En créant la collection l'Ardeur,
Thierry Magnier a pris le parti de proposer aux adolescents une littérature érotique de qualité qui les interroge sur leurs désirs, leurs envies, leur sensualité et leur sexualité. C'est osé. C'est intelligent.
A l'heure où la dark romance et son cortège de clichés envahissent les cours de lycées (et de collèges), c'est un pas de côté salutaire.
Queen Kong, le titre est un écho évident au King Kong Theory de Despentes. L'incipit aussi. Ça claque dès les premières phrases. Si la narratrice ne nous dit pas qu'elle écrit depuis chez les moches, elle nous balance que ses camarades pourront bien la traiter de tous les noms, rien n'y fera.
"Alors ça y est j'en suis une. Une vraie. Une belle. Une grosse. Une sacrée. C'est pilonné dans les commentaires que je lis debout dans ma chambre."
Pour en arriver là, une expérience en quatre temps, presque quatre premières fois. Quatre mecs qui lui apporteront tous une image différente d'elle-même. le premier ouvrant la porte, le dernier lui signifiant qu'elle se devait d'être une autre. Au-delà du discours très deculpabilsant sur la sexualité féminine, une réflexion plus large sur l'appartenance au groupe, l'effet de masse, le choix des marges, l'intimité. Une centaine de pages suffit pour aborder avec pertinence des thématiques si prégnantes à l'adolescence (et pas seulement, quitte-t-on vraiment un jour la cour du lycée ?).
C'est court et percutant, ça ne prend pas le lecteur ado pour le demeuré qu'il n'est pas (mais bien comme un être humain qui expérimente, qui se construit, mais arrêtons-nous un jour de nous construire ?), un lecteur experimenté le lira en une courte soirée, et se dira qu'il n'a pas perdu son temps. Sans dévoiler la fin, elle claque tout autant que le début, la belle, la grosse, la sacrée devenant une femme tête haute et poing levé.
Et fuck, ça fait du bien.