Il suffit parfois de peu pour que naisse l'amour : un parfum, une silhouette, un mot, un geste. La rencontre avec
La Fille à la voiture rouge commence par un moment de politesse, une porte ouverte. C'est à la bibliothèque de la Sorbonne que le narrateur rencontre Emma Parker. Elle est belle, Emma, ainsi plongée dans ses pensées, c'est d'abord toute sa jeunesse qui touche, au premier regard, le romancier.
Emma a vingt ans, le narrateur, presque le double. Étudiante en lettres modernes, elle aime les
voyages, faire la fête et les grands magasins. Elle vit dans l'urgence, dans l'insouciance. Au volant de sa Porsche rouge, elle emmène l'écrivain pour une balade de nuit à Paris. Enivrante, mystérieuse, il n'en faut pas plus pour le narrateur qui tombe fou amoureux d'elle.
Dans ce récit à la première personne, où narrateur et auteur se croisent jusqu'à ne faire, finalement, plus qu'un, l'atmosphère est à la confidence. Imaginons-nous un soir pluvieux de
novembre, dans un café parisien. À nos côtés,
Philippe Vilain raconte, avec tenue et nostalgie, cette histoire d'amour passée. Par ses dires, les personnages s'animent, la rencontre est faite, la terrible nouvelle est annoncée : Emma Parker souffre d'un mal incurable, fatal. Sous les mots de l'auteur, « l'étudiante » devient « la petite miraculée », celle qui, malgré des séjours fréquents à l'hôpital – où elle refuse toute visite de son amant – continue de vivre intensément. « C'est ainsi qu'Emma Parker entra vraiment dans ma vie, avec la peur qu'elle n'en ressorte bientôt », confie le narrateur. Désormais, tout pour ce dernier tourne autour de son amour si bien qu'il en délaisse même l'écriture. Emma le hante, est omniprésente.
La Fille à la voiture rouge présente une ultime variation de Vilain sur l'amour, un récit intimiste, révélateur de ce que
Proust nommait élégamment, «
les intermittences du coeur ». Empruntant une nouvelle fois la voie autofictionnelle, Vilain questionne le sentiment amoureux, ses illusions et ses mensonges. La réalité vacille quand s'y instaure la fiction : auteur – et lecteur – veulent croire en cette histoire d'amour, malgré les inattendus, les énormités, la cocasserie – qui ne manqueront pas de surprendre le lecteur. Finalement, tout est remis en question, jusqu'à Emma Parker elle-même, dont le nom semble droit sorti d'un roman. Ainsi flottent, autour de l'étudiante, les ombres de
Flaubert et d'Emma Bovary.
Sous les souvenirs reconstruits de
Philippe Vilain, le personnage féminin questionne, en s'effritant, il laisse entrevoir une autre figure, une différente personnalité. « Ici commence une nouvelle histoire », un amour différent, une autre narration, qui poussent l'auteur à questionner les raisons d'aimer. Qu'est-ce qui fait que nous tombons amoureux ? Qui est l'Autre et quels sont ses secrets ? Pourquoi souhaite-t-on autant croire à nos histoires d'amour ? Finissons sur ces mots de Rémy de Gourmont, autre écrivain de l'amour : « l'illusion est une vérité et la vérité est une illusion ».
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