
À la félicité des Dieux !
Tout ce qu'on dit de l'ambroisie
Ne touche point ma fantaisie
Au prix des grâces de tes yeux.
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Si j’étais dans un bois poursuivi d’un lion,
Si j’étais à la mer au fort de la tempête,
Si les dieux irrités voulaient presser ma tête
Du faix du mont Olympe et du mont Pélion,

Si je voyais le jour que vit Deucalion
Où la mort ne cuida laisser homme ni bête,
Si pour me dévorer je voyais toute prête
La rage des flambeaux qui brûlaient Ilion,

Je verrais ces dangers avecque moins d’ennui
Que les maux violents que je souffre aujourd’hui
Pour un mauvais regard que m’a donné mon ange.

Je vois déjà sur moi mille foudres pleuvoir,
De la mort de son fils Dieu contre moi se venge
Depuis que ma Philis se fâche de me voir.
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Videos de Théophile de Viau (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Théophile de Viau
Rencontre proposée par Yves le Pestipon. Théophile de Viau, Avis au lecteur, 1623, du début à «suspectes de fausseté».
Il y eut une affaire Théophile de Viau. Les jésuites, et en particulier le père Garasse l'accusèrent, non sans quelques raisons, d'avoir publié des poèmes licencieux. Il fut condamné à être brûlé en 1623, ce qu'il parvint à éviter, mais il mourut trois ans plus tard des suites de son arrestation. Cette affaire est un moment important de l'histoire de la censure, donc de la littérature, en France, parce que Théophile se défendit. Face aux attaques, il écrivit force textes, dont l'«avis au lecteur» de l'édition de ses oeuvres en 1623. C'est un texte magnifique face à la calomnie. Il pourrait être employé aujourd'hui par ceux qui font face aux «mauvais» et «faux bruits», et dont le «silence» seul pourrait passer pour «crime». Très petite bibliographie Libertins du 17esiècle, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1998. Théophile de Viau, Oeuvres poétiques, Classiques Garnier jaune, 2008.
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08/04/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER

Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
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