Des beaux volumes mais tout est a refaire .
C'est sympa d’avoir de la visite, hein ?
- Oui, mais c’est dur quand les gens repartent.
"J'ai horreur de ce genre de couvre-lit. Tissu rêche, couleur moche, poussière, cendre. Couleur mort, on dirait qu'ils le font exprès.
Je déteste ce papier peint, cette peinture écaillée, cette odeur de vieillerie, de sang frais, de médicament.
Je hais le bruit de robinet qui fuit, ce ploc, ploc.
Oui, c'est à croire qu'ils le font exprès."
Je n'aime pas qu'un autre me touche.
Je n'avais pas envie de sa peau sur la mienne. Ses mains, chaudes, sèches, sur mon cou, mes épaules, effleurant mes cheveux. Et puis la sensation m'a rattrapée. Je me suis souvenue de ce que c'est le mélange des peaux.
Il faudra y repenser ce soir.
Tu vois Martial, c'est tout ça qu'on voudrait.
La fragilité de l'amour et des baisers.
Peut - être tout revivre, entendre encore les voix aimées. On n'aura rien de tout ça et on le sait bien.
- Tu sais, c'est comme si tu m'avais rattrapée dans ma chute.
- Tu tombais ?
- Je ne fais que ça depuis que je suis arrivée ici. Je tombe.
J'ai eu vingt ans ici, un mariage sous le tilleul, mes cheveux retenus en queue-de-cheval.
J'ai eu trente ans ici, et quatre fois le ventre gros. Trois bébés qui ont grandi, comme on court dans les hautes herbes. Et l'autre, celui qui n'a pas vécu, est enterré plus loin. Nous n'avons pas fleuri sa tombe.
J'ai eu quarante ans ici, un monde à mener à la baguette, avec le sourire. Et puis des années douces, le rire de mon homme, sa calvitie et ses mains baladeuse.
J'ai eu Cinquante ans ici, sans jamais craindre les lendemains.
J'ai eu soixante ans, la fête un jour d'orage, et soixante-dix ans, la marche plus lente, toujours main dans la main avec lui.
J'ai eu quatre-vingts ans ici, Henri avait disparu quelques mois avant et les enfants me disaient "tourne la page". Depuis, j'avance en manquant de tomber à chaque pas, puisque chaque pas m'éloigne encore de lui.
Je n'aurai plus rien ici, aucune fête, aucune chute, plus aucune nuit d'amour. Je n'ouvrirai plus les volets sur le matin frais. Je ne m'assiérai plus, un verre à la main pour contempler le soleil se coucher.
Je pars.
"Ma peur, c'est de perdre la mémoire, oublier tout, les prénoms, la vie d'avant"(p.41)
- Ma peur, c'est de perdre la mémoire, oublier tout, les prénoms, la vie d'avant.
- Ouais, ça et sentir que nos corps nous échappent, chaque jour un peu plus.
- Et que la mort rôde, aussi. C'est vrai, ça, non ? Je la vois qui rôde autour de nous.
- Moi, la mort, je m'en fous.
Je crois en Dieu !
- Eh ben ça a pas l'air réciproque !
- Bon, les vieux, avant de rentrer, vous voulez faire quoi ?
- Je voudrais retomber en enfance, me cacher et crier que je suis là, quand tu passeras près de ma planque
- J'ai envie de faire un feu de camp et réchauffer mes mains en soufflant dessus
- Faire mes bagages, remplir le coffre et partir droit vers le Sud !
- apprendre à marcher, à skier, à nager, à écrire, à lire, être petite encore
- ne plus avoir mal en me réveillant.